Nowhere to hide

Ses pensées et sentiments avaient prit la forme d'un labyrinthe. Plusieurs murs dressés un peu dans tous les sens qui créaient un chemin étroit et sombre. Parfois, le mur se trouve ébréché et sonne creux, comme s'il pouvait s'agir de la sortie. D'une sortie. Les sabots de la dorée claquent contre le sol de pierre. Sa peau vibre, assaillie de frissons. La nuit est sombre et froide et son souffle chaud se perd dans les airs sous la forme de vapeur d'eau. Elle continue d'avancer avec une certaine retenue, peu rassurée. Elle n'a jamais été très téméraire et elle ne se sent pas à l'aise dans cet endroit. Elle se sent prise au piège, otage physique du labyrinthe mais également otage morale de ses pensées. Myosotis reste aux aguets, analysant le moindre son et le moindre nouveau recoin du labyrinthe. Elle en vient à se demander pourquoi elle s'est aventurée ici. Peut-être dans l'espoir d'être seule et de fuir un peu sa vie qui était entrain de prendre un nouveau tournant. Et elle est bien seule, du moins pour le moment. Et maintenant, elle regrette d'avoir désiré l'être.

It's not love I'm running from, it's the heartaches that I know will come

Elle tourne successivement à gauche puis à droite. Et de nouveau à droite puis à gauche. Elle a l'impression de tourner en rond ce qui l'agace un peu. Elle tourne une nouvelle fois et se fige ; une jument noire se trouve face à elle et ce n'est pas le fait qu'elle lui soit parfaitement inconnue qui la surprend de prime abord. Non, c'est une autre chose, bien plus particulière ; elle ressemble terriblement à Njörd et pas seulement de par sa magnifique robe noire.
- Bonsoir, souffle-t-elle finalement, sans la quitter du regard.

Ses joues lui brûlent tout d'un coup.
- Ce n'est pas grave... Le labyrinthe à lui seul suffit à m'angoisser, soupire-t-elle doucement, un peu honteuse.
Son regard clair ne quitte pas une seule seconde la jument noire. Elle semble amicale et plutôt gentille. Pourtant, Myosotis se méfie... C'est souvent les individus à la "gueule d'ange" qui sont les pires monstres sur terre.

Myosotis n'avait pas toujours été comme ça, bien au contraire. Autrefois, elle ne se montrait pas aussi méfiance envers les autres. Et puis, on l'avait blessée une fois, puis deux, puis trois... Et elle avait fini par arrêter de croire aux autres. De croire à la bienséance et toutes ces autres conneries.
- C'est quoi ton nom ? Demande-t-elle, avec un petit sourire.

- Myosotis, se présente-t-elle avec simplicité.
Au fond d'elle, la dorée espérait réellement que la jolie noiraude était dans le groupe des "gentils". Elle n'avait pas envie de se casser les dents une nouvelle fois parce qu'elle s'était montrée hélas trop naïve. Non, elle avait envie de croire aux autres et ne pas se tromper.

Il est vrai que la dorée n'avait pas réellement fait attention à l'odeur que portait Tehya, pourtant si particulière à son cœur. En fait, Myosotis ne connaissait pas grand chose de Njörd, hormis le fait qu'il avait connu l'amour à plusieurs reprises et qu'il avait déjà été père. Le reste, dans les détails, elle ne le connaissait pas. Ils n'en avaient jamais parlé, ils n'étaient que des amis après tout. Lui non plus ne connaissait pas grand chose d'elle, hormis l'histoire qu'elle avait vécu avec Sueño...
- Volontiers ! S'exclame-t-elle, plutôt ravie de la proposition.
Le labyrinthe lui filait un mal de crâne pas possible.

Myosotis lui emboîte le pas et fait en sorte de rester à ses côtés sans pour autant la coller. Elle observe attentivement les murs gris qui se profilent à l'horizon. Ils se ressemble tous sans exception et c'est frustrant.
- J'ai une fille, répond-elle. Elle s'appelle Absinthe.
Et autrefois, elle était aussi rayonnante que le soleil.
- Et vous ? Demande-t-elle ensuite.

Le regard de Myosotis glisse vers la noiraude. Elle ne connaissait pas Aël bien que ce nom lui disait vaguement quelque chose. Sa mémoire avait tendance à flancher, de temps en temps. Mais Esquisse... Un sourire plein de tendresse prend place sur ses lèvres rosées. Enfin, ça, c'est jusqu'à ce qu'elle réalise le terme qui précédait le nom de sa petite protégée ; sœur. Myo reste un petit temps interdite, comme abasourdie par cette confidence. Elle venait donc de rencontrer l'un des enfants biologique de Njörd...
- Je me disais bien que tu lui ressemblais... Se contente-t-elle de répondre avec un léger sourire.
Et, curieusement, son cœur se serre. Ses premiers enfants à elle n'auront jamais l'occasion de croiser qui que ce soit sur Luanera...