morose et mort aux roses

pa

Elle croyait qu'elle mourrait. Elle donnerait la vie, aujourd'hui, c'était certain. Des folies de courbatures et contractions lui déchiraient le ventre. Mais elle était heureuse, ce serait un enfant plein de vitalité. Un enfant qui bougera, qui ne tiendra pas en place, qui aura du caractère sûrement. Plus affirmé que Pa, il valait mieux. Et tu voudrais un garçon, hein ?! Pour l'instant, elle ne savait pas de quoi il était question; et l'enfant ne naîtrait pas maintenant. Elle avait quelques heures - ou minutes ?, devant elle à présent. Le visage crispé mais si beau, ses deux saphirs clairs voguant sur l'horizon, elle marchait, cherchant à procéder plus vite à la mise à bas.  

Minutes. Tout n'était question que de minutes. Frivoles ou pesantes, mais des minutes.
Septenrê piste sa cible depuis qu'elle a senti son remugle occidental aux alentours de ses terres. Elle est pleine, grosse et faible. Et seule. La reine orientale, légèrement dissimulée derrière un menhir, gronde. Elle allait enfin pouvoir la tuer. Satisfaire quelques désirs sombres, sûrement. Et si elle allait mieux, après ça? Si l'assassinat de Pa lui permettait de retrouver ce qu'elle était avant?

Elle, elle ne l'avait pas sentie. Pas du tout. Mais finalement, elle ressentait autre chose, de plus violent et plus fort. L'enfant. Oui, l'enfant avait décidé de finalement naître maintenant. C'était trop imprévisible pour Pa, mais elle était heureuse de donner la vie ici. Alors, elle se coucha, légèrement adossée à l'une des pierres monstres que possédait cet endroit. Sans le savoir, c'était celle d'en face, qui abritait 7, et donc celle opposée. Les opposées ... se rejoignent toujours, pas vrai ?

À terre. Le poil de Septenrê se hérisse, de plaisir, de hâte, de haine. Puis, elle s'approche, grondant, le visage déformé d'un rictus cruel et d'un regard animal, jusqu'à s'arrêter à un mètre de sa proie environ. Elle la regarde intensément, sans une once de pitié, la bouche entrouverte.

Le ciel était couvert, le ciel se parait de gris nuancés d'ondes noires et parfois blanches. Après quelques grondements - qui couvraient ceux de Septenrê, et de mille contractions mobilisant tous ses muscles, toute son énergie, tout son petit reste de vie. L'enfant était là, et la mère fut bien déçue. C'était une femelle. Merde. Mais la petite fit vite ses premiers pas en un temps record, elle n'était pas si mal finalement. Elle ressemblait beaucoup au père. Mais, une présence alerta les sens de Pa. Un monstre, un animal. La petite femelle n'en avait que faire, et tétait le doux lait succulent de sa maman. Bois vite, Zohra. murmura t-elle à sa fille, lorsqu'elle avait compris que cette tétée serait sa première et sa dernière. 

Lentement, la reine de l'Orient arrive au bon moment. Pa l'ouvre pour murmurer quelque chose de tout à fait compréhensible à sa fille trempée et gluante. Septenrê empoigne d'un geste vif la pouliche, et l'envoie rouler quelques pas plus loin, avant de s'approcher encore de Pa. Pourtant, elle hésite. Elle avait fait une promesse à Ruyn. Elle claque des mâchoires, frustrée.

Pa l'observait, la voyait faire sans pouvoir agir. La petite fille fut projetée quelques pas plus loin, cela paraissait être à des millions de mètres pour elle. Elle revint cependant, parce qu'il fallait qu'elle se nourrisse. 7 semblait réfléchir, ce qui donnait à Pa encore un peu de temps. Elle bichonna vite fait son enfant, en lui donnant quelques coups de langue par-ci par-là.  

Ruyn se pressait, hâtivement, craintivement. L'odeur de Septenrê embaumait, pour ne pas dire empestait tout le territoire d'amour de Pa, sa nouvelle concubine. Enfin... son nouvel essai, disons plutôt. Et Ruyn sachant Pa enceinte craignait sa faiblesse. Septenrê n'était pas là pour rien, ni pour récupérer Ruyn, ni pour faire la morale à Pa. Savait-elles pour elles deux ? Mais non, c'était impossible. C'était secret, un joli petit secret entre Pa et Ruyn. Bientôt ses yeux pâles captèrent l'éclat doré de l'andalouse, et plus loin la pâleur mortelle de celle qui ne serait bientôt plus qu'un fantôme, et pour de bon cette fois. Ruyn s'interposa vite dans le champs de vision de Septenrê, sa peau frisonnant délicatement lorsque les pupilles noires de son ex-amante se crispèrent dans les siennes. Minuscules secondes où Ruyn sentit les murs de son chagrin vaciller, et le monde se focaliser sur le visage torturé de la reine d'Orient. Petite reine de pacotille de son coeur. Qu'est-ce que tu fous là ? Laisse nous ! cracha-t-elle.

Son souffle se coupe.
Et soudain, plus rien n'existe. Tout est flou, il n'y a plus qu'elle. C'est comme si la reine déchue tombait amoureuse d'elle pour la première fois, alors que ça fait déjà mille. Ses yeux noirs se posent dans les siens, si beaux, si clairs, si parfaits. Elle est si parfaite. Sa princesse s'approche, sa démarche féline si assurée fait bondir sauvagement le cœur de Septenrê. Si violemment, si soudainement que ça lui fait mal. Son amour s'interpose entre elle et sa proie. Qu'est-ce que tu fous là? Laisse nous!

Pendant un instant, un bête instant d'égarement, elle s'imagine que Ruyn s'adresse à Pa. Elle s'imagine que Ruyn l'a toujours aimée, et maintenant, il est temps d'éloigner tous les obstacles, dont Pa fait partie, et que oui, enfin, elles pourraient vivre et s'aimer. Que Ruyn, son ange, allait la sortir du gouffre mortel dans lequel elle était tombée. Un bête instant, oui. Un rêve, sûrement.

La réalité revient, tout doucement. Elle a froid, soudain, et Ruyn la toise haineusement. Et surtout, ses paroles lui sont adressées. Alors, Septenrê recule, gronde d'amour, de frustration, de colère, de désespoir. Elle baisse la tête, mais garde les yeux jalousement rivés sur Pa. Le monstre s'incline presque devant sa princesse.

Ruyn ABS a écrit:

les murs de son chagrin

Tout était brusqué, violent, mais la vague tempête se dérida à l'arrivée de Ruyn. Elle se sentait aimée, et protégée; elle qui en avait cruellement besoin. Cela ne saurait durer, lorsque son amie verra le poulain, enfin, si seulement et si elle comprend. Mais qu'y a t-il de si grave ici ? Ruyn n'est plus avec Almageste, Almageste domine avec Pa. Tout est logique et concorde, donc rien ne cloche selon Pa. Et ne parlons pas de la petite Zohra, qui commence à se demande ce que toute cette tension et ces bruits dans l'air sont, tandis qu'elle cherche des mamelles tant désirées.