cancer

Elle a mal partout, ses pieds la brûlent, son dos la tire, elle n'en peut plus. Mais Luce n'a toujours retrouvé personne qu'elle ne connaisse. Elle a gravi ses montagnes sans réfléchir, mais maintenant, elle a froid, faim, elle est fatiguée, seule, perdue, apeurée, seule, tellement seule. Elle sent les larmes monter très vite, sans qu'elle ne puisse les contrôler. Traversée de sanglots chaotiques, Luce s'arrête, penche la tête, et se laisse tomber sur le sol, arquant l'encolure, complètement vaincue par la fatigue.

Elle est tellement pitoyable, elle se déteste, elle se lynche psychiquement. Et ses larmes traîtresses continuent de glisser sur ses joues trempées et glacées, car il fait froid dans les hauteurs. Mais elle se sent observée, soudain, et relève la tête, et plonge un regard désespéré et noyé dans les yeux noirs d'un être en noir et blanc. Et se sent mourir de honte.

Elle ne sait pas trop comment réagir, dans un premier temps. Elle a aperçut son rictus de dégoût, et s'est sentie mourir, mais il s'éloigne, et elle a si peu envie d'être seule... Il la contourne méthodiquement, comme si elle était une maladie, une bête immonde, suintante... Est-ce donc cela à quoi elle ressemble ? Ses pleurs redoublent, un gémissement lui échappe, mais elle ne le lâche pas du regard, le suppliant, le défiant de s'en aller.

les mâchoires de lex se crispent. ses pleurs commencent à l'étouffer ; il a trop entendu de pleurs. et de cris, mais elle ne crie pas. elle voudrait bien, sûrement. elle crie des yeux; elle lui crie de rester. son corps le brûle, il n'a pas envie de rester avec elle. l'éclat bizarre dans ses yeux brille méchamment. lex s'arrête, et détourne le regard. arrête. sa voix fuse dans l'air de la nuit, pour la première fois depuis des semaines. elle est douce, mais sombre. en lui, il n'a plus de douceur.

Elle obéit presque aussitôt, serrant ses mâchoires à s'en faire grincer les dents, et ses dernières larmes roulent sur ses joues pour se perdre dans l'herbe qui les entoure. Ses côtes se soulèvent encore rapidement sous le joug de ses précédents sanglots, et sa respiration sifflante trouble le silence qu'elle ne comble plus. Elle se tait comme il l'a ordonné, et laisse aller sa tête sur le sol, tellement fatiguée, le regardant toujours.

enfin, le silence froid et venteux. lex tourne de nouveau sa tête vers elle, et tressaille quand il voit qu'elle ne l'a toujours pas quitté des yeux. pourquoi le regarde-t-elle? il n'est pourtant pas la plus belle chose qui soit, ici. il reste un instant à la fixer, sans bouger, totalement inutile. il ne sait pas quoi faire pour qu'elle arrête de s'intéresser à lui. il n'a pas besoin qu'on fasse attention à lui. ses pieds font quelques pas vers elle, et il baisse la tête, à demi-dissimulé derrière un rocher. qu'est-ce que vous venez foutre ici?

Je ne sais pas, je marche, répond-t-elle d'une voix morne et lasse. Il est bizarre ce cheval, on dirait qu'il se sent pas à sa place. On dirait qu'il n'aime pas qu'elle le regarde. Mais elle s'en fiche, elle n'a pas d'autre autre endroit où porter ses yeux. Et toi qu'est-ce que tu fais ici ?

Il s'approche d'elle, et elle se relève d'un bond, n'aimant soudain guère l'éclat qui brille dans ses yeux trop noirs. Je suis tout le temps seule, répond-t-elle néanmoins. Toi aussi tu es seul, fait-elle remarquer après un petit silence.

il s'immobilise au moment où elle se relève précipitamment. comme si elle avait peur de lui. son sourire s'accentue. elle a peur. il a enfin le contrôle. toujours. c'est tout comme. t'as peur? ça lui brûle les lèvres.

Luce cligne des yeux, victime de sueurs froides. Cette scène lui rappelait beaucoup trop quelque chose qu'elle avait déjà vécu, et qu'elle avait enfoui loin, loin dans sa mémoire. Non, mentit-elle, alors que cette question fait peur à chaque personne auquelle on la pose,pourquoi ? Tu vas me faire quelque chose ? ajouta-t-elle avec un sourire bancal.

non. je voulais juste savoir. il l'observe avec minutie, sans plus s'approcher. et pourquoi t'es toute seule?