angels & sailors

(je peux ? )

Elle se promène sur le sable gris comme un félin. Comme un prédateur. Rien ne les arrêtera, elle en est sûre. Rien ne peut l'arrêter, elle, puisqu'elle est indomptable. Puisqu'elle est invincible. Elle suit l'odeur d'Akan depuis une bonne heure peut-être. Sans se montrer, sans chercher à se rapprocher, à distance, comme une espionne. Comme une amante. Comme tout et rien à la fois.

Serpent et lion. Proie et prédateur, deux rôles contraires et pourtant complémentaires. Deux rôles qu'ils s'échangent, se prêtent, se volent. Elle est découverte mais ça ne la dérange pas. En effet, elle ne cherchait pas à se cacher. Elle continue de s'approcher, de sa démarche royale et féline, silencieuse et lourde, de ces foulées qui n'appartiennent qu'à elle. Elle ne sait pas faire reptilien comme lui. Comme il ne sait peut-être pas faire félin comme elle. Feu et glace qui tendent leurs bras crochus l'un vers l'autre. Donne-moi la main, Akan. Donne-la moi et je l'embrasserai aussi fort que je la mordrai. Parce qu'on ne sait faire que ça. Se mordre toujours plus fort pour s'attacher à ne plus pouvoir se dénouer l'un de l'autre. Elle avance et enfin, ils sont là, l'un face à l'autre. Mais la lionne ne s'arrête pas et le contourne, pour se mettre contre son flanc, sa tête à sa croupe, inversée par rapport à lui. Elle a retrouvé son sourire viscéral, vicieux et malicieux. Elle ne le regarde pas, pourtant. Elle guigne son corps, s'en délecte, se l'approprie. Parce qu'il est sien et qu'elle est sienne, même s'ils ne l'avoueront jamais, même si ça ne sera jamais vrai comme pour les autres. Ils ont leur propre définition de l'attachement – plutôt de la possession charnelle. « On dirait que tu m'attendais. » murmure-t-elle doucement, sa voix se mêlant étrangement bien aux son des vagues lourdes revenant se jeter sur la berge. Elle hume son parfum, se le rappelle, s'en électrise.

Ils se ressemblent pour ça. Cette part d'ombre qu'ils gardent sous le voile. Qu'ils gardent en eux, la montrant à peine pour savoir qu'elle existe, sans jamais laisser personne entrer dans le tunnel. Pour attirer à eux, justement. L'inconnu inspire, attire, amuse et détient. Elle secoue sa crinière blonde, revient se mettre contre lui après avoir changé de sens. Ses yeux perçants se rivent dans les siens, de côté, alors que sa tête n'est qu'à quelques centimètres de la sienne. « Beaucoup de choses, moi aussi. » fait-elle sans rien dévoiler, donnant une réponse vide et pourtant pertinente – comme la sienne. Elle esquisse un demi-sourire, amusée et satisfaite de le croiser ici, seule à seul. Parce qu'ils se connaissent des moments qu'ils ne partageront jamais.