Whatever you do...(a)

Il ne peut plus supporter ses sons de pas comme une instrument désaccordé, il s'arrête. Il tape sur le fer de son pied qui boite, il donne des coups sur les rails en les faisant trembler avec rage et sans las, il veut enlever ce jambe qui s'est mit dans sa vie sans permission et qui est la cause de son isolation.
Ces crises psychologiques lui arrivent souvent, parfois plus fort parfois moins. Il ne supporte pas d'être lui même. Il a changé pourtant. Beaucoup trop changé, mais ce fichu de pied reste toujours un obstacle infranchissable du passé, le seule chose qu'il n'a pas réussi de faire changer quoiqu'il fasse. Il reste la, comme s'il se moquait avec pitié de lui.

Bing, bing, bang. Les rails qui tremblent, grincent, tressautent.
Clang, clong. Des sabots contre le métal. Pas les miens.
Je m'approche de la source de cette agitation, suivant l'étrange voie toute en ferraille qui serpente au travers de la jungle.
C'est un étalon à la robe sombre qui frappe les rails avec hargne. Ses crins rougeâtres masquent son regard.
Je m'arrête à quelques pas de lui, le fixant.
- C'est bon, tu es calmé ? Dis-je d'une voix neutre.

Sa colère lui rends aveugle au point de ne pas apercevoir la blanche qui s'en approche. Il continue a frapper le fer de son pied droit. À chaque frappe il se rappelle de son passé qui est loin d'être bonne. Chaque bruit que sort le fer semble lui gronder, bientôt ces grondements se transforment à une voix féminine, monotone et inconnu arrivant à ses oreilles en écho.
Mais bientôt, tous l'effort qu'il dépense par rage se résume avec une effroyable mal au sabot. Il ne peut empêcher de mordre ses lèvres face à cette douleur physiquement et à la fois psychologique. Il pose son pied avant de fixer la jument de ses regards couverts par ses crins. Qui est-tu? demande-t-il les mâchoires serrés, sans pouvoir ignorer la douleur de son sabot.

Je ne dis jamais rien à propos de moi, et ce n'est pas cet étalon haineux qui va me persuader de me présenter.
- Seulement quelqu'un. Quelqu'un qui passait par là et qui ne souhaite rien de plus que vivre en paix. Je ne cherche pas les ennuis, dis-je en m'écartant légèrement du noir.
Il pourrai me frapper sous le coup de la colère, mais vu comme il est frêle il ne risque pas de me blesser ; c'est plutôt pour lui que j'ai peur. Quand je combats, c'est toujours aveuglément, et sans retenir mes coups.

La paix? répéte-t-il en ne pouvant empêcher un bref rire oubliant à peine sa douleur. Puis, prenant un air plus sérieux, toujours un brin de sourire au coin de ses lèvres, il brise la silence, La vraie paix ne vient qu'avec la mort. Une vie en paix n'est qu'une histoire de fée, cela n'existe pas, et n'existera pas. L'air monotone et calme de la jument lui rappelle son grand frère, et une justice attardé. Il remarque qu'elle s'écarte, il ne bouge pas et relève ses regards au ciel.

Encore un qui voit tout en noir. Enfin, malgré ses sarcasmes, il n'a pas totalement tort. Ni vraiment raison.
- C'est vrai. La paix telle que tu l'entends est impossible, dis-je d'un ton un peu plus sec que je ne l'aurais voulu. Cependant, la véritable paix, celle de l'esprit, existe bel et bien.

Il rabaissa ses regards sur la jument grise suite à son changement de ton, la paix de l'esprit est une chose inconnue dans son monde. Depuis son enfance, seules choses qu'il connait sont ses souffrances psychologiques qu'il subi à cause de son handicap. Tu semble avoir ton esprit en paix dit-il à voix bas fixant la grise à travers ses crins. Il ignore maintenant complètement son sabot qui ne cesse pourtant d'avoir mal.

- J'accepte ce que je suis, tout simplement. Je prend la vie comme elle vient et je reste maître de ma destinée. Donc, oui, je pense pouvoir dire que je suis en paix avec moi même. A l'opposé, mon conflit avec la société ne cessera peut être jamais, terminai-je, un peu résignée.
Je ne sais pas trop pourquoi je raconte tout cela à cet étalon taciturne. Si j'écoutais la voix de la raison, je devrai le planter là, avec son aura de haine et ses sarcasmes amers.
Mais encore une fois, ma maudite curiosité prend le pas sur le reste.
"Qui est tu donc, cheval sombre?"

Mais impossible pour lui de devoir accepter son état, alors que tout les autres sont nés saines sans aucun souci, que lui il doit subir la difficulté d'être mi-handicapé par le pied depuis son arrivé au monde, le fait de devoir commencer le match 1-0, cela ne s'appelle pas justice dans sa language, et dans aucune language d'ailleurs.
Sa question laissa une légère sourire sur ses lèvres, on ne lui répond pas correctement, il ne répondra pas comme il le faut. Seulement un cheval. ironisa-t-il, curieux de voir si elle allait comprendre ce qu'il voulait dire.

Avançant encore quelques pas, je me retrouve à la lisière de la jungle, puis je me retourne face à l'étalon, plantant mon regard dans le sien.
- Personne n'est rien de plus qu'un cheval. Noir, gris, alezan, pie, dominant, solitaire, en pleine forme ou handicapé, rien ne nous différencie d'autre que ce que l'on à choisi d'être au fond de nous mêmes.

Merci pour la leçon, mais tu ne sais pas ce que j'ai vécu marmonna-t-il mi-voix. Pourtant elle avait raison dans ses paroles et ça lui affectait, mais il le niait à lui même. Il ne voulait plus être le sujet de la conversation. toi dit-il, pourquoi est-tu seule? il voulait en savoir plus sur cette type, pas parce qu'il s'intéressait à elle, mais qu'il voulait changer le sujet.

Pas moi. On ne parle pas de moi.
Mais...mais, malgré tout, un sentiment étrange me pousse à lui répondre.
- J'aime la solitude. Je la cultive, j'en prend soin. Rien n'est plus beau que le silence allant de pair avec elle. Et puis, personne qui cherche à te contrôler, personne qui ne piaille tout le temps, pleurnichant sur des sujets futiles...tu vois, c'est moi qui adresse la parole, le plus souvent. Les gens ne me parlent pas spontanément, et c'est tant mieux. Et toi ? Aimes-tu ta solitude ? Ou, au contraire, la détestes-tu?

J'aimerais l'aimer dit-il levant la tête vers le ciel troué par quelques nuages gris. Je suis seule et faible, et j'en souffre. C'est peut être la première fois qu'Antonio avoue ses souffrances. Il pouvait continuer, se lamenter de sa vie, se plaindre de son pied, mais cela n'allait rien lui rapporter, mais peut être perdre une personne qu'il venait de connaitre et qu'il avait apprécié , pour une fois.

Sans rien dire, je réfléchit aux paroles du noir. Evidemment, j'ai remarqué qu'il boitait. Ça semble le ronger de l'intérieur. Il se hait presque.

Le silence s'étire entre nous, mais il n'est pas désagréable, non ; il est...respectueux, et il en émane une pointe de tristesse. Finalement, je prends la parole.
- Je ne te dirais pas que je sais ce que tu ressens. C'est faux, je n'ai jamais été dans la même situation que toi. Cependant, je sais ce que c'est d'être rejetée. Ce que ça fait quand le regard des autres te traverse sans te voir. Quand tu ne sers à rien. Quand tu es juste un poids, une boulet à traîner, quand ta propre mère s'en fout de savoir si tu vis ou si tu meurs!
Je termine en criant presque. Immédiatement après, je regrette. J'en ai trop dit, je me suis laissée emporter. Jamais je n'avais extériorisé...cette partie de ma vie.
Plus doucement, je reprends.
- Quelque part, toi est moi on est pareils. Les problèmes, les inadaptés que l'on met de côté, les non désirés.

Encore un changement de ton, encore un frisson sur le dos de l'étalon. Ses regards se glissent vers la droite, sur le chemin en fer. Il n'ose ni parler, ni avancer d'un pas à sa hauteur. Sa mère... Elle n'était donc pas si moins souffrant que lui, mais il s'interdit de penser plus sur ce sujet, car il sait qu'en ce moment même, elle regrette ses paroles. Mais heureusement elle reprends la parole d'une plus douce voix. Tu a raison dit-il à voix bas. Tu as déjà voulu changer? ose-t-il demander pour briser la silence qui régnait.