(dominant) they don't care about us.

(brooklyn) elle fixe le sphinx droit dans les yeux. depuis des minutes ou des heures, des siècles déjà peut-être. peu importe. elle s'est perdue dans ses orbites vides. se retournant légèrement, elle hennit. elle n'est pas venue ici pour rien. pas juste pour le sphinx. elle n'aime pas beaucoup l'autorité. mais tout commence par là, et elle l'a déjà prouvé.

Elle remarque le creux de ses naseaux. Les chaleurs. Ça lui arrache un sourire narquois. Elle ne plaque pourtant pas complètement sa queue contre sa croupe. Ne fait aucun pas. Fixe juste le bariolé de tâches blanches. Il est massif. Mais Lui aussi l'était. Son maître. Son tout. Les quatre prunelles de jais plongent les unes dans les autres. Deux paires d'ailes de corbeaux. Deux astres maudits, deux trous noirs dans l'espace. Les dents blanches de la demoiselle se découvrent de nouveau. « Quelqu'un qui souhaite rejoindre votre territoire. » Elle a faillit le tutoyer aussi. S'est reprise, au dernier moment. Il faut faire des efforts.

Elle le fixe toujours. Sent son regard qui glissent sur elle. Sur ses courbes, sur ses formes, sur son corps tout entier. Elle le laisse faire. Arborant même au coin des lèvres un sourire en bandoulière, juste assez infime pour être remarqué. Elle, elle est toujours plongée au fond de ses yeux sans fins. Elle adorerait lui mentir, là tout de suite. Mais elle sait qu'il ne faut pas qu'elle commence comme ça. Pas avec lui. « Brooklyn. » Son prénom claque dans l'air. Comme une étincelle, comme un mauvais vin en bouche, comme un ballon gonflé de trop d'hélium.

Toutes ces petites choses auxquelles on ne fait jamais attention, non. Et qui sont cruciales, pourtant. L'Alpha le lui a toujours dit. « Du Nord. » répond-elle, docile, ses dents se découvrant en un sourire acéré. Son antérieur laisse claquer son sabot sur le sol. Puis, ses yeux se détournent un instant de l'étalon pour se river sur les yeux vides du Sphinx. Silencieuse, comme si elle attendait la suite de l'entretien.

Ses mots lui font tourner de nouveau la tête vers lui. Elle fixe les tâches sur son visage, puis plonge de nouveau dans ses yeux. « c'est justement la difficulté qui m'intéresse. »

Mais elle recule en un bond parfaitement calculé. Juste le nombre de centimètres parfaits pour que les dents du mâle se referment au bord de sa peau, n'attrapant que quelques poils noirs. Alors, Brooklyn incline la tête sur le côté, le regarde de biais avec un sourire carnassier. L'étalon est bien plus costaud qu'elle. Bien plus fort, sûrement. Mais elle a passé tant d'années à apprendre. À être entraînée. À gagner. « bien sûr, il faut que vous l'aimiez aussi. » La difficulté.

Mais elle se nourrit du noir. Aspire son regard, plonge au plus profond du sien. Ses deux iris, d'un noir d'ébène, plongent dans les ténèbres rassurants. « il y a un début à tout. » répond-elle, provocatrice, en relevant la tête.

Au tour de Brooklyn de se mettre à rire. Un rire tout aussi décalé. Sorti d'un mauvais conte. « jeune ? » Elle fait quelques pas pour se retrouver face à lui. Non, elle n'a pas peur de lui non plus. « c'est mon corps maigre et en forme qui te fait avoir cette déduction ? » demande-t-elle par curiosité, ses oreilles battant l'air, amusée. Amusée parce que oui, elle n'est pas des plus jeunes qu'on puisse trouver. L'expérience ne s'invente pas, et bien loin d'elle l'idée qu'elle se l'invente. Elle hausse un sourcil, attendant sa réponse, avec dans les yeux comme une flamme pour lui dire de ne pas se fier uniquement aux apparences qu'il croit irréversibles.