bloody lip

Elle inspira l'air humide de la jungle. De sa jungle.
Septenrê était revenue. Silencieuse, elle laissait son regard obscur parcourir ses terres. La brise froide effleurait sa peau couturée de cicatrices, nue à certains endroits. Elle s'était abîmée plus encore, la reine. Elle avait fui. Elle avait eu peur. Son fils était grand, maintenant. Elle ne savait par quel exploit elle avait réussi à cacher son existence tant de temps à Ruyn.

L'ombre marchait au travers de la jungle, sur un territoire qu'il ne connaissait pas et doucement, une silhouette au loin se dessina. Son regard impassible se posa sur l'inconnue et peu à peu, l'enfant renard s'extirpa de son chemin, discret, mais surtout furtif comme tout. Le silence était quelque chose qu'il prenait soin plus que sa propre vie, mais cet être dépourvu de sentiments et d'émotions ne semblait aucunement intéressé par la présence de l'individu au loin. Même que sa présence ne l'intriguait d'aucune façon et le jeune renard poursuivit au final son chemin, conscient qu'elle pourrait bien le repérer.

Une tâche grise attira le regard de Septenrê, une tâche fantôme. Peut-être était-ce un oriental qu'elle n'avait pas vu arriver, ayant confié le territoire à Rowena durant son absence. Ou peut-être était-ce un étranger malchanceux qu'elle allait chasser d'ici peu de temps. Elle se mit en marche, et rattrapa facilement l'inconnu, qui poursuivait son chemin comme si de rien était, ce qui avait le don d'agacer la reine. « J'ose espérer que t'es d'ici. » dit-elle d'une voix forte. En réalité, ça faisait un moment qu'elle n'espérait plus.

La femelle rattrapa bien rapidement l'individu aux attraits fantomatique et celui-ci ralentit doucement, demeurant entièrement impavide. Lorsque l'impertinente ouvrit sa sale bouche, l'étalon au pelage gris ne broncha aucunement, ce qui était surprenant et toujours dans un mutisme ultime, l'enfant renard ne se détourna point, stoïque. Son regard se perdit vers l'horizon, absent dans tous les sens du terme et après de longues minutes, n'exprimant aucun signe de vie possible à la crème, le pantin se tourna enfin vers elle, silencieux. Ses oreilles se dressèrent et il constata alors le physique de la jument, jaugeant. Une bonne musculature, des cicatrices, une grosse tête et de la puissance probablement dans ses membres, Tomoe souffla doucement des naseaux, rusé, mais surtout intelligent.
_ terres du septentrion. dit-il, dans un souffle faisant parfaitement contraste avec la voix bruyante de la demoiselle en face de lui et paraissant entièrement mystérieux.
Indiscernable.

Apparemment, l'information mettait du temps à arriver au cerveau de l'inconnu, puisqu'il ne réagit qu'après plusieurs minutes. Et pendant ce temps-là, Septenrê avait déjà perdu patience. Elle ne voulait certainement pas perdre son temps avec un attardé, elle avait d'autres choses plus importantes à faire. « Alors tu n'as rien à faire ici. Retourne chez toi. » ordonna-t-elle. Pour autant, elle était satisfaite qu'il ne fasse pas partie de ses troupes. Son naïf de fils l'avait aveuglément accepté, comme il acceptait tous les autres déchets qu'elle refusait.

Le mâle avait aucune expression, il était donc impossible pour cette étrangère d'y discerner quoi que se soit et le fantôme constata une autre chose, elle essayait de se montrer autoritaire face à l'ombre qu'était Tomoe. Celui-ci était juste très intelligent et il préférait prendre son temps pour mieux comprendre ce qui se passait aux alentours, mais avec le timbre de voix de la jument, il comprit une chose. C'était la dominante de ces terres et elle lui donnait un ordre, était-ce probablement une erreur de sa part? Enfin, c'était peu dire.
Indifférent.
Doucement, le jeune renard la contourna et soupira, désolé envers les membres de ces terres d'avoir une chef aussi peu réceptive.
_ Demande refusée. lança-t-il, sur un ton propre à lui et complètement mystérieux.
Le mâle n'avait point peur, il ne ressentait aucune émotion et cette dominante n'en fera pas l'exception, le gris était prêt à se défendre, après tout, il n'était pas bon.

Septenrê soupira. Elle avait tellement l'habitude des cas comme celui-ci ... La reine orientale prit sur elle, calma son souffle et ses muscles tendus par l'agacement que provoquait le bête courage de l'étranger. « Ce n'était pas une demande. » dit-elle, le transperçant de ses yeux revolver.

Désintéressement.
L'étalon gris ignora complètement ce qu'elle disait et se remit au pas, passant à côté d'elle sans se soucier de quoi que se soit. Mais, l'enfant renard était alerte à tout mouvement ou geste qu'elle oserait faire en sa présence. La dominante n'avait vraiment aucune manière et pourtant, cela ne préoccupait aucunement le fantôme. Le vent se mit à souffler et il s'éloigna tout simplement, détestant briser le silence qu'il aimait le plus.
Croyait-elle être capable de tout contrôler?

Parfait. La drôle de bête s'en allait enfin en direction des terres nordiques. Avec un sourire satisfait, Septenrê le laissa filer. Il allait lentement (c'était sûrement dû à ses problèmes mentaux), mais elle n'en tint pas rigueur, et attendit avec plus ou moins de patience qu'il disparaisse.

(Je m'en vais souper! )

Cependant, si elle croyait qu'il était en train de quitter les terres du Levant, elle se mettait bien profondément le doigt dans l'oeil et l'étalon s'arrêta contre un arbre, observant le temple devant lui. Mais, lorsqu'il tourna la tête vers la jument, quelque chose était différent et même s'il n'avait pas d'expression au visage, une aura commençait à l'englober, mauvaise.
Déstabilisant.
La crème pouvait s'imaginer tout ce qu'elle voulait de lui, la femelle avait totalement tord et elle ne savait pas encore à qui elle avait affaire tout comme lui, d'ailleurs. Mais, l'enfant renard était rusé, bien plus qu'il ne le laissait croire et ses yeux se posèrent sur la demoiselle, pénétrant.
_ L'habit ne fait pas le moine. Sa voix perça le silence et détruisit son mutisme sagement établis. Tomoe n'était pas un être ordinaire et pourtant, tous se trompaient souvent à son sujet.

Alors qu'elle s'apprêtait à continuer sa ronde de patrouille, Septenrê entendit le débile lâcher quelques mots sporadiques, typiques de la communication d'un attardé mental. La reine s'arrêta, et serra les mâchoires, levant les yeux au ciel. Décidément, son escapade n'avait pas été assez longue pour attendre que tous les faibles partent. Dommage, elle allait encore devoir donner toute son énergie à faire la police plutôt que de se concentrer sur ses objectifs principaux. « Dégage. » ordonna-t-elle avec humeur. GS savait à quel point la patience de Septenrê était limitée.

L'andalouse avait une attitude si peu agréable, si impatiente et pourtant, son comportement à lui ne changeait toujours pas, aussi imprévisible. Elle ne lui proccurait aucune adrénaline, aucune excitation et alors qu'il était désireux de faire un simple pas en sa direction, celle-ci lui lança un simple dégage qui ne lui fit rien du tout. Cette femelle usait de sa position en tant que dominante pour accéder à sa supériorité et le jeune fantôme demeurait complètement impassible, totalement même. Après un moment, voyant venir au loin une autre femelle, Tomoe commença à se demander si ce n'était pas plutôt un harem de femme qui résidait ici et il roula les yeux, découragé. Maintenant, elles étaient deux et ça ne l'effrayait pas plus que cela.
_ S'il est bon de ne rien dire avant de parler il est encore plus utile de réfléchir avant de penser. lança-t-il, sur un ton sans intonation.
Il jeta un coup d'oeil à la nouvelle venue, silencieux et calme, cette étrangère semblait tout aussi bien bâti que la première, cela l'intriguait même. Le jeune renard s'ébroua et doucement, il raccourcit légèrement la distance entre eux, sans pour autant leur donner l'avantage de celle-ci. L'étalon n'avait pas réellement besoin de parler, ça ne lui tentait pas et l'autre semblait bien disposé à dépenser sa salive à sa place. Mais, quelque chose clochait chez le gris, incompréhensible, imperceptible et surtout, mystérieux.
Inconnu.
Une aura semblait s'échapper des deux femelles, comme si elles ne faisaient plus qu'un et pourtant, le mâle eut un léger sourire, quasi invisible.
Intrigue.
Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir. Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits au contraire ont le don de beaucoup parler, et de ne rien dire. Parler pour ne rien dire, marcher pour ne pas avancer. Vaut mieux se taire et rester assis. L'étalon au pelage gris ne ressentait aucune peur vis-à-vis des deux juments et il était prêt à toute éventualité, après tout, il commençait à sentir une étrange sensation dans son fort intérieur. Quelque chose de malsain.

Septenrê n'avait pas envie de lui procurer quoi que ce soit, elle voulait simplement qu'il bouge son cul de ses terres. L'attardé osa faire un pas dans sa direction, et automatiquement, l'attitude de la reine changea: ses oreilles se plaquèrent contre sa nuque et ses muscles se tendirent. Elle fit un pas à son tour et se redressa. Il ne comprenait visiblement pas à qui il avait à faire. Peut-être n'avait-il reçu aucune éducation et ne savait-il pas la hiérarchie d'un territoire. C'était normal, pour un retardé, non? Quoiqu'il en soit, Septenrê se ferait un plaisir de lui apprendre qui est le chef.
Un mouvement sur sa droite attira son regard noir. Immédiatement, elle reconnut Rowena, et un sourire ravi vint fendre ses lèvres. Quel plaisir de la revoir. La voir se glisser, reptilienne, entre l'attardé et elle la calma un peu. Elle ne dit rien, contemplant la scène. Elle savait que Rowena avait plus la patience d'utiliser les mots qui font mal qu'elle. La reine vint se replacer à côté de la veuve noire, et elle se surprit à un peu trop la contempler. Inconsciemment, elle voyait Ruyn. Elle serra les dents, et se concentra sur l'inconnu qui devenait de plus en plus bête et inconscient. A croire qu'il réfléchissait trop. De toute manière, quoiqu'il fît, il n'avait aucune chance. Elle soupira, excédée, se demandant comment Rowena arrivait à garder son calme face à un sombre idiot de ce genre. « On a pas besoin d'tes discours philosophiques, t'as juste à t'casser, et tout ira bien pour toi. » cracha-t-elle, coupant court à la conversation. A la prochaine intervention de sa part, elle serait obligée d'utiliser une autre méthode.