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/ LÖVOJKA

Pour une fois, elle s'est placée en amont du troupeau. En fait, parallèlement au groupe, la lionne les a devancé. Elle a tracé, loin devant. Comme si elle pouvait découvrir quelque chose avant eux. Comme si ça avait de l'importance pour elle, alors qu'elle suit parce qu'elle ne sait plus quoi faire d'autre, aujourd'hui.
Elle gravit une colline, et s'arrête à son sommet, sans émotions, sans réaction, si ce n'est ce vide froid et cruel qui la remplit toute entière.

Je peux avec Njörd ?

Oui bien sûr I love you

L'entier se promenait aussi vers l'avant du troupeau migratoire. Il venait de quitter Lyra après une nuit fort agréable à l'abri de tous les regards. À croire que ce n'était donné à tout le monde... Njörd avançait donc en silence et profitait un peu de sa solitude.

Le vent change brusquement de côté. Une odeur familière vient envahir les naseaux de la lionne mais les premières minutes pourtant, elle reste impassible, comme si elle ne l'avait pas senti. Finalement, elle se retourne lentement et se dirige droit sur lui, d'une démarche à la fois majestueuse et menaçante. Son oreille valide est dressée vers lui, sûrement là le seul signe qu'elle ne veut pas l'attaquer. Pourquoi le ferait-elle, de toute façon ? Mais ces derniers temps, la question est plutôt... pourquoi ne le ferait-elle pas ? Comme si toutes les règles avaient été inversées. Tu te souviens de notre première rencontre, Njörd ? lance-t-elle quand elle arrive près de lui, de sa voix grave et vibrante, ses iris noirs enfoncés dans ceux du noiraud.

Oh, vent, fidèle ami. On disait qu'il entendait le vent qui emportait les paroles des autres avec lui. Mais à cet instant, si le vent est un allié, c'est que sans ce brusque changement qui fit tourner la girouette, elle ne l'aurait sans doute pas remarqué, lui non plus. Ses yeux foncés se posèrent avec inquiétude sur ceux de la jument qu'il a connu lorsqu'elle était qu'une enfant. Elle n'a pas besoin de mots pour qu'il comprenne que quelque chose ne va pas, que quelque chose l'a détruite alors qu'elle connaissait enfin le bonheur après toutes ces années de misères, après l'abandon de ses parents, après les anarchistes, après... tout. Njörd ne se souciait que très peu de son allure presque menaçante. Peu importait au fond. D'amis à ennemis ? Il en doutait. Je ne suis pas amnésique, Lov. répondit-il. Bien sûr qu'il s'en souvient. Bien sûr qu'il se souviendra sans doute toujours de la pouliche qui s'offusquait à chaque fois qu'il la traitait en enfant. Pourquoi oublierait-il si facilement ? Et surtout... Pourquoi ramenait-elle ça maintenant ? (lol j'me suis forcée )

forcée à quoi ?

Elle le dévisage, le détaille comme si elle le voyait pour la première fois. Ou plutôt, elle compare. Son souvenir mental d'autrefois, de la première fois. Ils se sont toujours croisés et recroisés, à différents niveaux de leurs vies. Elle l'écoute à peine et enchaîne, ses yeux brûlants toujours plantés dans les siens : Un speed-dating. Un jeu de rencontres. Je n'étais qu'une gamine et j'étais tombée face à toi, comme si j'étais déjà adulte, comme si j'étais déjà capable d'aimer. Comme si on était déjà capable de m'aimer, moi. Ses dents grincent, sa voix aussi. Son ton est désagréable, à la fois trop grave et trop aiguë ; toujours faite de ces contradictions troublantes.

à écrire quelque chose de potable mdr

L'entier la laissait parler, l'écoutait. Il la connaissait depuis assez longtemps et assez bien pour comprendre que quelque chose n'allait pas juste en lisant dans ses yeux. Ses yeux brûlants et glacials à la fois. Son ton de voix supposément désagréable ne le dérangeait pas, elle ne l'avait jamais dérangée. Elle était différente, spéciale, mais il l'avait toujours acceptée pour ce qu'elle était, malgré les chemins différents qu'ils avaient pris dans leurs vies. Cependant, ses paroles, elles, l'inquiètent. Y avait-il un sens à tout ça ? Que veux-tu dire ? questionna-t-il, curieux de comprendre.

Rien, crache-t-elle, agressive. Mais envers elle-même. Je me suis toujours crue au-dessus de tout ça. Comme si je pouvais percevoir en avance, comme si je pouvais toujours éviter et rester loin de toutes ces conneries. Sa voix est dure, tranchante. Ses yeux, eux, fouillent le vide autour d'eux, se posant sur des points imaginaires. Ils reviennent brusquement sur Njörd. Est-ce que je suis un monstre, Njörd ? Est-ce que c'est elle, le monstre, dans l'histoire ?

Njörd gardait son calme devant l'agressivité soudaine dans la voix de la jument, bien que ça le déconcertait un peu. Il l'avait toujours su spéciale, mais il ne l'avait jamais vu sous ce jour. Et au lieu de le répugner ou de le déranger, ça l'intrigue. Ses mots, eux, n'ont rien à voir avec une quelconque hostilité, du moins pour commencer. Il secoua la tête. Personne n'est surnaturel. C'est la vie, c'est tout. répondit-il. Conneries ? Il n'aurait pas dit ça comme ça, mais elle semblait avoir vécu quelque chose de plus que lui.
Les paroles qui suivent le blessent, même si elles ne sont pas envers lui, mais elle-même. Un monstre ? Comment ça ? Quelqu'un la percevait comme ça ? Son coeur se serra. Non, Lov, tu n'en es pas un.

Il affirme qu'elle n'est pas un monstre. Mais qu'en sait-il ? Qu'en sait-elle, elle-même ? Qu'en savent-ils tous, pour la juger si aisément ? Un seul acte, et la voilà catégorisé. Ça serait plus simple si elle continuait sur cette lancée qu'on trace pour elle, qu'elle entre dans cette case que les autres créent pour la mettre à l'intérieur. L'enfermer.
Mais on n'enferme pas un animal sauvage. Même captif, il gardera son instinct, toujours. Et s'il se fera docile pour vous amadouer, un jour, il vous mordra de nouveau. Elle le fixe toujours, sa colère bouillante brouillant ses idées. Je suis traitée comme telle. J'en suis sûrement un. Sa voix s'est adoucie. Sans être clairement douce, elle est redevenue posée et vibrante.

Il secoua à nouveau la tête, convaincu du contraire. Parce qu'on a beau faire des erreurs, ce n'est pas ce qui nous défini. Pourquoi te fier au jugement des autres ?

(dsl si je fais vite, je pars bientôt )

(pas de soucis )

Elle couche son unique oreille valide, lui montre les dents. Pourtant, son agressivité n'est pas dirigée vers lui. Elle espère qu'il le sait, au fond. Parce qu'à force d'être désignée comme cela, comment ne pas commencer à croire qu'ils ont raison ?

Il ne bougea pas devant son air agressif, pas du tout impressionné. Tu abandonnes facilement. dit-il comme une constatation. Peut-être que s'il la bougeait un peu, elle trouverait un peu de force pour se défaire de ces illusions défaitistes. Comme elle l'avait fait avec lui.

Facilement ? répète-t-elle, sa voix vacillant un peu. Elle se jette contre lui, sans le toucher pourtant, ne laissant que quelques centimètres entre eux. Imagines-tu ce que je traverse ? Tu sais très bien que je ne suis pas de ceux à s'apitoyer sur leur sort, sinon, sûrement me serais-je déjà tuée toute seule. Mais sais-tu que chaque minute, depuis toujours, est un combat permanent ? Je ne gagnerai pas cette guerre-là, Njörd.

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