silver

Un brouillard épais caressait la surface du lac lunaire. Anka était sur la plage de galets de l'île solitaire, sa robe se fondait dans les camaïeux de gris, de verts et de bleus du paysage. Ses yeux fixaient ce qu'elle pouvait déceler de l'horizon, l'eau du lac venant lécher ses sabots en de timides clapotis.

Mais le silence était tel que, n'importe quel bruissement de feuilles suspect se faisait remarquer. Alors Anka tourne vivement la tête et aperçoit un étalon pie déboucher du tunnel. Ses oreilles pivotent en avant et ses naseaux se dilatent, elle hume l'air humide chargé de son odeur. Inconnu au bataillon. Alors comme à son habitude, elle se referme comme une huître, son regard se vide, ses oreilles virent vers l'arrière, méfiante.

Ses naseaux ronflent très légèrement. Si Anka était plutôt méfiante de nature, elle l'était encore plus depuis qu'elle allait donner la vie. Mais le sourire chaleureux du mâle la fait se détendre un peu, et ses épaules jusqu'alors crispées se relâchent. Il avait l'air sincère. Ses oreilles reprennent ne position normale, et elle l'interroge du regard. Perspicace. Sa voix raisonne dans le silence de mort qui régnait sur le lieu. N'avait-elle pas raison de l'être, avec les temps qui courent ?

Elle voit son regard qui court un bref instant sur ses courbes maternelles. Anka se racle la gorge et détourne les yeux, presque gênée. Pas par rapport à lui, mais par rapport à elle. Il venait de lui rappeler sa condition future maintenant, sa condition de mère. Et Anka, elle ne voulait pas vraiment de ça. Le nom du pie brise le silence, et elle repose ses yeux sur lui. J'imagine qu'on te donne pas ce nom pour rien, et j'en déduis que tu m'suivais pas. Parano elle ? Une brise légère se lève, le toupet de la grise dévoile un peu plus son regard charbon et humide, et sa voix accompagna le vent : moi c'est Anka.

Le brouillard se lève peu à peu, et l'atmosphère mystique et presque irréelle se lève avec lui. Anka avait l'impression de se réveiller pour de bon, l'imaginaire et les rêves de coton s'estompent. Un rayon de soleil perça même les nuages, venant réchauffer les terres désolées de Galop Sauvage. Je sais pas, qu'elle répond finalement dans un soupir. Disons que la plupart des gens sont mal-intentionnés maintenant. Elle repense à sa rencontre avec Aaren, et à l'avenir du bébé qui était maintenant tout tracé, hélas. Et elle, elle pourrait rien y faire. Elle était seule. T'es pas un paria ? sait-on jamais, mieux valait être franc tout de suite.

Sa bouche se pince. Je sais bien. Mais qu'est-ce que j'peux faire hein ? De toute façon il était déjà trop tard, le bébé serait enlevé par Aaren et élevé loin d'elle. Son regard se vide, et elle shoot dans un petit galet qui fait un bruit timide au contact de la surface du lac, pour finir englouti.

Il avait deviné. Son regard se pose à nouveau sur le pie, elle essaye d'y effacer la détresse tant bien que mal. Anka acquiesce dans un faible hochement de tête. Il pouvait savoir, ça changerait rien de toute façon. Ca va aller. Son ton se veut neutre. Mais au fond, c'était un peu pour se rassurer elle-même.

Elle hoche la tête, timidement. Depuis que Lex était parti, elle avait plus personne ici. Son monde s'en était allé avec lui. Mais elle avait pas envie qu'on s'apitoie sur son sort. Elle voulait rester forte, et même si elle l'était plus vraiment, elle voulait au moins le rester aux yeux des gens. T'as des enfants toi ?