the nobodies

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Errant dans la forêt, sombre et presque inquiétante de nuit, la reine de l'Orient subit de violentes contractions qui lui font crisser les dents. Ça voulait sortir. Ça voulait s'échapper de ses entrailles et vivre, probablement. Mais ça n'en aurait pas la chance - ou le malheur. Septenrê titube encore quelques pas, le corps en sueur, les naseaux dilatés, et les membres tremblants.

Au fond du gouffre, la petite chose ne demande qu'à grandir. Au fond du gouffre, il n'y a plus de place. Elle occupe toute l'obscurité. Dans ses tympans, elle entend le rythme cardiaque de ce qui la porte s'accélérer en même temps que le sien. Elle se contracte, ses membre heurtant la paroi qui la retiens prisonnière. Laisse-moi sortir.

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La reine de l'Orient s'écroule. Son corps décharné se tord de douleur. La chose cogne, s'agite, remue sans pitié ses entrailles. Septenrê laisse tomber sa tête au sol, et commence à expédier l'être infâme hors d'elle.

Elle sent, elle sait que quelque chose va se produire. Elle devine qu'elle ne sera pas indéfiniment enfermée dans cette poche. Elle a conscience qu'elle a un corps, qu'elle n'est pas faite pour rester enfermée. Sa conscience s'éveille à mesure que la reine de l'Oriente perd les eaux, et un frisson la tétanise un instant. Elle poussa encore, jusqu'à sentir une douleur traverser son être, tandis qu'elle pointait le bout de ses sabots à l'extérieur. Vers la vie. Vers la mort.

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Tous ses muscles amaigris se contractent pour que la chose sorte. Elle sent que celle-ci s'échappe, goûtera bientôt à l'air poisseux de la nuit forestière. Alors, dans une dernière impulsion, gémissant de douleur, la reine donne une dernière fois la vie. L'être trempé et collant s'échoue sur l'humus noir, et Septenrê se lève avec difficulté, son regard enragé posé sur lui. Il allait mourir. Elle allait le tuer, et le souvenir horrible de sa nuit avec Sweeney s'en irait en même temps que son fruit. Elle gronde, s'approche pour l'abattre.

Son corps flasque fut rejeté, la température chuta encore. La poche qui la retenait prisonnière se perça, et elle ressentit tout. La lumière, l'air dans ses poumons, le vent, les odeurs, le froid, le matelas d'humus sous elle. Lorsque ses yeux se furent habitués à la lumière, soit en quelques secondes, ses iris bleutées et légèrement vairons se rivèrent sur la silhouette imposante qui s'approchait d'elle.

Elle a guetté. Elle a surveillé. Il ne fallait pas qu'elle rate le moment. Elle a parcouru le Levant, sans relâche, pour s'assurer que Septenrê ne serait pas seule à l'heure fatidique. Mais elle s'est éclipsée, retranchée, hors de leurs terres, dans une forêt des terres du Centre. Était-ce calculé ? Était-ce par méfiance ? Sait-elle, ce que Rowena a prévu pour elle ? Pour elle et le petit.
Mais elle est là. Elle a collé sa trace, furieuse, implacable. Son maigre corps glisse à travers les arbres filiformes, elle frôle la délicate forêt. S'insinue, dans son cœur, et dans un événement où sa présence changera tout. L'odeur est forte, elle est guidée bien trop facilement. Ça y est, elle les voit.

Silencieuse, sans même un grondement, l'akhal fond contre la reine et la repousse de quelques simples pas, se retrouvant entre elle et son nouveau-né. Seul le bruissement des feuilles chuchote son arrivée. Elle se coule, prend l'espace, barrière vivante, souple et imposante comme le fauve, froide et imprévisible comme le serpent.
Son regard vidé de toute émotion, elle fixe Septenrê.

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Et quand elle s'apprête à saisir la nuque fragile de l'enfant, on la repousse. C'est facile, elle est éreintée. Elle recule un peu, tentant de reprendre son équilibre sur ses jambes tremblantes. Et sous la lueur de la lune grise, elle reconnaît Rowena, placée entre elle et la chose. « Mais qu'est-ce que tu fous? » s'écrie-t-elle, la voix éraillée. Elle s'avance, tente d'atteindre le bébé.

Elle se lève, tant bien que mal, mais assez rapidement tout de même. Ses longues jambes tremblent, et elle tente de refréner ces faiblesses. Elle s'épaula simplement contre un bambou robuste, qui lui permettait d'observer la scène sans comprendre réellement ce qu'il s'y passait. Ses yeux se posèrent sur une immense silhouette noire, qui l'effraya dans un premier temps. Mais dans les yeux de la nouvelle-née, brillait un éclat froid et impénétrable.

Elle est bien trop faible.C'en est ridicule, écœurant. Une pulsion violente traverse la Veuve noire, de l'achever ici, maintenant, proprement. Qu'elle cesse de lui faire pitié, de faire honte à son propre nom, d'affaiblir le Levant en vacillant à sa tête.
Mais elle se retient. Il y a encore trop d'enjeux. Elle ne connaît pas encore assez bien tous les éléments. Maddox, surtout. Il est finalement utile à l'andalouse, par sa simple présence, à retarder sa mort. Mais est-ce vraiment de l'utilité ? Ne serait-il pas mieux pour elle, de mourir vraiment, pour de bon, enfin ? Pauvre zombi d'or.

Derrière elle, le petit agit. Rowena craint tellement peu Septenrê qu'elle prend le temps de regarder le poulain, en tournant légèrement la tête. Il semble bien portant. Bonne carrure - comme escompté. Réactif. Et ce regard... La dissymétrie des couleurs lui rappelle Owberine. Cela pourrait être son propre enfant. Le jeune être la regarde d'une étrange façon, avide et insensible, qui fait frissonner la grande femelle. Ah, qu'elle a hâte soudain, de s'en emparer, pour elle toute seule ! Elle ne peut laisser Septenrê gâcher ça. Elle ne peut la laisser tuer un enfant de Sweeney, si bien réussi, malgré une génitrice désormais impotente.
Soudain, la reine dorée n'est plus qu'un obstacle agaçant, une nuisance, un moucheron. Elle n'a pas de temps à perdre ici, avec elle. Les oreilles de Rowena se couchent avec grâce contre sa nuque nue tandis qu'elle tourne de nouveau la tête droit sur elle. Cette fois elle grogne, et repousse 7 plus violemment, l'empêchant de nouveau d'atteindre sa proie. Elle glisse un antérieur derrière ceux de la reine pour la faire trébucher et la mettre à terre, aussi simplement que si elle n'était que poupée de chiffon.

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Mais que fait-elle? Rowena ne parle pas, ne fait qu'agir.
La Veuve Noire observe l'enfant, et Septenrê tente de forcer le passage. Tuer la chose. Elle ne veut que ça. Elle s'apprête à mordre violemment l'akhal quand celle-ci la fait chuter au sol, la met à genoux. On a mis Septenrê à genoux.
La reine s'écrase par terre dans un râle harassé, et tente de reprendre son souffle. « Mais tue-le, putain! Tue l'enfant! » ordonne-t-elle, sans savoir si elle hurle ou chuchote. Septenrê essaie de se relever, mais son corps ne semble pas lui obéir.
Encore une fois, elle est obligée de se voir mourir. Elle chute, sans parvenir à s'accrocher à quoi que ce soit.

Dans un geste à la fois rapide et presque doux, la grande noire fait chuter la plus claire. La pouliche voit les émotions qui dansent dans les abysses de ses yeux. Il y a quelque chose de fort qui se dégage de ce regard-là, sans qu'elle parvienne à savoir quoi. De la détresse, de la haine, elle ne savait pas.
De toute façon petite, c'est une scène dont tu ne te rappelleras pas.
Insensible au froid qui l'entoure pourtant, son corps encore parsemé de tâches de sang, elle observe l'échanger, elle écoute les mots. Qu'elle comprend. Parle-t-elle d'elle-même ? Elle a envie de s'approcher de la grande Veuve, mais n'osa pas pour le moment.

Oui, on l'a mise à genoux. Mieux vaut Rowena que n'importe qui d'autre. Ça ne l'amuse pas. Loin de là. Et elle ne s'en vantera pas. Et c'est vrai que, pour une fois, Rowena si généreuse en paroles, s'en trouve soudainement avare. Elle n'a pas besoin de son petit arsenal usuel. Aujourd'hui, son adversaire est trop faible, et son modeste corps d'akhal suffit. La courte escarmouche achevée, l'akhal consent tout de même à répondre enfin à la jument au sol. Elle abaisse son regard de fer sur elle, dénué de pitié - car la reine déchue n'en a pas besoin. " C'est toi, ou le petit. C'est bien ce que l'on avait convenu, non ? Regarde-toi, et tu sauras que la balance penche depuis le début en ta défaveur. " L'andalouse n'a que trop déçue la Veuve noire. Cet échec est trop total, trop cuisant. Sa vue, son existence est une blessure.
Il est temps. Rowena soupire finalement, et se détourne. " C'est fini, Septenrê. Je reprends le Levant, seule. Tu ternis son image. Tu n'as plus ce qu'il faut. ... Je te laisse une semaine pour disparaître de l'Orient. " Morte ou vive. Du moins lui laisse-t-elle ce choix en l'épargnant aujourd'hui. Tout en parlant, elle avance lentement vers la pouliche. Arrivée à sa hauteur, elle ralentit à peine, et la dépasse en lui intimant du regard de la suivre. Tout en maintenant une certaine distance, car ces poils plein de sang, ça la dégoûte un peu quand même ¬¬

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C'est comme si on venait de lui enfoncer un couteau dans le ventre.
Septenrê observe la grande veuve noire lui fixer son sort, les yeux écarquillés, tétanisée. Terrorisée, la reine déchue tente encore de se lever mais, les paroles de Rowena la maintiennent à terre. Elle balbutie son refus d'obtempérer, mais elle n'arrive plus à tenir tête. Ses dents se serrent, et son crâne s'échoue au sol, déjà hantée. L'âge de Septenrê vient de s'éteindre en quelques mots.

Et voilà comment s'achèvent des années de règne. Elle a été créée pour rayonner à des kilomètres à la ronde, pour imposer la terreur, pour faire survivre la lignée des grands monstres. Et si son apogée a été franchie il y a plusieurs années déjà, la dernière flamme de son pouvoir vient de succomber.
Elle n'est plus la reine d'Égypte, non plus la reine du Levant. Elle n'est plus rien, épave rouillée laissée à l'abandon par tout ce qu'elle a tenté de chérir, restes immondes de sa gloire passée.

Une semaine pour faire son deuil. Une semaine pour se détacher de tous ses attributs. Une semaine pour s'arracher la moitié de son âme lacérée et décharnée. Septenrê ne parvient plus à parler. Paralysée, elle observe, impuissante, son pouvoir s'échapper lentement sous ses yeux, son identité, sa gloire, sa vie même, glisser entre ses doigts. Elle vient de tout perdre, et n'a plus qu'à mourir.

Elle comprenait les mots, saisissait la gravité de la situation. Ceci dit, elle ne se rendait pas compte de l'importance de la situation. Elle ne savait pas à quel point la jument crème était dans l'impasse, dans la détresse. Il y avait ce quelque chose dans le regard qui la fascinait, lui donnait envie de s'approcher. Mais l'attitude la grande jument noire lui fit comprendre qu'il fallait qu'elle la suive. Elle jeta un dernier regard à la jument crème, se rendant compte qu'elle était faible et qu'elle préférait suivre la Veuve, la nouvelle reine. Ses pas ayant gagné en assurance, elle demeura dans l'ombre de la femelle, sans rien rater du monde qui l'entourait.

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