roaming dog

Et la lionne, elle, a bien grandi aussi. Loin de ses formes enfantines et frêles, la Nordique a grandi. Ses muscles hérités de ses géniteurs se sont développés avec élégance. Son pas est assuré et prestigieux. Sur son encolure cramoisie, ses crins blonds étincelants se dandinent au sommet.
Elle déambule la nuit, funambule infinie. Les étoiles dansent dans l'eau, le ciel est d'ombre. La princesse laisse les lasers de ses yeux caresser l'orée de l'océan.

Elle marche vers lui, elle aussi. Elle l'a vu, enfin.
Ses pas sont souples, ses pas sont roi et enfant à la fois. Sa conscience est aux aguets, sur la défensive d'un savoir à acquérir. Un savoir féroce. Un savoir précieux. Ses iris d'ébène scrutent les mouvements du jeune mâle. Peut-être un peu moins jeune qu'elle. Peu importe ; l'âge n'est que fiction.
Elle s'arrête à quelques mètres, le dévisageant avec cette indifférence précoce et subtile. Elle le regarde, simplement, sans jamais laisser filtrer aucune émotion dans ses prunelles vacillantes.

Terre, eau et ciel entourent l'être ; mais elle est feu. Elle est flammes, elle est bloc de glace en fusion. Elle est douce contradictoire. Elle est insolente évidence. Il est comme une réponse. Comme une solution.
Elle s'arrête devant lui, sans un mot.

Elle le voit vaciller contre l'arbre, chercher en son appui une force mystique et prestigieuse. Elle reste droite, n'ayant jamais eu droit à aucun soutien pour l'aider à tenir debout. Ses iris se fondent lentement dans les prunelles mouvantes du bai. Sa voix la titille, elle lui rappelle quelque chose ; elle ne trouve pas quoi. « Seulement si tu me dis le tien. » Elle se déplace, gracieuse, féline ; on croirait à une lionne, une tigresse, un lynx peut-être. Mais elle n'est que jeune jument. « Lövojka. » souffle-t-elle dans un murmure suspendu qui ne tombe pas au sol, restant là dans l'air autour d'eux, comme une respiration retenue.

Elle est prédateur. Elle est son propre loup, son propre lion, son propre chasseur. Chasseuse de vie, chasseuse du soleil et de la glace. Chasseuse et proie confondues. « Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés. » Elle ne répond pas vraiment à sa question ; ça n'a aucune importance. Elle se souvient d'un enfant du désert, d'un enfant insolent, de l'agacement frustrante d'une rencontre étrange. De deux enfants rois qui n'étaient que poussières.

En effet. C'était bien lui. Si Lov en doutait, maintenant c'est clair pour elle et sa mémoire translucide qui n'oublie aucun visage ni aucune voix. Pourtant visage et voix ont changé depuis la dernière fois. Le temps oeuvre. Ils sont jeunes; bientôt ils seront vieux. Poursuivis par le temps. Par les âges. Elle hoche simplement la tête. « Il ne tombe pas de pluie pareille, au désert. » Elle a ses grands iris sombres plongés dans les siens. Pour le lire ou pour l'inviter à la lire, elle.
Mais qu'y a-t-il à lire dans un gouffre abandonné ?

Pourquoi le passé ?
Elle vit encore. Elle vit pour toujours. « Dans la glace. » Sa voix est de flammes, pourtant. Son corps aussi. Seul son coeur semble s'être épris du glacial.