♫ Biche, please

Ayant sauté de l'autre côté de la barrière, Socrate parcourait le chemin du choix de façon atypique. Lorsqu'il a posé un sabot près de ce lieu, il s'était immédiatement demandé si la barrière représentait une protection ou une interdiction. En d'autres mots, était-ce dangereux de s'aventurer hors du chemin ou était-ce défendu pour une autre raison ? Il n'en fallait pas plus au mâle pour s'extirper du sentier battu et de se faire son propre avis. Mais alors qu'il choisissait avec précaution son moindre pas, il entend de lourds sabots marteler le sol non loin de lui. Alors il se redresse et observe en silence un pachyderme qui progresse sur la voie centrale. Ses oreilles pivotent sur le sommet de son crâne, il n'avait jamais croisé pareil gabarit.

Le mastodonte passe devant lui sans prendre le temps de s'arrêter ou de le saluer. Socrate ne réagit pas plus, continuant de l'observer, fortement intrigué par sa carrure. Il hésite un instant à quitter son hors piste pour rejoindre l'inconnue et lui poser mille questions. Rapidement le pour et le contre sont pesés et le mâle se glisse à nouveau sur le chemin. Après tout, il aura mille occasions de retrouver ce chemin et poursuivre son enquête, alors que cet individu là pourrait bien disparaître de sa vue à jamais ; GS est un grand territoire. Socrate rattrape alors la jument au petit trot, étirant ses lèvres en un sourire étrange tant il est peu spontané. Il a appris que ça facilitait les échanges de sourire, alors il essayait de le faire. « D'où tu viens ? »

(Merci )

Socrate secoue la tête, l'enfance de l'inconnue l'intéresse peu pour l'instant. Alors il ronfle des naseaux, tournant ses mots dans sa tête, les pesant avec plus de précaution. « Non pas d'où tu viens, mais comment as-tu eu ces formes ? » Explique-t-il en pointant ses grosses fesses, ses gros sabots, sa grosse tête, ses grosses épaules. Peut être avait-elle même un plus gros cerveau que la moyenne. A cette idée, Socrate tente d'élargir encore son sourire étrange pour obtenir plus facilement des réponses.

La réponse de l'énormité ne lui plaît pas beaucoup, Socrate se demande alors si son sourire fonctionne réellement. Si seulement une flaque pouvait se présenter face à lui pour qu'il puisse jauger l'efficacité de ce dernier. Mais non, le sol était pavé et sec. Pourtant le mâle n'en démord pas. Il apprécie entendre une hypothèse, ravi d'apprendre qu'il n'était pas le seul à se triturer les neurones pour obtenir des réponses. Malheureusement pour la grosse jument, elle n'avait pas encore visé juste. « Je ne suis pas un sauvage » Réplique Socrate avec douceur partagé entre la fierté d'avoir pu se glisser parmi les autochtones et la mélancolie d'avoir abandonné ses racines captives. « Je suis né en captivité et aucun cheval n'était comme toi » Il soupire. « T'es plus intelligente que la moyenne du coup ? »

Pour le moment, il lui importe peu de savoir qui peuplait le camp de la grosse jument. Après tout ils n'étaient pas tous noirs avec une liste, hauts comme trois pommes et malins chez lui. Au contraire, beaucoup semblait venir de différentes contrées, beaucoup racontait des histoires sonnant de l'orient et d'autres de l'occident. Socrate aimait ce mélange de cultures au sein d'un si petit endroit. Il déplore le comportement des chevaux sauvages, trop méfiants, trop protecteurs, portés sur des questions inutiles et trouvant souvent des réponses fausses. Ils ne prenaient pas le temps de se questionner, trop pressés pour conquérir de nouveaux territoires et s'abriter des hommes. Socrate avait cet avantage de ne pas s'inquiéter d'être un jour à nouveau capturé. « Personne n'est comme moi » Avance-t-il sans sourire, sans ironie, sans modestie. Il n'avait simplement jamais rencontré personne comme lui. Pourtant il continuait de chercher. « Ce doit être parce que ton cerveau est proportionnel à ta taille ! » Pose Socrate comme hypothèse presque irréfutable, acceptant de croire sans problème qu'elle était plus intelligente que la moyenne.

Socrate ne prend pas cela pour une question tant cette hypothèse fait sens pour lui. Il tique en s'apercevant qu'elle évoque de grands chevaux. Un léger soupir s'échappe de sa bouche, ses pensées auraient-elles fuité ? La jument se serait-elle vexée d'être considérée comme grosse par l'étalon inquiet de l'exactitude des termes employés. Socrate s'en fiche, il aborde la question du social une fois ses questions posées et ses réponses trouvées. « Comment je suis ? » S'enquit le mâle en ne sachant pas déchiffrer la question de l'inconnue.

(oh ça me fait trop plaisir Socrate est cool avec Biche, il est chouette à jouer !)

« Il n'y a rien à dire sur moi » Tranche-t-il avec une douceur qui tranche également de son ton habituel. Socrate n'aimait pas s'étendre sur sa vie, non pas qu'il ne la trouvait pas suffisamment intéressante - au contraire - mais ce genre de conversation ne lui apportait rien tandis qu'elle remplissait son interlocuteur d'un savoir immense. Ce déséquilibre ne lui plaisait pas. Donc il ne s'exprimait jamais sur sa vie.
L'animal s'aperçoit que sa voie est condamnée alors que l'inconnue ralentit. Non moins curieux, il s'approche du précipice qui fait chuter son chemin à lui. Question classée, la barrière était une protection. Socrate passe habilement sous cette dernière et retrouve son interlocutrice. « Mon nom est Socrate » Balance-t-il sans prévenir. Après tout, ils avaient un peu parlé, elle méritait au moins de connaître son prénom.