there's been a slaughter here

Ses sabots résonnent sur la muraille dans un drôle bruit de ferraille, la distrayant de ses pensées interrogatives, et l'agaçant sensiblement. Redressant son encolure rendue douloureuse par son inclinaison vers le sol - trop fréquente, ces temps-ci - , son regard chocolat se porta sur les alentours et la forêt en contre bas. Un nuage de feuilles verdoyantes s'étendaient autour d'elle, l'enveloppant dans une aura émeraude, et elle se surprit à sourire, inspirant profondément des giboulées d'air frais. En ce temps estival, il était bien plus appréciable de se balader dans les hauteurs, toujours balayées par le mistral.

L'envie de fermer les yeux la prend, et marcher dangereusement en longeant le bord, seule portée par son instinct et ses sens... Mais Luce n'est pas si brave, et les rares fois où elle s'était laissée tentée par le jeu du danger le lui avait bien fait payer. Alors elle rouvre les yeux, et s'arrête un instant, s'approchant du bord prudemment pour observer la mer de verdure à ses pieds. A cet instant précis, elle aimerait être un oiseau. Un petit moineau qui plongerait la tête la première dans l'eau de jade sans craindre de mourir écrasé sur le sol ingrat.

Poitrail appuyé contre le rempart granuleux, la princesse des glaces - mais le froid la sied si mal, et ce nom aussi - n'entend pas l'inconnu s'approcher. C'est sa voix grave qui la fait tressaillir, et Luce toujours aussi effarouchée tourne un regard paniqué vers lui, les muscles de son corps se bandant en un seul sursaut. Elle détaille rapidement et avidement les traits de son interlocuteur, analysant chacun des creux de son corps pour apercevoir une quelconque menace. Mais il est tranquille. Plus tranquille qu'elle. Pourquoi faire ? répond-elle abruptement, seuls ses derniers mots lui restant en mémoire.

Ses mots la paralysent, et sa voix aussi, qui l'enveloppe dans un cocon rassurant - et pourtant ses muscles se tendent davantage sous sa peau brune tandis qu'il s'approche d'elle, penchant sa tête pour se retrouver à hauteur de ses yeux. Elle cligne les siens, tentant de se concentrer sur ses iris à lui, mais le contact visuel est trop direct pour qu'elle s'y sente à l'aise. Elle recula en grimaçant, plissant ses naseaux veloutés. Il la regardait, tentant de percer son air captivé par les alentours. Il aurait voulu s'emparer de son secret, il aurait voulu qu'elle lui partage ses impressions, qu'elle se révèle et se livre à lui, pour qu'elle lui appartienne ? Elle s'exhorta à la raison. Elle allait trop loin. Oh ... finit-elle par répondre, oh ... oui je ... c'est euh, étrange ? Elle l'interrogea du regard, cherchant ses mots. J'imaginais ça comme une mer végétale, fit-elle en pointant les arbres de son museau, haussant les épaules.

Mais Luce est une biche effarouchée, et chaque personne semblant un tant soit peu confiante en elle lui fout la frousse. Peut-être parce qu'elle sent que ces individus là peuvent faire d'elle n'importe quoi. Elle esquissa un sourire lorsqu'il continua sa description, mais garda son attention focalisée sur lui, et son visage si racé. Akan... tu viens du Sud ? Je m'appelle Luce, fit-elle en grimaçant. Son nom sonnait si bizarrement dans sa bouche. Peut-être parce qu'elle ne s'était pas présentée depuis bien longtemps.