∞ la géante

Les proportions. Voilà un sujet qui passionnait Socrate - comme si un sujet pouvait ne pas l'intéresser -. Le mâle se demandait s'il était à l'échelle de l'univers. En d'autres mots, si le monde n'avait pas été forgé pour plus grand ou plus petit et que lui était juste trop petit ou trop grand. Alors, quand il croisait la route de chose qui semblaient être démesurée, il prenait le temps de les étudier. Tout comme ces menhirs qui bordaient ce champ. Qui les avait posé là ? Sont-il tombés du ciel ? D'où venaient-il ? Et plus particulièrement, s'ils venaient d'ailleurs, semblaient-il grands ou petits ? Parce que pour Socrate, ils étaient immenses. Si grands qu'il prenait plusieurs minutes pour en faire un tour minutieux. Subitement, il s'arrête, penche la tête et se retrouve nez à nez avec une fourmi. Le monde regorgeait de choses si différentes, si changeantes... le mâle secoue finalement la tête, trop de questions et trop peu de réponses pour ce soir. Il prit soin de ne pas écraser la fourmi mais se coucha néanmoins à ses côtés. Entre la fourmi et le menhir, voilà que ces êtres étaient bien rangés.

Peu soucieuse des grandes choses de la vie, plus préoccupée par l'éducation (difficile) de sa soeur, et tout ce qui se rapportait au présent, Luce s'était arrêtée auprès d'un large menhir, contre lequel elle s'était appuyée. Levant la tête vers le ciel, elle y observa les étoiles lumineuses qui dansaient dans l'océan céleste. Elle aurait bien aimé être une étoile. Une petite chose brillante et silencieuse, qui observe le monde sans jamais s'y mêler.

Les yeux perdus dans le vague, le sommeil l'assaillant de tous les côtés, Socrate ne fit pas attention en premier lieu à la petite silhouette brune qui se dressait non loin de lui. A la façon du mâle, elle avait les yeux perdus dans l'immensité du ciel. Socrate osa penser une seconde qu'elle était accrochée aux mêmes genres de réflexion que lui. Mais cette idée le piqua d'une violente jalousie qui l'obligea à annuler tout de suite cette possibilité. Lui qui aimait être unique observateur de ce monde.

Tirée de sa rêverie par un bruit à sa gauche, Luce détourna ses yeux à contre-coeur du ciel étoilé, les tournant vers un étalon noir qui semblait aux prises avec lui-même. Elle murmura : Bonsoir, sans pour autant s'approcher. Libre à lui de s'approcher, sa dernière rencontre ne semblait pas désirer qu'elle lui parle, elle avait décidé de ne rien tenter cette fois.

Un silence bruyant régnait sur ces lieux. La nuit apportait avec elle plein de bruit que le jour ne connaît pas. Mais la voix de l'inconnue vient casser ce monopole de la lune et s'adresse à Socrate. Il hausse une oreille, fait tourner ses yeux globuleux vers elle. « Tu comptes les étoiles ? » Il lui lance son drôle de sourire parce que lui-même a déjà essayé. C'était la seule question qu'il acceptait de laisser sans réponse.

Non, répondit-elle, un peu surprise de ne jamais avoir eu cette idée. Elle était si terre à terre, et si peu rêveuse, c'en était parfois affligeant... Je ... commença-t-elle en hésitant, trouvant son idée bien stupide, je priais pour en être une ¬¬

Réponse surprenante, il était bien impossible pour un cheval de devenir une étoile. Du moins pas de son vivant. Intrigué, Socrate se lève et se dirige vers l'inconnue. « Je crois savoir que c'est impossible » Ose-t-il sans trancher pour autant son propos, ne voulant pas braquer la petite jument et obtenir si possible des informations qu'il n'avait pas encore.

Il s'approcha d'elle, la ramenant à la réalité. Vous en êtes sûr ? demande Luce, d'un ton découragé. Elle aurait tant aimé y croire, pourtant.

Sa question aurait pu le faire sourire s'il ne l'avait pas déjà entendue quelques milliers de fois. « On ne peut jamais être sûr et certain de quelque chose dans la vie » Affirme-t-il en s'arrêtant à quelques mètres d'elle, lorgnant à nouveau sur les étoiles. « Néanmoins, je te dis que je n'ai jamais assisté à pareille transformation »

Certains disent que lorsque l'on meurt, on devient une étoile, répond-t-elle pourtant, dardant son regard sur le cheval, puis sur les étoiles. Etaient-elles aussi loin qu'elles le paraissaient ?

Il soupire et ricane en même temps. « Ces personnes là peuvent avoir des croyances saugrenues. On ne sait quelque chose qu'une fois qu'on l'a prouvé » Fait-il avec fermeté. Parfois il savait ouvrir son esprit au monde, mais jamais il ne remettrait en cause sa démarche empirique qui lui collait à la peau. Il voyait la vie à travers ce prisme de l'expérience dont il était persuadé qu'il lui disait la vérité.

Elle tourne son regard vers lui, l'examinant attentivement. Il ne faisait pas parti de ces personnes qui avaient des rêves plein la tête, mais il ne semblait pas négatif pour autant. C'est ... C'était aussi ma pensée, dit-elle finalement, une révélation se faisant en elle. Elle était comme ça, enfant. Certains essayaient de lui faire peur en lui parlant de fantômes, de monstres, et toujours elle avait rétorqué que ça n'existait pas. Et maintenant ? Maintenant elle s'était un peu perdue.

Il hausse les épaules. « Alors ne perd pas ton temps à prier, petite » Lui conseille-t-il alors en prenant les devants pour mieux observer le ciel argenté qui s'offrait encore à quelques pour quelques instants avant que le jour ne se lève.

Elle hocha vaguement la tête, le suivant presque timidement. A quoi perdez-vous votre temps, vous ? demanda-t-elle, priant - malgré elle - pour qu'il la remette un peu sur les rails. Elle était si paumée, ces temps-ci.