Lean on - dominant

Je faisais face à l'étendue d'eau, l'encolure droite, le regard porté sur l'horizon. Une épaisse brume voilait le soleil, préférant maintenir le territoire dans une semi obscurité. Le vent du nord soufflait régulièrement, déposant quelques gouttelettes d'eau de pluie sur mon pelage au rythme de ses aléas.

MURPHY.
Le bateau, c'est ton empire. Ton plus beau souvenir, comme s'il était déjà passé, effacé par les embruns de la jetée. Mais pourtant bien réel dans ta tête et ton coeur. Le terrain de jeu de ton enfance. Ton refuge d'adulte meurtri. Alors, en cette fin d'après-midi, tu t'es dirigé naturellement vers celui-ci. Ta crinière si claire flotte au vent, s'emmêlant entre les doigts de l'air qui ont le goût du sel et du lointain. Tu secoues la tête, continuant dans une allure cadencée mais pourtant fluide. Quoique. On remarque encore la faiblesse de ton antérieur droit. Ton regard sombre parcourt l'endroit, tu n'y décèles nul défaut.
Mais dans l'air flotte une odeur inconnue et tu te raidis légèrement. Tu ronflotes, te figeant lentement pour chercher l'intrus des yeux. Pourtant, tu n'oserai chasser personne d'ici. Tout noyé a besoin d'un navire à la dérive pour refuge.

Enfin, je pu entendre le bruit des pas d'un autre, entendre crisser sous son poids le sable fin imbibé d'eau salée. Doucement, je pivotais sur mes postérieurs pour ainsi repérer l'étalon en approche autour duquel flottait une odeur forte qui m'invita à croire qu'il s'agissait du dominant. J'hochais la tête en signe de salutation et m'approchai, un sourire léger au bord de lèvres, témoignant de ma satisfaction d'enfin croiser un être sur ces terres, bien que celui ci semblait dépourvu de toute énergie, traînant derrière lui les fardeaux d'une vie sur lesquels s'équilibraient ses épaules non loin de flancher.

Tes épaules, oui. Si solides, bâties dans une roche qui s'effrite comme du cristal. Tu aperçois toi aussi enfin l'inconnu. Il s'agit d'un étalon pie, et un instant tu crois voir Budapest, de retour, mais bien vite tu te souviens de son odeur que tu ne connais pas. Avec respect et politesse, tu t'approches doucement de lui, jusqu'à t'arrêter à distance respectable. Tes naseaux se dilatent et assimilent son odeur. Tu te permets de le dévisager légèrement, mais sans aucun animosité. Bonjour, lances-tu alors d'une voix forte pour couvrir celle du vent.

Bonjour, lui répondis-je calmement à mon tour. Les bourrasques de vent agitaient frénétiquement ma lourde crinière bicolore, entremêlant d'avantage chaque brun. Je m'ébrouai. Je suis Athelstan. A qui ai-je donc l'honneur ?

Son nom se marque dans ta tête. D'un seul coup, tu ne sais plus vraiment comment te présenter. Murphy ou Solheim ? Tu frémis. Je suis Solheim. Je suis le dominant du Nord, annonces-tu d'un ton solennel sans réelle fierté – tu n'as plus vraiment cette fierté-là – juste pour qu'il le sache. Enchanté, annonces-tu pourtant, essayant d'égayer ton ton morne d'un sourire un peu bancal et maladroit.