Kickstart (Dominante)

La grise ne vit pas la jument approcher. Le bruit des sabots sur les rochers lui fit faire volte-face soudainement. Heu ... Bonjour, répondit-elle doucement, intimidée. Le bruit des chutes couvrait pratiquement sa voix. Immergée jusqu'aux genoux, elle n'en menait pas large. Elle mit quelques secondes à se reprendre puis, plus guillerette, lança : Je suis Joséphine, et vous ? Elle se rappelait vaguement de sa mère lui intimant de ne pas parler aux inconnus, mais il y avait surement prescription, sinon elle n'aurait plus pu parler à personne depuis qu'elle avait perdu le troupeau, des semaines plus tôt.

Joséphine sortit rapidement de l'eau, rejoignant la grise sur la terre ferme, quelque peu impressionnée par sa prestance. Alors c'était la dominante de ces terres ? Son troupeau natal avait été nomade depuis toujours et elle n'avait jamais connu que cela. Peut-elle n'était-elle pas supposée se trouver là ? Oh,
désolée, je ne savais pas que j'étais sur vos terres. s'excusa-t-elle. Elle réfléchit un instant à la question de la dominante. Non, je ne suis pas perdue. Enfin, si, je ne sais pas où est mon troupeau,
mais ça fait plusieurs semaines maintenant que je cherche. Je suivais l'eau. Elle se demandait si elle ne devrait pas arrêter de chercher. Pas qu'elle abonnait tout espoir de revoir son troupeau, mais elle avait espoir qu'en s'arrêtant ici, son troupeau, nomade, finirait par croiser sa route un jour. Et puis, elle n'en pouvait plus d'avaler kilomètre après kilomètre.

La jeune grise leva les yeux vers la dominante. Aucun, je ne suis pas d'ici. Je suis perdue. répondit-elle, embêtée. Je suis toute seule, mais je me débrouille quand même bien. C'est vrai qu'elle ne s'en sortait pas si mal pour une pouliche solitaire. Déjà, elle était toujours en vie et c'était un bon point.

Elle soupira. Son euphorie face à la cascade et au paysage magnifique avait laissé place à une lassitude et un peu de désespoir. Elle en avait marre de suivre ce stupide cours d'eau, marre d'essayer de retrouver son troupeau dont elle ne faisait surement que de s'en éloigner un peu plus chaque jour. Personne ne l'avait vu et elle commençait sérieusement à douter qu'elle en reverrait un jour la trace elle-même. J'en ai marre de voyager toute seule, avoua-t-elle, j'voudrais bien rester ici un peu. Elle fit les yeux doux à la dominante, espérant son accord.

La pouliche sourit, heureuse. Même si ce n'était pas la sienne, elle venait de trouver une nouvelle maison pour elle-même et, avec un peu de temps, elle n'avait aucun doute qu'elle se sentirait chez elle. Elle n'abandonnait pas l'idée de repartir un jour à la recherche de son troupeau d'origine, mais en attendant, elle comptait bien profiter des terres pour se poser un moment. Merci, répondit-elle, sourire aux lèvres. Elle se sentait soudain plus légère.