★ Over my shoulder, running away

Tout est gris.
Partout.
Du ciel décoloré ne filtre pas un rayon de soleil, le blanc de l'écume des vagues paresseuses est terni, perdu dans les faibles remous de l'eau anthracite.
Sous mes sabots le sable semble n'être qu'une mer de cendres, une étendue détruite et brûlée il y a bien longtemps. Pas un son, pas un pépiement d’oiseau, le ressac lui même semble être un son lointain, presque inaudible.
Je ne sais pas comment je suis arrivée ici, et tout ce que je veux, c'est repartir, m'extraire de cette atmosphère oppressante, de ce territoire désolé et uniforme.

Tu parles, Naska n'es pas plus à l'aise dans ce paysage fantomatique. Désertique. Presque infini. Ennuyé d'avancer en ayant l'impression de rester sur place, il a fini par s'arrêter, histoire de se reposer un peu. L'alezan ronfle des naseaux, l'encolure basse, les naseaux qui frôlent la cendre couleur ardoise.

Je marche , le regard rivé sur le sol, mes pas lourds frappant le sol, poum, poum, poum, poum, sans fin.
Un soufflement, un ronflement de naseaux déchire le silence. Je relève vivement la tête, encore sur la défensive, mais espérant secrètement retrouver un visage ami. Quel n'est pas mon désappointement quand je découvre la robe alezane de l'arabe que j'avais suivi sur les grands escaliers, dans l'ancien GS.
Je sens le ressentiment faire chauffer mon sang et envahir mes pensées, encore intact. Avec difficulté, je réprime l'envie d'envoyer un regard haineux à l'autre et me détourne, repartant dans un petit trot nerveux, à l'opposé de l'étalon.

Et c'est là que Naska aperçoit Pandore: la jument de l'autre fois, dont il ignore encore l'identité d'ailleurs. Leurs regards se croisent, il y voit de l'amertume. Et la voilà qui se fait la malle. Sans trop réfléchir, il s'élance dans un petit galop, et l'ayant rattrapé, lui lance: Pourquoi vous fuyez ?

J'essaye d’accélérer, l'autre ne me lâche pas. C'est pas croyable, ça. Je fais tout ce que je peux pour l’éviter, réprimant mon envie de me défouler sur lui, et il me suis. D'un ton sec, je lâche ;
- Barre toi, ça vaut mieux.

On ne se connaît pas, j'aimerais savoir ce que vous me reprochez pour ainsi m'éviter. Il garde tout de même une distance de sécurité. Cette inconnue est bien plus grande que lui, plus massive, mais il est plus rapide. Elle semble le détester alors qu'il est certain de ne pas la connaître.

- Tu te fous de moi, en plus ? Je réponds avec hargne.
En fait, la raison pour laquelle je ne l'aime pas est brouillée dans mon esprit, je ne sais pas, c'est quelque chose de viscéral. J'imagine qu'après avoir fait de bonnes rencontres et lié des sortes...d'amitiés ? Il fallait bien que ça recommence comme avant, que je me renferme et que je haïsse les autres.

Mais non ! Proteste-t-il, plaquant ses oreilles contre sa nuque, agacé. Je ne vois vraiment pas !

Je me détourne de lui, et j'avance de quelques pas dans l'eau grise, sans répondre. Je dois me calmer, je dois m'empêcher de le chasser à grand coups de sabots, je dois réprimer cette violence qui n'avait pas refait surface depuis mon arrivée sur GS.

Il s'arrête, l'observe simplement, n'ajoutant rien. Il ne sait pas trop sur quel pied danser.

Je ne sais pas ce qu'il attend. J'ai l'impression d'être revenue au début, au sommet de la montagne des escaliers. Les lèvres serées, je murmure ;
- Va t'en, go away, dégage. Je dois te le dire en quelle langue ?
Je laisse passer quelques secondes, puis je me fais plus calme, presque suppliante.
- S'il te plaît...pars. Je pourrais te blesser et je ne le veux pas.

Naska la fixe un instant, puis finit par hausser les épaules. Il prend ensuite le large, poursuivant sa route, au petit trot, faisant tout de même attention où il met les pieds dans ce milieu hostile. Il jette un dernier regard en arrière, au cas où elle se raviserait.

Je laisse mon regard se perdre au loin, les dents serrées. Au dernier moment je me retournes, et lance :
- Ce n'est pas contre toi. Enfin, je crois.
Faisant volte face, je m'en vais dans la direction opposée, laissant l'autre ces simples mots.

[OUT]

Naska rétorque: Contre qui, alors ? Un sosie ? Mais elle est déjà partie.

OUT :)