( you hope my love )

La nuit était tombée depuis deux bonnes heures déjà. A part le lac qui scintillait, on ne voyait pas grand chose. Le bai s’avança avec ses deux antérieurs sur la plaque, avant d'y grimper entièrement. Prudemment, il longea la rive, se détendant au fur et à mesure. La glace craquait sous ses sabots.
Mais qui aurait pu le reconnaître ? Ses longs crins qui lui tombaient à l'épaule, son large poitrail, sa massive encolure.. Il avait complètement fini de grandir, et beaucoup plus élégant qu'avant son départ.
Il poussa un léger soupir, avant de s'arrêter et de contempler la lune sans un bruit.

A l'autre bout du lac scintillant, une ombre se dessinait au fur et à mesure. L'ombre de Jenny. Rien de plus normal pour lui, car elle hantait ses pensées depuis qu'il était parti de GS. Cela allait jusqu'aux hallucinations complètes, comme si elle était là, devant lui.
Il en conclut donc que c'était encore un tour de son esprit, et il continua sa route vers le centre du lac, qui brillait de plus en plus.
Il poussa un léger hennissement, qui se répercuta sur tout le lac.

Le bai s’immobilisa à son tour. Ce n'était pas possible, ce n'était pas elle. Malgré son cœur qui frappait son poitrail avec vigueur, il continua sa marche vers elle d'un pas assuré. Il avait vécu toutes ces années avec juste une image d'elle qui revenait en continu, mais qu'en était-il d'elle ? Il accéléra encore l'allure, et se mit à trotter sur le lac, inconscient des dangers.
Il se stoppa à quelques mètres, et la contempla de tout son long. Le lac la rendait encore plus magnifique, encore plus intouchable. Il s'approcha rapidement et...
... l'embrassa, les yeux fermés. Si c'était un rêve, qu'il se réveille..

Ses lèvres étaient réelles. Ce baiser était réel. Elle était là, en chair et en os. Il n'en revenait presque pas, et la fixa dans un moment de vide pendant quelques secondes de vide. Son poitrail se soulevait comme celui d'un bœuf, impatient. Un petit sourire en coin se figea sur ses lèvres.
< Viens avec moi, on s'en va d'ici, on va vivre notre vie.. >
Lanca-t-il d'un ton insistant, trop heureux de l'avoir retrouvée.

Le bai s'impatientait de sa réponse. Il commença à piétiner voluptueusement sur la glace, faisant voler quelques débris de neige raclés par ses sabots. Cette fois, il avait beaucoup plus d'élégance: ses crins étaient longs et l'ensemble était en totale harmonie. Il pointait ses oreilles en avant, en attente de sa réponse qui ne fut pas vraiment celle qu'elle attendait.
< J'étais de trop ici > Siffla-t-il d'un coup, arrêtant de danser avec ses sabots.
Et il l'était encore.

A la dernière phrase de la noire, l'étalon se braqua visiblement. Cette phrase la ne pouvait sortir qu'à certaines situations. Soupçonneux, il s'approcha d'elle et huma l'odeur présente sur son corps. Furieusement, il recula en claquant ses sabots sur la glace, ses yeux exorbités de colère. < TILL ! > Hurla le bai, se remémorant sa silhouette.

< Tu ne peux PAS l'aimer ! > Hurla l'étalon, hors de lui. Il tapa à nouveau la glace avec son antérieur, et craqua la couche épaisse. Ses crins voltigèrent devant lui. < Tu ment, Jenny. Tu ne l'aime pas. C'est juste parce qu'il t'as fais la cour, c'est tout.> Prononça-t-il d'un ton glacial, avant de baisser sa tête, furieux.

Le bai ricanait anxieusement, fixant Jenny d'un air impassible.
< Tu ne l'aimes pas. Tu l'aimes parce qu'il va avoir la Savane. > Siffla-t-il, couchant ses oreilles contre sa nuque. Il se tourna et maugréa ; < Qu'est ce que j'ai été bête de revenir pour toi.. >