Allumées, puis éteintes

Pour son plus grand bonheur, Mehiel a eu la formidable opportunité d'apercevoir ces fascinantes lueurs dansantes. Il avait été fort admiratif de ces feux du ciel qui n'avaient dansé que pour lui et pour ses jeunes et émerveillées prunelles. Mais même ces feux se doivent de dormir. Ils ont déserté la nuit étoilée, et le petit soleil se retrouve seul avec la nuit. Ou presque. Là-bas, près du lac, un petit être se désaltère. Curieux, le jeune prince s'approche silencieusement.

Le jeune Mehiel ne s'approche pas trop près du tout fragile animal, n'ayant pas réellement goût pour la proximité physique. Ses grands yeux obscurs fouillent la nuit et ses étoiles, à la recherche d'un trésor que lui seul verrait. « J'apprécie beaucoup les nuits du Nord. Les aimes-tu aussi? » Sa si jolie et caressante voix brise le silence et accompagne les chants du vent nocturne.

Oh, quelle monotonie. Mehiel tourne son visage altier et féminin vers cet être si timide, et le détaille de ses puits obscurs mais emplis de paillettes dorées. « Pour tout t'avouer, ce n'est que la première fois que j'y pose mes sabots. Et je ne suis pas déçu de ma rencontre avec cette immense oeuvre d'art de la nature qu'est le Nord. » répond-il de sa voix mielleuse, après que le silence soit retombé pendant quelques dizaines de secondes. Il lui faut toujours du temps pour composer ses paroles avec soin. Si la nature réjouit ses yeux, lui veut réjouir les oreilles.

Le tout frais poète laisse ses lèvres s'étirer en un charmant sourire. « Qu'importe? Je suis prêt à payer n'importe quoi pour que mes yeux s'imprègnent du spectacle. » murmure-t-il. Mais malgré lui, un instinct encore sauvage, qu'il ne contrôle pas, le fait frissonner et tend ses muscles. Il sent soudain le froid mordre et écorcher sa peau, mais il n'en montrera rien. Mehiel acquiesce doucement à sa proposition, avide de découvertes. « J'ai vu le jour sur les Terres d'Orient. Là-bas aussi, la nature est une artiste. » Le prince d'or darde son regard d'obsidienne sur cette toute fraîche rencontre.

Les prunelles merveilleuses de Mehiel ne quittent pas ce doux personnage, dont il n'a pas l'honneur de savoir le nom. Lui même plongé dans de mystérieuses brumes, cela lui sied. Le petit zébré de brun se rapproche de lui, et se place de façon à ce que le vent ne s'écrase que sur son dos, et non sur son visage à la peau fine. Hâtif de tout apprendre, le jeune prince en fait de même, son expression éclairée d'un sourire aussi doux que narquois. « L'Orient cache des merveilles que seuls les cœurs les plus curieux savent trouver. » Sa phrase s'élève dans le vent quelques longues secondes après celle de son camarade.

Un instant encore, le fragile animal doré soutient le farouche regard de ce petit être sauvage aux airs énigmatiques, avant qu'il ne retombe sur le sol froid et sombre de la berge. Alors, au contraire, Mehiel embrasse la nuit trouée de lumières joyeuses, souhaitant y capturer toutes les étoiles.

Les petites oreilles finement dessinées de Mehiel se dressent d'un mouvement vif, ravi, toujours, de savoir. Il écoute attentivement les explications du jeune nordique, son regard ne quittant pas le ciel et ses lueurs de glace. Mais pourtant, quelque chose embrouillait son esprit en pleine expansion. « Est-ce toi qui les a nommées ainsi? » murmure-t-il lentement, finissant par tourner son visage féminin vers Redjim.