♠ Prologue d'une histoire.

Revenir à la source, revenir là où tout a commencé. La première page de l'histoire qui s'est écrit ici. La jeune akhal est dans la pièce où la porte a été arrachée par sa propre mère.

Elle ne bouge plus, elle s'enracine dans la pièce et devient la proie des images qui défilent. Les souvenirs rongent son esprit, portant une réflexion sur diverses questions. Un sentiment qui l'accable, la tourmente. Atteinte par ses souvenirs, le présent est devenue une illusion. La présence de Maxine est embrumée par le brouillard du passé qui entoure Runaway.

Un bruit vient brouiller ses souvenirs. Les images s'effacent et le présent reprend le dessus. Ce château est son repère, elle connait chaque pièce. Runaway se remet en marche pour arriver derrière la yearling. Son odeur trahit son identité. Un sourire éphémère étire ses lèvres avant de mourir pour laisser place à un visage sans expression.

Elle maîtrise parfaitement l'art de la dissimulation. Elle connait le terrain. Elle aime errer dans ce château depuis sa naissance. La jeune akhal entend son cœur battre, ses pulsations qui rendent Maxine vivante. Runaway ne réagit pas, son regard semble méprisé la yearling. Ses yeux rentrent en contact avec les siens. Elle a réussi son coup.

Fais attention au méchant loup.

Son mutisme se déchire, laissant sa voix remplir l'endroit. Elle s'avance plus près de la yearling, réduisant la distance et ne lâchant pas son regard.

Je risque rien avec toi. Cette réplique qui lui arrache un sourire. La naïveté de Maxine va certainement jouer en faveur de Runaway. Son sourire ne reste pas longtemps, il finit par mourir en laissant place à une expression avec aucune émotion retranscrite. Elle s'arrête, le poitrail à deux centimètres de se plaquer contre la petite. L'akhal a bien grandi et dépasse la demoiselle.

La deuxième parole de l'alezane peut influencer à nouveau les lèvres de la noiraude pour s'étirer d'un sourire. Son visage garde la même image, impartiale. Aucune méfiance ne découle de Maxine, elle ne lui en veut pas pour la dernière fois. Cela semble rassurer le corbeau. Un sentiment qui vient perturber le calme mais elle ne montre pas que la balance penche d'un côté et qu'elle commence à perdre son équilibre.

As-tu déjà fait face à des loups ?

Son visage se rapproche des oreilles de la petite pour lui dicter sa réponse. Cette question est calculée, elle n'est pas posée au hasard. Elle recule ainsi, le regard qui s'enfonce dans les prunelles de la yearling. Maxine possède toujours cette lueur qui dérange et déstabilise la noiraude.

La question, que le corbeau a posée, a un effet dérisoire sur Maxine. Les yeux de la noiraude fixe le visage de la rouquine dont l'expression se ternit. Cela procrée une certaine satisfaction pour Runaway, mais aucun rictus se dévoile pour montrer ce côté malsain dont elle est dotée. Un seul mot, oui, qui est articulé par la petite. Cela change de son habitude à débiter des paroles. Cette réaction contribue à nourrir la joie exprimée à l'intérieur du corbeau.

Runaway se met à tracer un cercle autour de Maxine, comme si elle était un vautour tournant au dessus de sa proie. Son regard perce chaque détail de la silhouette rousse. Elle montre ainsi sa supériorité du fait de la grande taille de la noiraude. Elle est parfaite. Une voix qui résonne dans sa conscience. Elle s'arrête quand ses prunelles sombres croisent le regard de sa congénère.

J'en conclus qu'ils ne t'ont pas tué.

Ses yeux quittent leur première cible et descendent sur les lèvres de la jeunette. Les souvenirs de ce bref contact qu'elles ont échangé auparavant s'ancrent dans l'esprit du corbeau. Ces images qui poussent sa conscience à imaginer un baiser. Cette envie, qui l'assaille, de déguster à nouveau ce goût sucré provenant de ces lèvres.

Ça me plait.

Ses yeux se relèvent et retournent se loger dans le regard de la rouquine. Rien ne trahit ses pensées. Aucune lueur de désir brille dans ses prunelles. Elles sont sombres comme si les ténèbres ont assiégé, pour l'éternité, le regard du corbeau.

C'est un rire que Runaway retient après la dernière phrase de Maxine. La petite se rebelle et cela attire davantage la noiraude. Elle ne peut pas nier l'attraction que la rouquine exerce sur elle. Rien ne peut expliquer ce magnétisme, ce sentiment qui agrippe le cœur pourtant rongé par les ténèbres. C'est dans des eaux tourmentées que l'akhal navigue. Elle se lance dans ce jeu qui s'avère dangereux.

Tu as fini par comprendre.

Aucune intonation s'empare de sa voix. Néanmoins, elle laisse ses lèvres s'étirer d'un nouveau sourire. Elle fait allusion à leur première rencontre quand elles étaient pouliches. Le feu du bonheur qui semblait englober la rouquine par ses flammes éternelles. Elle finira par se noyer La voix rétorque cela et Runaway perd alors son sourire. Ses yeux, tel un aigle qui piste sa proie, restent liés à celui de la rouquine.

Le corbeau se rapproche, sentant le souffle de la petite sur son corps. Elle évite de justesse les frissons. Elle réussit à les canaliser donc aucun signal extérieur ne trahit ses émotions. Elle se demande alors qui va finir par se noyer. Maxine ou elle ? Cela la fait réagir telle une lame lui transperçant le poitrail. Elle fait un pas en arrière, le regard mystérieux toujours vrillé sur la rousse. Elle ressent du dégoût. Un dégoût pour soi-même...

La vie n'est pas belle.

C'est la seule réponse qui glisse entre sa mâchoire crispée. Le regard toujours perdu dans les prunelles de Maxine. Ses yeux semblent avoir prononcé leur sentence pour cet être qui ne la laisse pas indifférente. Il faut que cela reste un secret.

Pourquoi existes-tu ?

Sa voix tranche. Maxine est sa faiblesse. Runaway s'engage au front ; le combat promet d'être difficile à gagner. C'est alors que le corbeau plonge dans les eaux troubles et se livre à une lutte dans cette arène aux terrains inconnus.