guerilla

La brise du soir agite les centaines de lampions aux arbres, jaunes et scintillants feu follets, étoiles suaves. Le jeune solitaire erre parmi elles, à l'aune d'un comète sauvage, foulant l'herbe courte et douce. Il ne pense plus qu'à sa rébellion. Il sent, quelque part au fond de lui, que quelque chose va changer, ici. Et il veut faire partie du trip, il veut changer ce qu'il se passe ici, lutter, toujours. Il n'est pas là pour devenir le chef, non, un chef, ça ne sert à rien, ici. Ailleurs peut-être, mais pas ici, c'est comme ça. Il veut juste changer les choses, briser l'ordre établi, casser les racines enfouies dans les mémoires. Se greffer aux mémoires, pour vivre à tout jamais, jeune, beau, immortel. Éphémère, mais immortel.

Akan se retourne.

L'insurgé accueille Redjim avec un petit rictus supérieur. Tiens, c'est le frère de Lövojka. Ça lui fait probablement plus de chance de les enrôler tous les deux, et peut-être même plus ... Laquelle? Il lui répond avec un ton moqueur, le regard méchant. La mauvaise foi de Red lui est restée dans la gorge, depuis la dernière fois, et il a besoin de se venger un peu, de l'agacer.

Akan soupire, un peu blasé. Il s'interroge sur la question de Redjim. Soit c'est Lövojka qui l'a envoyé, et dans ce cas elle baisse intensément dans l'estime de l'anarchiste, soit l'individu devant lui surveille la vie sexuelle de ses sœurs, ce qui est possible, vu la réponse de l'étalon des Sables. Et dans ce cas, c'est vraiment obscène. Akan est dégoûté. La famille, ce n'est qu'un ensemble de chaînes clouant l'individu au sol jusqu'à ce que celui-ci réussisse à les briser. Le jeune rebelle pince les naseaux.
Je lui ai déjà dit de se démerder avec, si c'est ce que tu veux savoir. J'en veux pas, de son gosse. Dans ses yeux, une lueur de défi crépite. Qu'il essaie de contester ses paroles.

Elle est d'accord. Elle l'a presque suppliée, même. De toute façon, jamais il n'aura assez de place dans sa pensée pour un enfant, c'est trop, c'est trop pour un passionné comme lui. C'est tout ce que tu voulais savoir, ou bien on peut parler de choses plus importantes? dit-il, toujours avec le même rictus provocant. Il va défier l'ordre établi sur des générations, il n'a pas le temps de se questionner sur son éthique au sujet de l'enfant. Il sait qu'il ne devrait pas réagir de cette façon, mais il ne peut envisager d'autre solution.

Gagné. Il ne lui a pas donné l'entière vérité, mais ce n'est pas son problème, et le frère de Lövojka n'a pas à mettre son nez dans ses affaires. Le regard d'Akan se durcit, quand Redjim parle. Ses muscles se tendent légèrement sous sa peau, et il serre subrepticement les mâchoires. T'as pas intérêt à me lâcher, prévient l'insurgé. Malgré son instabilité, Akan est toujours loyal à ceux qui s'engagent avec lui, et il ne saurait garder sa colère en lui si on venait à le trahir.

La colère et l'angoisse de se retrouver seul et trahi commencent doucement à crépiter dans son estomac et dans ses poumons. Akan continue à regarder l'étalon, méfiant et sceptique, les dents toujours aussi serrées. Il inspire faiblement. Raconte-moi. J'espère que tu me l'as pas faite à l'envers. Quoi, il a d'autres intérêts que la plus grande révolution qui ait eu lieu au sein de ce peuple?

Ça lui tombe comme un poignard dans le dos, et il retient avec peine un hoquet de douleur et de surprise. Ses yeux sont vrillés dans ceux du mâle, pleins de colère et de stupéfaction. Il l'a vraiment fait? Il a vraiment été baiser une dominante? Il s'est uni avec l'autorité? Le flux de fureur et de désespoir qui se déverse en lui est tellement important qu'il opprime ses poumons et sa gorge, il a du mal à respirer. T'as baisé une dominante? Il arrive enfin à parler. Elle est oscillante, pour l'instant, mais le barrage de ses mots ne tardera pas à se briser, et la colère inondera bientôt son cerveau et ses paroles. Tu baises une dominante et tu veux faire la révolution? Ses oreilles se sont plaquées contre sa tête, et il fusille le mâle du regard. Et tu comptes faire quoi, en me disant ça? Lâcher notre projet pour ton bâtard de gosse? Il sent ses muscles se nouer douloureusement sous sa peau, crispés à s'en déchirer. Et les mots fusent, avant même qu'il ait le temps de les choisir soigneusement, comme il le fait d'habitude. C'est la colère, c'est l'injustice, il a du mal à réfléchir correctement, parce qu'il a l'impression d'être écrasé sous un poids énorme. Mais sérieusement, tu baises avec une pute que tu vas combattre, toi? J'espère que tu lui as rien dit. Putain mais je te fais confiance comment, moi, maintenant? Il se détourne, meurtri et enragé, la fureur juste au bord des lèvres, qui lui noue la trachée.