Conquest of spaces.

Quelques heures auparavant il avait découvert un sentier bordant les parois rocheuses des montagnes. Il avait longuement arpentait ces sinuosités et pendant son ascension la nuit s'était une nouvelle fois emparée des terres.
Il avait finalement atteint un petit plateau enneigé où il pouvait être en sécurité.
Il emplit ses poumons d'air nocturne puis se laissa éprendre de la splendeur de la voûte éthérée. Elle était piquée de milliers d'étoiles et peinte par les nébuleuses. Le céleste était la toile et les galaxies rependaient leurs couleurs iridescentes dans l'infini créant un sublime tableau.
Son coeur était sombre, mais la nuit l'éclairait. Elle apaisait son âme consumée. Les couleurs là-haut étaient semblables aux couleurs dans sa tête et elles lui apportaient un doux réconfort.

La belle avait écumé les terres libres, et il fallait avouer qu'elle aimait beaucoup ces montagnes. Elle y venait souvent pour admirer les aurores boréales, qui lui rappelait avec un brin de nostalgie, le Nord d'avant. Ses pas faisaient un bruit feutré, amortis par la neige. Qu'il était bon de sentir le froid glacial lui fouetter le visage. Non loin de là, un inconnu. Elle l'avait remarqué, mais resta silencieuse, le laissant venir à sa rencontre s'il le souhaitait. Elle était de bonne humeur ce soir.

Son regard d'azur noyé dans les méandres de la voûte éthérée, il cherchait à se convaincre qu'il n'était pas si différent que ça. Pour chaque être sur terre les couleurs qui irradiaient dans l'infini étaient fascinantes. Elles n'avaient rien de terrifiantes. Elles n'étaient rien d'autre que des tâches inoffensives, alors pour quelle raison les couleurs dans son esprit seraient-elles un danger ? La déréliction le pris au corps, saisissant son coeur et pétrifiant ses os. Comment pouvait-il croire qu'il n'était pas dangereux ? Sa propre famille avait préféré le bannir après l'avoir jugé atteint de folie.

Il n'était plus seul. Sentant cette présence, ses sens se mobilisèrent un à un. Il se tenait bien quelqu'un à quelques mètres de lui, mais il choisit de ne pas s'en approcher par crainte.

Anka n'était pas dupe, elle avait bien remarqué qu'il l'ignorait volontairement. Elle n'avait pas été discrète. Mais elle accepta le choix de l'inconnu. Après tout, elle avait du mal à faire le premier pas. Elle s'en approche alors, silencieuse, se place à côté de lui, le regarde, puis reporte ses yeux vers le ciel, dans la même direction que l'étalon.

L'inconnue à ses côtés, il n'eut d'autres choix que de la considérer. Son esprit l'avait déjà associé à une couleur et il décida de lui en faire part. Qu'une personne de plus le pense fou, ne changerait rien.
< Vous êtes rose. Mais pas fushia ou bonbon. Je dirais plutôt un rose incarnadin, un rose légèrement pourpre. >

Elle ne le regarde pas tout de suite. Elle attend, les mots résonnent. Puis un soupir s'échappe de ses naseaux en deux petits nuages de buée. Trop intriguée par ce qu'il avait à dire, elle en oublia sa méfiance et sa froideur habituelles. Elle pose enfin son regard sur lui. Pourpre ? Pourquoi pourpre ? Anka aimait le bleu elle.

Je suis désolée pour l'attente

< Rose pourpre, c'est la couleur qui vous représente, c'est celle que je vois en vous regardant. Je ne sais pas pour quelle raison, c'est la première fois que je vois quelqu'un de cette couleur. Peut-être à cause de votre mauvais caractère ? C'est le comportement et l'attitude qui vous venez d'avoir qui me fait dire ça, mais vous n'avait pas l'air bien méchante. >

Elle pince les naseaux face au franc parler du mâle. Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui balance les choses aussi directement. Cependant, il ne sourcilla pas... Il avait l'air sincère et surtout, inconscient du fait que ce genre de paroles puissent blesser. Anka ne peut pourtant pas s'empêcehr de répondre un peu sèchement. Me jugerais-tu un peu trop vite ?

< Peut-être, oui. Ce n'était que ma première impression. Il se peut que au fil de notre rencontre tu deviennes une autre couleur. Une couleur qui te correspond d'avantage. >
Il y avait des années qu'il n'avait pas parlé à quelqu'un des couleurs dans sa tête. Ce soir pour une raison qu'il ignorait il l'avait fait et il avait été intrigué par cette inconnue qui n'avait pas semblé être surprise.

Est-ce qu'elle pouvait vraiment lui en vouloir ? Anka se fiait trop souvent à sa première impression aussi, à son instinct. Elle questionne ses iris glacés. Elle aurait voulu être de leur couleur. Elle accepta pourtant le pourpre, soupirant. Et toi t'es de quelle couleur ? Si elle avait dû choisir, elle l'aurait vu jaune. Un jaune un peu agressif, un peu maladif, le jaune de la folie, de la marginalité, du peu banal.

Il ne portait d'intérêt pour personne, pourtant il ne fallut qu'une poignée de secondes pour qu'elle s'empare de son attention. De ses mots elle l'avait capturé.
Jamais une telle question ne lui avait été posée, surtout d'une façon aussi normal. Elle était déconcertante, il n'avait pas capté une once d'inquiétude ou de méfiance dans son comportement. C'était sans doute la première fois. < Bleu. >

Elle craignait plus les gestes que les mots, elle n'avait aucune raison de se montrer méfiante à son égard tant qu'il ne devenait pas agressif dans son paraître. Elle savait qu'elle pouvait se défendre face aux mots, les contrer. Puis il était intéressant, il avait piqué sa curiosité, elle voulait savoir où leur conversation allait mener. Peut-être nulle part, mais ça valait le coup d'essayer de voir. Comment fait-on pour être bleu ? Envieuse presque.

Les mots de la jument firent s'étirer un sourire sur ses lèvres. Il trouvait la question amusante. Peut-être souhait-elle devenir bleu ? Chromatic ne lui souhaitait pas de l'être un jour. < Devenir bleu ? Ce n'est pas une bonne couleur tu sais. J'espère que tu le deviendras jamais. Moi je le suis depuis toujours je crois et je ferai tout pour m'en débarasser. >

Elle repose ses yeux sur l'horizon, sans pour autant ne plus prêter attention aux mots du mâle. Elle buvait ses paroles presque. Puis elle ferme les yeux, hume l'air glacé, avant de l'expirer en deux nuages de buée. Le bleu c'est la couleur du froid. Froid qu'elle aimait, qui la réconfortait, qui lui faisait se sentir vivante,s e sentir chez elle aussi. Pourquoi ce serait une mauvaise couleur ? Ses petits yeux noirs ne se détachent pas des chaînes de montagnes.

Bleu la couleur du froid. C'était juste, mais lui ne le voyait de cette façon. < Il représente mes peurs les plus grandes, la souffrance, la part sombre de mon âme, la folie. Pour moi c'est une mauvaise couleur. Elle me hante, je ne vois qu'elle. >