** Sang aux milles reflets

O W B E R I N E 

Une couleur pourpre vint souiller la clarté de l’eau limpide pourtant si difficile à trouver. Des gouttes tombaient encore de la bouche de l’assassin, tandis que ce dernier était plus occupé à regarder les murs scintillants qu’à se débarbouiller. 

L’akhal tourne une oreille rapide en direction du bruit, puis, lentement, son visage racé suit le mouvement. Ses yeux vairons se posent sur une petite silhouette qui tente de se camoufler dans l’un des boyaux de la caverne. Owberine rejoint la berge de roche et ne tarde pas à se retrouver face à face avec l’enfant. Owb’s le sonde froidement. Il lui dit quelque chose, lui rappelle quelqu’un. « Qui es tu ? »

Owberine s’approche à pas de loup, plaçant ses sabots contre le sol avec précision et détermination, avançant lentement tel un prédateur. Petit à petit il contraint le jeune poulain à se ratatiner contre la paroi de la grotte. L’akhal ne le quitte pas du regard. « Qui es tu ? » répète t-il, gardant un étrange calme alors que sa posture trahissait son agacement grandissant. La lueur farouche dans les yeux de l’enfant ne fait qu’accroitre cette sensation de déjà-vu. Jusqu’à ce qu’il redresse vivement l’encolure d’un coup, comme s’il venait de se prendre un coup de jus. Il savait à qui le bambin lui faisait penser. A lui même.

Les mots du poulain ne font que confirmer son sentiment, et l’audace de l’enfant aurait pu le faire sourire si cela ne l’avait pas tant agacé. C’était donc lui le Bâtard d’Oros et Rowena. La jalousie commence à ronger ses entrailles pendant que son regard s’acharne sur le visage innocent de son demi frère. Pourquoi lui aurait-il droit à une vie saine aux côtés de son père ? " Tu n’est pas en droit de vivre. " souffle t-il en perdant son regard dans le sien, sa voix glaçant ses propres os. Il attrape soudain vivement la nuque du poulain, resserrant sa puissante mâchoire sur cet être si fragile, dosant sa force pour ne pas le tuer par inadvertance mais assez pour ne pas qu'il lui échappe. L’akhal l’entraine dans l’eau, jusqu'à une profondeur certaine où le petit mâle n’aurait pas pied puis il le lâche et recule, l’observant en penchant sa tête de manière peu orthodoxe, tentant de reproduire le geste de Ryun. " Tu es fais pour survivre. Alors survie. " ordonne t-il. C’était une nuance de choix. Pour vivre, il devait se battre. 

Si le poulain le fusille du regard pour l’avoir amené là, Owberine en fait autant en le voyant si mal se débrouiller. Il allait s'épuiser et couler si il continuait ainsi. L’akhal manqua de peu d’approcher pour lui mettre la tête sous l’eau, pour lui faire sentir la sensation des eaux glacées pénétrant son corps et ses poumons, pour lui passer l’envie de renouveler l'expérience et de trouver l’attitude à adopter plus rapidement. L’enfant ne comprendrait pas son attitude menaçante, ni ses gestes brutes et injustes. Peut être plus tard se rendrait-il compte que dans un sens il faisait ça pour lui, car après tout, il était son frère. 
Owb’s l’observe regagner le bord sans encombre, dardant ses prunelles déstabilisantes dans les siennes, insolentes, le provoquant silencieusement. Ne me tente pas. tranche t-il soudainement. Il passe son visage sous l’eau, pour se rincer du sang séché, avant de gagner la terre ferme à son tour. Comment t’appelles tu ? Un calme dérangeant avait repris sa place dans sa voix. Ne m'oblige pas à répéter ma question. l'avertit-il.