nouvel air -

Le temps était gris, le brouillard épais. On ne pouvait voir qu'à quelques foulées face à soit. L'humidité de l'air venait se glisser sur les pelages de la faune tandis que la flore se laissait bercer par le vent régulier qui soufflait sur les terres endormies.

La pie trottinait avec élégance sur le territoire qui lui était inconnu. Elle semblait presque danser, son costume haut en couleur la suivant dans une mélodie savoureuse. Le plumeau placé entre ses deux oreilles semblait vouloir chatouiller les nuages tandis que les grelots emprisonnant ses tendons murmuraient en coeur avec la brise : un spectacle livré aux oiseaux les plus courageux s'étant persuadés à passer l'hiver ici.

Une chose en amenant une autre, un pas en suivant un autre, la jument se retrouva dans la gorge d'une caverne ayant capturée tout les courants les plus froids de la planète ce jour là.

NOX.
Le jeune mâle était dans le coin. Un peu perdu, un peu hagard. Il cherchait son chemin, sans être persuadé de l'avoir trouvé. Les naseaux dilatés, il cherchait les odeurs familières, traquaient des empreintes invisibles. Il revenait de loin; Le corps criblé de cicatrices plus ou moins difficiles à regarder, il se mouvait dans la caverne des Parques, suivant le tintement des clochettes.

Sur la roche froide glissaient quelques gouttes d'eau égarées, poussées par le vent jusqu'ici. Avani s'était arrêté pour les observer dans leur course, attendant ce moment où l'une dévorerait l'autre pour gagner en vitesse. Pourtant, cette scène ne vint pas ; les deux perles touchèrent le sol au même moment, quittant les mûrs quelques secondes plus tôt : on pu entendre le bruit de leur chute délicate résonner dans l'antre. C'est une fois son attention porté sur les échos qu'elle devina la présence d'un autre équidé : elle put ensuite voir une ombre se dessiner au fur et à mesure que l'animal progressait dans sa direction. Inquiète, elle ne détourna pas le regard.

Les clochettes cessèrent alors, et le noiraud marcha plus lentement, concentré sur la pénombre, sur les bruits ambiants. Sur ces deux gouttes d'eau qui tombèrent au sol pour résonner délicatement dans la grotte. Il s'approcha, devinant l'équidé non loin de lui, puisqu'il pouvait même apercevoir une ombre. Il ne savait pas à quoi s'attendre. Quel cheval pouvait-il faire un tel bruit en avançant ? « Ça va vous sembler pertinent comme question mais.. vous êtes de Galop Sauvage ? » fit-il doucement, sur un ton ironique pour le début de phrase. Mais il avait besoin d'être fixé, de savoir où il était.

La voix d'un mâle se fit entendre avant même qu'elle ne put figer son regard dans le sien. A vrai dire, j'ai toujours refusé le principe d'appartenance.. disons que le territoire ne m'a pas été fermé. sa voix était indécise. Elle ne comprenait pas le sens de la question, et encore moins celui de sa propre réponse. Elle se justifia aussitôt. Je viens d'arriver vous avouerais-je.

La première réponse de la jument le découragea un peu. Avait-elle seulement comprit le sens de sa question ? Probablement pas. Il devait s'être trop mal exprimé. Il revenait d'un long voyage, et n'avait pas parlé à grand monde depuis ses quelques mois de convalescence chez les humains pour échapper à la mort, sa meilleure ennemie. Il garda le silence jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole. Un poids se retira de ses épaules. Il avait réussi une étape. Il était sur Galop Sauvage. « On passe tous par cette étape. Que cela soit à un moment de notre vie ou à la naissance. » Quelques souvenirs lui revinrent. Tout cela lui paraissait loin. Que s'était-il passé depuis son départ ? Depuis que ses amis l'avaient cru mort ? « On m'appelle Nox. » fit-il d'une voix plus avenante, faisant quelques pas pour mieux la distinguer de la pénombre. Ses iris se faisaient peu à peu à l'obscurité. Bientôt, il la verra bien mieux.

Sa queue venait fouetter ses flancs nerveusement jusqu'à que l'inconnu reprenne la parole sur un ton suffisamment neutre pour rassurer la belle. Je n'en doute pas, se contenta-t-elle de répondre en hochant la tête. Seulement, vous semblez avoir besoin de quelqu'un de plus ancien sur ces terres que je ne le suis. Elle s'ébroua vivement pour chasser les gouttelettes trop téméraires qui venaient se glisser jusque sur sa peau. Enchantée, je suis Avani, compléta-t-elle sur un ton enjoué.

« Vous êtes ce qu'il me fallait. » répondit-il aux doutes de la bicolore - dont il ne pouvait distinguer les couleurs pour le moment. Il contempla encore cette vague forme das la pénombre, avant de se lasser. Il avait envie de la découvrir au grand jour. « Que direz-vous de sortir d'ici ? » Elle lui paraissait agréable.

Elle haussa les épaules, septique, mais resta silencieuse. Du regard elle tentait de deviner l'apparence du mâle qui se tenait en face d'elle, pourtant, sa robe semblait si sombre qu'elle ne put discerner que son regard luisant. Lorsque celui ci lui suggéra de regagner le monde extérieur, elle se précipita dans la bonne direction, faisant grelotter joyeusement son attirail. Avec plaisir, je me sens presque oppressée dans ce genre de lieu sinistre, avoua-t-elle à demi voix. Une fois dehors, elle s'ébroua vivement, faisant tressaillir encore d'avantage son armure de gaie.

Il lui adressa un sourire qu'elle ne put certainement pas voir à cause de l'obscurité. Ils se dirigèrent alors vers la sortie, leurs pas résonnant dans la voûte caverneuse de ce lieu. Ses oreilles pivotaient dans tous les sens, captant chaque son, chaque écho qui participaient à un vacarme interne incessant. Quand ils atteignirent la sortie, le soleil dévoila le corps charbonneux du mâle, ainsi que ses hideuses cicatrices sur le corps. Il avait échappé de peu à la mort et ses morsures avaient laissé des marques sur son corps. « Voilà qui est mieux, non ? » fit-il avec légèreté, jetant un regard à la bicolore ainsi qu'à son accoutrement.

Le brouillard s'était levé, laissant les doux rayons du soleil timide de l'hiver se faufiler jusque là. Avec tendresse, ils caressèrent les corps des deux mammifères : Avani ferma les yeux et inspira profondément, savourant l'instant. Discrètement, elle laissa son regard sombre inspecter le corps meurtri de l'étalon d'ébène, sans pour autant porter un quelconque jugement sur celui ci. Certaines cicatrices semblaient encore jeunes : se fut la seule remarque qu'elle se permit de faire intérieurement.

Alors que l'un avait été sauvé par les bipèdes, l'autre avait été séquestré et maltraité par eux. Loin de se douter que le mâle avait lui aussi eut à faire aux humains, elle entreprit de parler de la pluie et du beau temps pour éviter au silence de ne prendre trop ses aises. J'attends le retour des beaux jours avec impatience.. Sa voix douce semblait toujours vouloir rassurer. Elle enrailla : Vous connaissez donc les terres de GS ? De quel troupeau faîtes donc vous partie ?

Ils se détaillèrent assez discrètement, chacun de son côté. Profitant de la caresse des rayons du soleil sur son corps dont il avait apprit à assumer les cicatrices ces derniers mois, il trouva le silence pas vraiment dérangeant jusqu'ici. Quand elle le rompit, il orienta sa tête vers elle. Il avait un peu mûrit, avec sa convalescence. Cela lui avait apprit l'importance de la vie, et il se sentait vivre plus que jamais. Il trouva la voix de la bicolore agréable, et cligna des paupières, le soleil l'éblouissant un peu. « Je connais bien Galop Sauvage, de manière générale. Je fais partie de.. je ne sais pas trop en fait. » Murphy. Où était-il ? L'avait-il attendu ? Serait-ce une bonne idée de se montrer, de faire comme si de rien n'était ? Comment serait leur relation après tout cela ? Il devait le laisser vivre sa vie. Il devait avoir fait son deuil, depuis le temps. Mais il se souviendra toujours de l'odeur, des crins blonds, des murmures dans la nuit qui avait bercé leurs amours. « Et vous ? Vous devez venir de loin. » fit-il remarquer d'une façon toujours aussi pertinente. « Vos.. vêtements sont originaux. » osa-t-il, un peu audacieux. Tant pis si il la froissait.

Elle l'écouta parler, semi absente. Elle écoutait presque d'avantage les murmures des vents du nord qui semblaient vouloir masquer la voix du mâle. Mh je vois.. cela ne fait rien.   se contenta-t-elle de répondre, le regard posé sur l'horizon. Elle était curieuse à l'idée d'en découvrir d'avantage sur les environs. D'Inde. Je viens d'Inde. Là bas, le cheval est considéré comme un cadeau des Dieux - chose peu évidente lorsque l'on est au milieu des foules -,  et il est inconcevable qu'un animal aussi sacré que ne l'est le cheval de sortir sous le regard des divinités sans toute cette ferraille et ces tissus. On apprend à faire avec. Je suis finalement attachée à la mélodie que cet attirail me fredonne à chacun de mes pas. Un sourire vint bercer ses lèvres charbonneuses. Ce costume faisait presque partit de son identité. Elle n'aurait pu observer son reflet sans tout ce superflu. Elle avait d'ailleurs oublié à quoi elle ressemblait une fois dévêtie.

Le jeune mâle écoutait les paroles de la jument, inclinant légèrement son visage sur le côté, un réflexe un peu enfantin qu'il avait gardé ; un des seuls vestiges de son enfance. Il ronfla des naseaux, ayant du mal à comprendre le point de vue de la bicolore, mais il ne le trouvait pas inconcevable non plus. Les contrées habitables étaient vastes, et des habitudes diverses devaient se tisser entre les différents pays. « Ce doit être un beau pays. » fit-il, à moitié sincère, l'autre moitié poli.

Elle haussa les épaules. A vrai dire, je n'en sais trop rien. Je n'ai pas eu l'occasion de voir beaucoup de paysages. Cloîtrée entre 4 mûrs, sans fenêtre et presque sans airs, il est vrai qu'elle n'avait guère eu beaucoup d'occasion d'admirer le paysage. Connaissez vous un point d'eau dans les environs ? J'ai du oublier de m'abreuver la nuit dernière, et j'avoue être assoiffée. Elle sembla presque rougir, visiblement mal à l'aise de sa demande.