🍁 Lumière violente

La dernière fois qu'elle était venue ici, elle était une très jeune enfant au duvet généreux. La chaleur avait faillit avoir raison d'elle. Bowie s'est donc difficilement armée de patience avant de pouvoir retourner dans ces terres arides. Un jour, ses fonctions l'emmèneront peut-être à franchir ces frontières par delà lesquelles s'étend le désert.

Il est définitivement plus agréable de voyager ici sans duvet juvénile. La chaleur reste tout de même ce qu'elle supporte le moins. Son poil épais, dû aux froideurs du nord, ne lui permettra jamais de vivre dans un territoire chaud. Au trot, elle se dirige vers un peu d'ombrage...une silhouette très massive, à l'abri d'un arbre, attire son attention. Sans plus de manière, elle s'en va le rejoindre.

Bowie est intriguée par cet étalon monumental, il a même l’air plus costaud que Biche. Arrivée à sa hauteur, elle n’ose pas trop l’approcher et tend l’encolure pour aller le renifler. Il sent…quel territoire déjà ? Les Brumes, oui, ça doit être ça !

Rapidement et avec une certaine crainte naissante, elle constate qu’il n’a pas l’air en bonne santé. Son poil est tout collé de sueur, ses tempes ruissèlent et la faiblesse se lit dans son attitude. Un grand gaillard comme ça peut aussi se montrer la proie du Soleil ? Démunie, elle tend subitement l’oreille en l’entendant articuler douloureusement un mot presque inaudible. Elle lâche des bribes de hennissements inquiets, les sabots claquant dans une chorégraphie indécise. « Ne… » Elle inspire pour reprendre contenance « Ne parlez pas Monsieur, je vais vous aider. » Du moins, c’est ce qu’elle aimerait faire.

« Non, faut pas que vous bougiez ! » L’avertit-t-elle en appuyant ses naseaux sur l’encolure du colosse pour qu’il comprenne et reste allongé. La veille, la pluie est tombée non loin de là ; Elle a une idée. « Je reviens très vite ! » Aussitôt dit, aussitôt partie.

Malgré une chaleur certaine, très désagréable pour une nordique, elle tente de l’ignorer pour rapidement trouver ce qu’elle cherche. Il ne lui faut pas dix minutes pour trouver ce qu’elle cherche ; une flaque d’eau, relativement à l’ombre d’un dragonnier. L’adolescente décoche un coup de sabot dans l’arbre pour en arracher un large morceau d’écorce puis le trempe dans l’eau pour qu’elle s’en imbibe. A l’aide de la coque d’un fruit, elle prend une autre dose pour désaltérer le grand mâle.

Sans perdre plus de temps, elle retourne auprès de l’étalon souffrant. « Ca va vous faire du bien… » Annonce-t-elle doucement bien qu’à bout de souffle. Délicatement, elle dépose sur son front le morceau d’écorce imprégnée d’eau fraîche. Elle décide de le faire boire et le stimule en versant un filet d’eau sur la commissure de ses lèvres. « Il faut boire un peu, vous reprendrez des forces plus rapidement. »

Un large sourire anime maintenant son visage. L’étalon revient peu à peu à lui, il doit être complètement déshydraté. Pas question de rentrer tout de suite, il faut d’abord qu’il reprenne des forces. « Est-ce que vous voulez encore boire ? » Souffle-t-elle pour éviter de la vriller le crâne en parlant trop fort. L’ado replace correctement le morceau d’écorce humidifié qui avait légèrement glissé sur le front du massif cheval.

« D’accord ! » Elle détale, il faut ramener de l’eau. En route, le hasard a placé une large coque de fruit dont elle se sert pour collecter le liquide frais dans la flaque qu’elle avait trouvé un peu plus tôt.

En revenant près du grand étalon, elle ronfle des naseaux, son récipient précieusement tenu entre les dents. Près du massif cheval, elle dépose l’eau et le presse de quelques coups de museau. « Faut boire tant que c’est encore frais. »

Elle est soulagée de le voir reprendre peu à peu ses esprits. "Je m'appelle Bowie, je viens du Nord"