bad karma (ad)

Il s'approche doucement de l'entrée. Son buste musclé permet à son encolure longiligne de se dresser presque plus haut que les murs. Presque. Ces briques de béton le surpassent de quelques centimètres. Le cobra royal gronde, agacé. Il reste immobile pendant quelques minutes face au couloir lugubre et silencieux qui semble l'inviter à avancer. Le reptile fait quelques pas volatiles et approche encore un peu plus jusqu'à entrer.
Je relève le défi.

A peine entré, l'entier perçoit un appel à l'aide. Il ne s'immobilise pas instantanément, laissant ses sabots traîner le long du sol poussiéreux durant encore quelques mètres. Pour le serpent, rien ne presse. Il se déplace avec grâce le long des murs, identiques les uns aux autres, jusqu'à la provenance des pleurs. Lorsqu'il discerne la grande jument blanche, il s'arrête. Si je ne m'abuse, vous semblez perdue.

Non. siffle le cobra de manière très crue. Il glisse doucement ses prunelles acérées dans les couloirs qui s'offrent aux deux équidés, détaillant la moindre parcelle visible dans chacun d'eux. Du moins ce n'est pas mon attention. Mais si le fait que je trouve la sortie peut vous aider, alors voyez-le ainsi. Sans attendre de réponse, il prend le pas et se lance dans le couloir le plus à droite.

L'étalon continue d'avancer sans répondre. Désormais, un nouveau choix s'impose à eux : quatre couloirs. Il tend légèrement l'encolure pour apercevoir le fond de celui le plus à droite, qui ne semble pas très profond ; c'est effectivement un cul de sac. L'entier s'approche ensuite du second. Il touche la façade du mur du bout des naseaux. Son corps frémit. C'est par ici. Sans même vérifier les deux autres couloirs, il choisit celui-ci. Après quelques pas, il tourne légèrement la tête vers la jument grise, qui lui semble légèrement inquiète quant à leur situation. Du moins, moins qu'à leur rencontre. Il sent en elle un espoir naissant. Qu'il va rapidement briser d'une voix glaciale. Je ne pense rien. Je ne suis pas plus doué qu'un autre. Peut-être moins que vous d'ailleurs. Cessez donc de vous questionner et concentrez-vous sur vos sens.

Continuant de marcher en tête de ligne, il se surprend à lever les yeux aux ciels face à tant d'interrogations. Et regrette carrément d'avoir croiser la route de cette jument des plus bavardes. Cesse de parler. balance t-il par delà son épaule. Je devrais te faire payer pour me casser les oreilles. Le reptile soupire. Et désormais, il est coincé ici avec elle. Ce maudit moulin à parole. Qui ne cesse de s'inquiéter pour sa pauvre et misérable vie. Je n'ai pas vérifié parce que j'aurais davantage hésité. qu'il lâche, un demi-sourire malicieux aux lèvres, satisfait de ne l'avoir probablement pas rassurée.

Le mâle regarde avec amusement la scène qui se déroule sous ses pupilles de jais. Même aveugle et même sourd, il pourrait percevoir avec facilité la colère et la peur qui émanent de la jument. Ça le nourrit. A contrario du fait qu'elle l'emmerde au plus au point avec son comportement, elle tue son ennui. Pourquoi me soucierai-je de ta vie ? Je n'ai même pas connaissance de ton nom. fait-il en haussant les épaules, peu convaincu par la prestation de la grise. Il la dépasse et ajoute, Ça ne veut pas dire que je veux le savoir. Garde ta salive pour plus tard.

Ma vie ! s'exclame Adam, soudain très expressif. Il s'immobilise brutalement et enracine son regard avec violence dans celui de la jument, cette fois on-ne-peut-plus agressif.  Si ma vie n'était pas déjà prédéfinie, bien sûr que je m'inquiéterais! Mais quoi que je fasse rien ne la changera. Alors à quoi bon vivre dans la prudence. Allons voir jusqu'où va le destin. il ricane avant de reprendre sa route.

Si je meurs de faim, c'est que le destin l'avait prédit. se retient d'insister le serpent, conscient que l'autre ne cesserait de parler tant qu'elle n'aurait pas eu le dernier mot. Elle ne le sait probablement pas, mais cet insupportable trait de caractère qui fait d'elle un être horriblement bavard et détestable risque assurément de pousser Adam à l'aider. Simplement parce que même si il se fiche bien de crever ici, il n'a pas envie de finir sa vie avec un fond sonore rythmé par la voix et les gémissements de la jument grise. Il lui faut avant tout se débarrasser d'elle. Et pas sûr de pouvoir la semer dans ce labyrinthe.. Quoi que, qui ne tente rien n'a rien.
Attendant la prochaine intersection et attendant que la jument soit légèrement distraite, lorsque l'occasion se présente enfin, le cobra se faufile dans un couloir, prend le trot, puis tourne dans un autre couloir, et encore dans un autre.