La terre & les âmes

Un bon galop sur la crête l'avait laissée transpirante. Détendue après l'effort, Brazen détaillait le paysage en contrebas. Tant de terres. Tant d'âmes. Tant de rêves, de conflits, de liens. Quelle serait sa place ? Un vent glacé parcourant les hauteurs la fit soudain frissonner.

Mon regard s'était familiarisé avec la panorama que m'offrait le sommet de la crête. Je sondai et m'intéressai à chaque terre que je devinais dans l'horizon. J'étais trop concentré sur l'étendue sauvage que je ne remarquai pas la présence de la jument.

Elle se sentit dépassée, non sans déprécier totalement ce sentiment. À l'aventure, moussaillons... Détournant le regard du panorama étourdissant, elle accrocha une présence en ligne de mire. Seulement à quelques dizaines de mètres, se trouvait un grand mâle. Les bourrasques latérales avaient dû leur cacher leurs odeurs respectives. Elle faillit se sentir agacée de cette présence inopinée, mais finalement, prit plutôt plaisir à l'observer. Elle-même resta immobile, profitant de son avantage héhé. Là d'où elle venait, les grand gabarits se faisaient plutôt rares, et ce monsieur là avait une constitution fort délectable.

Puis soudain, une rafale de vent m'amena l'odeur d'une inconnue. Mon regard ne tarda pas à croiser sa route. Je la vis qu'elle me fixait au loin. Je fus pris par une vague d'hésitation mais je finis par plaider et aller à sa rencontre dans un pas énergique. Mes muscles roulèrent sous ma robe luisante.

(crotte j'avais pas vu que t'avais rep et j'attendais bêtement : o)

Brazen était fort à son aise ; son rythme cardiaque reprenait un tempo normal, sa température corporelle se stabilisait, et elle avait sous les yeux de quoi s'occuper. Mais quand le mâle d'ébène la remarqua enfin, elle se rendit compte qu'elle s'était un peu oubliée, et eu le sentiment d'être prise en flagrant délit. Vaguement gênée, elle décida de n'en rien montrer et de le laisser venir sans qu'elle-même ne réduise la distance.

Ces terres avaient quelque chose de bénéfique pour moi. Jamais j'étais aussi sociable que je ne le fus aujourd'hui. Je continuai à progresser vers cette inconnue dont les formes se dessinaient de mieux en mieux à chaque pas que je faisais. Elle ne fit aucun effort de son côté pour réduire la distance et je pensai qu'elle ne voulait pas de compagnie. Je m'immobilisai alors qu'il restait une bonne cinquantaine de mètres qui nous séparait. Je l'étudiai de loin.

Il s'arrêta. Brazen releva la nuque, interrogatrice. Elle se surprit à ressentir une vague déception. Mon bon monsieur, pourquoi s'arrêter en si bon chemin... Vos épaules luisantes et votre poitrail bombé étaient forts à mon goût... Soit. La jument lui fit un léger signe de tête, espiègle, et en quelques pas disparu soudain derrière la crête. Elle avait entamé une descente osée dans la pente accidentée, et espérait bien qu'il la joigne dans la course.

La jument disparut de mon champ de vision & je mis à scruter les alentours pour voir où elle était passée. Je n'avais pas encore réalisé que c'était en fait un jeu dans lequel je me lançai en partant à sa recherche au pas, puis au trot. J'arrivai à mon tour derrière la crête & je la vis dévaler une pente abrupte. Je m'arrêtai sans commencer à descendre. Je la regardai manœuvrer dans cette situation délicate. Je pariai avec moi-même qu'elle finira par tomber pour avoir pris autant de risques.

Filer dans l'extrême pente caillouteuse lui procura un enthousiasme bondissant. Elle s'y connaissait, en falaises ; mais le risque de trébucher et de rouler jusqu'à ce que mort s'ensuive demeurait, non sans lui déplaire. Elle s'immobilisa sèchement sur un léger replat, pour jeter un coup d’œil vers l'étalon. Tiens donc, il n'avait pas osé... Certes, elle s'était peut-être attaqué à trop difficile pour un début. L'hésitation du mâle flatta son égo, et elle se sentit toute fière de ce dont elle était capable. Dommage, pourtant, que l'autre n'ai pas suivi. Elle était en train de renoncer à faire sa connaissance, quand un feulement grave la fit frissonner profondément. Braze tourna lentement la tête pour voir derrière elle... où se tapissait un puma, les yeux rivés sur elle. Ça, par contre, elle ne connaissait pas...

Je commençai à descendre la pente à mon tour, mais dans une cadence inférieure à la sienne. Puis je la vis s'arrêter et je fis de même. Instinctivement, mes naseaux se dilatèrent et je sentis une odeur féline d'un prédateur. Mon caractère d'étalon protecteur prit le dessus et je me précipitai pour rejoindre la jument. Mon regard croisa les yeux d'un puma.

Merde ! La voilà qui devenait proie. D'abord figée, Brazen espérait que l'animal n'allait pas lui bondir dessus si elle ne bougeait pas, mais c'était stupide, le fauve l'avait en grippe, ça se lisait dans ses yeux de chasseur. Puis, quand l'étalon accouru vers elle, sans doute pour l'aider, elle le trouva lui stupide. Avec sa carrure, il allait se péter la gueule là-dedans, et aller crever en bas de la pente... Bon au pire ça nourrirait le puma et elle pourrait se casser Mais il arriva jusqu'à elle, et ses plans tombèrent à l'eau Au moins, sa présence semblait faire hésiter la bête. T'aurais pas dû hésiter, chaton. T'aurais du me bouffer avant que Big Daddy se ramène, pensa-t-elle. Profitant de la présence de l'étalon, elle bondit agilement à ses côtés, légèrement en retrait. Bahwé, pas folle, elle allait le laisser ses prendre les attaques s'il y en avait. Toujours sans dire un mot, elle évita de croiser le regard du mâle, à la fois pour garder les yeux rivés sur la menace, et pour qu'il ne lise pas ses pensées

Mais le puma semblait réfléchir à ce qu'il allait faire. Je le fixai, mon regard dur dans ses yeux de prédateur. Je ne baisserai pas les yeux & je montrai ainsi ma dominance. J'en oubliai presque la jument qui se trouvait légèrement en arrière de moi. Mes naseaux dilatés rejetèrent l'air bruyamment. Toujours dans l'hésitation, le puma nous regardait. Je passai à l'offensive en avançant vers lui, tapant des antérieurs contre le sol rocheux. Le puma était contraint de reculer. Il n'était pas dans l'ignorance qu'il ne fera pas le poids face à nous deux. Je le voyais qu'il jetait des regards derrière lui pour voir s'il allait battre en retrait.

Mais Brazen ne comptait pas s'attarder non plus. Dès qu'elle vit que l'attention du fauve se concentrait sur l'étalon noir, et que l'étalon noir se concentrai sur le fauve, elle commença à s'éloigner discrètement et prestement. Au cas où le puma attaque ; elle n'allait pas risquer sa peau ! Elle laissait les risques au mâle. Hihi pensa-t-elle avec un peu de remords quand même, mais pas trop non plus. Elle galopa loin, à flanc de versant, franchissant quelques petits cols et ru montagneux, abandonnant le frison.