Told you not to worry // N

Premier soupir. Il essayait de mettre de côté les images du corps de l’enfant d’Ohana. Il en avait vu, des horreurs, dans sa vie. Mais il ne pouvait pas s’empêcher de réfléchir à ses propres enfants. Ses trésors. Il ne supporterait pas de les perdre, pas un seul d’entre eux. Les jumeaux avaient beau lui voler de son énergie, sa famille était plus importante que tout. Au moins, le camp était sécuritaire et il était là pour les protéger.
Njörd s’était approché de la source d’eau au centre de la clairière pour s’y abreuver. Il observa son reflet dans l’eau une petite seconde, avant de sourire. Même s’il croisait toujours des obstacles, il était heureux d’en être arrivé là. Et alors que les étoiles piquetaient le ciel, il soupira une seconde fois. Il était heureux.

Il ne s’attendait pas à ce que d’autres soient éveillés et le remarquent, debout au milieu de sa solitude. Il profitait parfois de la nuit pour faire le point, réfléchir. Mais, souvent, ça partait en vrille et ses pensées créaient une certaine anxiété, ce qui le tenait éveillé. Njörd sourit doucement à la baie, avec sincérité. Non, pas vraiment. Enfin, j’aurais sans doute besoin de dormir, avec mes deux p’tis monstres qui me prennent mon énergie, mais je préfère rester debout que cauchemarder. Il était heureux oui, mais d’anciens démons étaient revenus récemment, avec la mort de la fille d’Ohana. Et puis... Ses moments seul à seule avec Myosotis et ses amis lui manquaient. Il ne s’en faisait pas tellement avec ça, sachant que c’était la fatigue qui le démoralisait un peu.

Son regard se perdit au loin, avant de venir se poser sur Myosotis qui était couchée et qui dormait avec Balsamine et Edelweiss. Son coeur se gonfla d'un peu plus d'amour pour eux. Qui était-il pour se plaindre de cauchemars quand il avait tout ce dont il avait toujours rêvé ? Il retint un soupir de plus avant de visser ses prunelles sombres à celles de son amie. Il haussa des épaules d'un air nonchalant. Il avait toujours un peu de mal, parfois, à se mettre à nu et à se rendre vulnérable. On peut dire ça. Ses yeux fuirent les siens pendant quelques secondes, cherchant ses mots et essayant de mettre de l'ordre dans ses pensées. Il ne savait pas très bien mettre le doigt sur ce qui clochait, bien qu'il avait sa petite idée. Est-ce que je t'ai déjà raconté les circonstances de ma naissance ? Est-ce que je t'ai déjà dit d'où je venais ? demanda-t-il calmement. Il n'était plus certain d'en avoir parlé à Myosotis, alors qu'elles étaient les chances que Fiona sache tout ça ?

Il poussa un petit soupir, avant de se mettre à parler à voix basse. Il ne voulait pas que des oreilles indiscrètes l'écoutent ou qu'il réveille quelqu'un. Le fruit d'une union non consentie, c'est comme ça qu'on m'appelait quand j'étais encore poulain. Avec le temps, il avait fini par arrêter de se sentir coupable d'être né, mais un abandon laissait des traces. J'ai eu la chance d'avoir été adopté par des parents aimants. Ma soeur détestait notre génitrice pour notre abandon, moi, je ne savais pas quoi en penser. J'avais fini par croire que je ne devrais pas être né. La culpabilité, qu'on dit. Avec du recul, c'était ridicule dans les deux cas. Ridicule de détester quelqu'un qui n'avait pas été en mesure de prendre soin d'un enfant, mais ridicule de se sentir coupable pour quelque chose dont on n'était pas responsable. Tout ça pour dire que ça m'a pas laissé indifférent quand Lyra s'est faite violée ou quand Ohana, elle, était prête à aimer son enfant quand même mais qu'elle se l'est faite enlevée par son agresseur lui-même. C'est quand je vois ça que ça devient frustrant d'avoir ça dans le sang. Ce qu'il ne disait pas, c'est que ça le faisait sentir dégueulasse parfois. Mais ça, Fiona le connaissait sûrement assez pour comprendre. Et pour savoir que ce qui hantait ses nuits, c'était lui-même.

Il n’avait pas choisi les circonstances de sa naissance et c’était, en effet, ce qu’il s’était dit pendant longtemps. Toute sa vie, en fait. Mais il se sentait mal de ne pas avoir pu sauver la petite d’Ohana et que le meurtrier soit quelqu’un de la même sorte que son géniteur. Et au fond, ses craintes de jeunesse le troublaient encore. Il se disait parfois que ça aurait pu être lui, le méchant de l’histoire, s’il avait fait des choix différents. Il se consolait en se disant que ça n’avait heureusement pas été le cas.
Les dernières douces paroles de la guérisseuse l’apaisèrent et terminèrent de le rassurer. C’était peut-être pas si mal que ça de se confier finalement. Merci, Fiona. souffla-t-il alors. Je sais mêne pas de quoi j’me plains, j’ai pourtant tout pour être heureux enchaîna-t-il dans un petit rire, amusé de lui-même.

Pourtant, pour en être arrivé là, il en avait traversé des épreuves. Et puis, si sa vie pouvait sembler palpitante, elle pouvait être également épuisante. Mais sûrement Fiona ne voyait pas ce qu'elle avait également. Elle oubliait trop souvent sa valeur. Il lui donna une petite tape amicale sur l'épaule. Merci d'être là pour moi. Je sais que je suis pas toujours facile à vivre.

Njörd laissa échapper un petit rire d'amusement avant de lui donner quelques coups de museau. En recevant les éclaboussures d'eau au poitrail, il lui lança un regard complice avant de se mettre à la bousculer, histoire d'essayer de la faire tomber dans l'eau, peu profonde.

Se faire asperger par la jument ne le gênait pas, il l’avait bien mérité Cela dit, il avait toujours aimé la taquiner, histoire de s’amuser un peu. Il haussa un sourcil, espiègle. Si tu réussis à me faire plonger dans le lac, j’fais un truc que tu veux