Archétype

Farouk s'était aventurée ici pour parer l'ennui. Les seuls bruits alentours étaient les lointains bruits de pas d'équidés et la résonance d'un courant d'air. La jeune blanche s'était arrêtée, prise d'un intérêt léger pour les fresques murales.

Quand Red se terre ici, au contraire de la grise, c'est pour embrasser l'ennui. La solitude, l'obscurité, le silence la plupart du temps ; l'absence de perturbations. Voilà qu'après un long moment passé sous terre, il entreprend de retrouver le plein air pour se sustenter. C'est un problème qu'il n'a pas encore résolu : rester dans les souterrains dans mourir de faim Mais nul doute qu'il trouvera un jour de quoi survivre sans plus dépendre de la surface.
Voilà le buckskin arpentant les abords d'une entrée des plus connues, un peu par hasard, un peu par erreur. Il préfère découvrir des entrées (sorties) plus secrètes en général. Mais apaisé par sa solitude récente, il n'est pas dérangé par l'éventualité de croiser du monde. Et au détour d'un coude, face à une série de fresques, voilà bel et bien quelqu'un. Red ralentit, jaugeant l'inconnue. Il ne parle pas mais la soupèse d'un regard un peu curieux, inquisiteur.

Farouk ne l'a pas remarqué. Elle se contente de pousser un léger soupire accompagné d'un bâillement et fixe la paroi, encore et toujours.

Hum. Indifférente. Ou alors elle est trop à l'ouest pour le capter ? Elle n'a pas l'air très vive d'esprit, vu son comportement flegmatique. Il arrive jusqu'à elle et s'arrête car elle bloque le passage. " Pardon "

Ah, quelqu'un. Elle lève sur lui un regard interrogateur. Non pas qu'elle ne peut pas comprendre quelle doit se pousser, mais disons, elle s'en fiche qu'il veut passer. Elle se fiche d'être au milieu du passage. Il a qu'à passer ailleurs, tiens. La blanche reste obstinément à sa place et soutient le regard de l'étalon, de son lointain, très lointain cousin.

Il attend. Patiemment. Quelques secondes. Ah, voilà : toute sa patience est maintenant consumée. Il va pouvoir faire sans. Son visage s'assombrit d'un coup. " Si tu préfères que je te passes dessus on peut arranger ça. "

Oula, et sa galanterie, elle est passée où ? Elle retient un sourire et demeure indifférente. La blanche lève les yeux au ciel. Eh, tu peux passer ailleurs aussi. Rétorque-t-elle, comme si il l'ennuyait, pas du tout impressionnée par les menaces. Ayant grandit entourée de jeunes étalons, ces derniers ne l'impressionnent pas.

" Et toi tu peux fermer ta gueule " gronde-t-il en plaquant rageusement la tête de l'impertinente contre la fresque, mordant sa peau blanche. (enfin, sauf si elle esquive, you are free ) C'est tellement bête. Il était d'une rare bonne humeur ; et elle a tout gâché.

Et toi ne pas l'ouvrir. Et vlam. Elle ne l'a pas vu venir. Mais les coups, la bagarre, ça, elle connait aussi. Faute de ne pas avoir la stature qui lui permet de se faire une place, elle est tout de même résistante et habituée à s'en ramasser. Farouk se dégage et chope ses naseaux entre ses dents. Quelques égratignures saignent légèrement sur son chanfrein et sa ganache. T'as fini de jouer les durs ouais ? S'agace-t-elle, ses oreilles nacrées planquées sous sa crinière. Elle sait pertinemment et malgré tout que, bien qu'elle soit désavantagée de taille et de musculation face à lui, cela devient un avantage dans un lieu si étroit.

Il n'a pas voulu frapper fort. Mais elle saigne. Il s'apprête à s'en vouloir, sauf qu'elle se défend, et que l'énervement subsiste à la place. Red se dégage à son tour, sans riposter physiquement, et la surveille d'un regard mauvais. " J'aurai bien aimé. Mais ya une ptite bouffonne qui fait la forte tête au lieu de gentiment laisser passer les gens. " Il y a la place. Il ne manque que la volonté.

Je suis occupée, t'as qu'à passer ailleurs. Ben oui elle aurait très bien pu être archéologue et déchiffrer ces signes compliqués, tiens ! T'as pas vu que j'étais concentrée ? Bah vas-y maintenant tant que t'y es. Elle se décale, mécontente.

Tss. Rien qu'une pimbêche nombriliste. Lui aussi aime les fresques. Mais cela n'a aucun rapport avec son comportement. Le visage de Red s'assombrit, se ferme. Il n'a plus envie de gaspiller des mots sur elle, de perdre plus de temps. Rester ici plus longtemps ne fait qu'augmenter le risque de croiser d'autres personnes ; et bizarrement, il n'est plus très motivé maintenant.
Il se sent las en réalité, presque triste. Tout n'est qu'échec en société. Encore un. Il ne regrette pas son choix de vie... Sa décision de disparaître. Ou presque. Le buckskin ne répond pas, et la dépasse, sans plus un regard.

Il lui passe à côté. Cette proximité avec un inconnu l'a fait légèrement tressaillir. Elle rabat un instant ses oreilles. Mais c'est pas comme ça qu'on lui a appris les rapports sociaux à elle. Enfin, en pratique, si. Mais pas en théorie. En théorie il faut être polie. Si elle ne se fait pas d'alliés, ils pourraient venir la reprendre, elle se ferait trahir dès qu'ils seraient ici. S'ils viennent, tout du moins. Farouk soupire. Désolée.

Lui aussi tressaille quand il la frôle. Il pensait que ce serait là son dernier souvenir d'elle, mais... non. Elle soupire, et s'excuse. Red ralentit, hésitant. Il ne s'attendait pas vraiment à un revirement, après une attitude pareille. Il s'arrête, reste un instant silencieux. Puis décide de mettre sa colère de côté. C'est... comme un entraînement. " ... Pour avoir été exécrable, ou pour être assez grosse pour boucher un couloir ? ¬¬ " répond-il finalement par dessus son épaule en choisissant un ton humoristique. En vrai, elle est toute keus. Un peu trop peut-être. Il se surprend à se demander si elle mange à sa faim.

Pour mon humeur. Elle lui jette un coup d’œil légèrement surpris, avant de se réfugier à nouveau derrière une attitude blasée. T'es plus gros que moi. Rétorque-t-elle sans intonation, comme un simple constat. Ce qui en est un, d'ailleurs. Elle attendit un instant, puis sembla se rappeler quelque chose. Elle offrit ses égratignures faciales sanguinolentes à la vue de l'étalon, mine de rien. Il avait qu'à comprendre tout seul que lui, il s'était pas excusé. Et sinon, tant pis.