Le retour de la corneille

Sa première pensée lorsqu'elle aperçue les collines familière de Galop Sauvage fut pour sa seule amie, Enja. Comprendrait-elle? Comprendrait-elle l'appel qu'avait reçue la noire et qui lui avait fait quitter les lieux si longtemps? Peut-être, si Tehya lui expliquait. Si elle lui expliquait à qu'elle point son escale l'avait grandir et lui avait ouvert l'esprit.

Pourtant, même si sa première pensée fut pour Enja, la guérisseuse ne chercha pas immédiatement à la rencontrer. Après ce grand voyage, il lui semblait tout bonnement naturel de passer en premier lieu par le cimetière.

Tehya savait maintenant qu'après la mort, il y avait la vie. Le chaman le lui avait appris. Chaque être vivant était un esprit. Une fois le corps mort, l'esprit était libéré et pouvait rejoindre les autres esprits où il vivait dans la paix pour l'éternité. Si on entretenait de bonnes relations avec ces esprits, ils pouvaient même vous aider.

On peut donc dire que Tehya tentait de nouer des liens avec les anciens habitants de Galop Sauvage qui avait y avait succombé.

L'étalon noir errait dans le cimetière sans but précis, tête basse. Sa famille lui manquait cruellement. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas vu Hélivia et leur fils. Il s'inquiétait beaucoup. Et s'ils avaient disparus, encore ? Tant qu'à sa fille, il ne l'avait pas vue non plus depuis un bon bout de temps. Il soupira. S'il n'avait plus rien à protéger, cela valait-il vraiment la peine de se battre ou devait-il simplement partir loin d'ici ?

[Toujours ]

La jeune femme passait de tombe en tombe, le visage neutre. Même si elle semblait calme et sereine de l'extérieur, à l'intérieur s'était tout autre. Pendant son absence, c'est à peine si elle avait pensée aux gens qu'elle laissait derrière, mais maintenant qu'elle était revenue, les souvenirs de ses proches lui frappait en plein visage comme un train qui arrive à grande vitesse, elle se sentait submergée et une multitude d'émotions se succédaient dans son cœur au même rythme de ses souvenirs.

Son père lui revenait le plus souvent, à vrai dire, c'était probablement celui qui lui avait le plus manqué. Elle pensa à comment il l'avait accepté dans sa vie malgré les événements. Comment elle s'était sentit si comblée par la suite, et aimée. Puis eut des remords et son cœur se serra. Elle qui avait si peur de se faire abandonnée, venait de faire subir ce sort à son propre père. Une larme roula tranquillement sur sa joue. Le souvenir de Njörd était si intense qu'elle arrivait même à sentir son odeur. Ou du moins c'est ce qu'elle croyait. En vérité, son père se trouvait non loin d'elle.

Le noiraud n'avait pas envie de voir la réalité en face. La plupart de ses amis étaient aux abonnés absents, de même que la famille qu'il avait fondé ici. Et sa famille d'autrefois... Depuis longtemps disparue. Il se sentait seul.
Complètement seul.
Son regard lisait les noms inscrits sur les pierres, de peur de reconnaître ceux de ses proches. Puis, il détourna les yeux vers le sol, à nouveau. Il avançait sans vraiment se soucier de ce qui l'entourait. De ce fait, il ne s'était pas rendu compte qu'il s'approchait de plus en plus de sa fille.

Tehya finit par se rendre à l'évidence qu'elle n'imaginait pas cette effluve et qu'elle était bien réelle. Elle ravala bien vite ses larmes et regarda dans tous les sens, ses oreilles dansant sur son crâne à la recherche de la preuve que son père était bel et bien ici. Elle distinguait du bruit, mais n'arrivait pas encore à voir son père, pourtant cette odeur ne mentait pas et elle était certaine que c'était lui. Elle se risqua donc à l'interpeller. « Papa? » Elle secoua la tête, comment pourrait-il savoir qu'il s'agissait bien d'elle? Sa voix avait sûrement beaucoup changer avec la puberté. « Njörd. » Là il saurait.

Perdu dans ses pensées, il était bien loin de se douter que Tehya se trouvait plus près de lui que n'importe quel autre équidé de cette planète. Alors il continuait de marcher, zigzaguant entre les pierres tombales. Ses pas le menèrent dans l'allée où se trouvait sa fille devenue jument, jusqu'à ce que sa voix parvienne à ses oreilles. Il leva la tête et ce qu'il vit là lui donna des vertiges incontrôlables. Son coeur ne fit qu'un bond. Elle était là, en face de lui. Elle avait beaucoup grandi, mais un père n'oubliait pas son enfant. Tehya?
Sur le coup, l'espace d'un court instant, il fut tenté de la disputer comme si elle était une adolescente ayant franchit son couvre-feu. Il fut tenté de lui demander où elle était passée et de lui poser mille et une questions. Il fut tenté de lui raconter toute l'inquiétude qu'elle lui avait causé en disparaissant du jour au lendemain.
Mais les émotions qui montèrent en lui furent trop fortes et lui firent oublier tout ça. Il fit un pas hésitant vers elle, comme s'il craignait qu'elle se soit qu'une illusion, qu'un mirage qui s’évaporerait lorsqu'il tenterait d'y toucher. Mais puisqu'elle restait là, bien réelle, il s'avança encore un peu.
Ému, l'étalon semblait presque chanceler. Sa respiration s'accéléra quelque peu. Au final, il s'en voulait terriblement. Il s'en voulait de ne pas avoir su la protéger, la garder avec lui. Il s'en voulait pour pratiquement tout.

Puis, quelques secondes plus tard, le noir se retrouvait face à elle, tel un rêve. Lui n'avait pas du tout changer, mais elle, beaucoup. D'ailleurs elle lui ressemblait encore plus maintenant qu'elle avait grandit. Elle avait l'impression de voir son reflet. Son paternel semblait incertain, il s'approchait à petits pas. Alors, comme pour lui montrer qu'elle était bien réelle, Tehya trotta jusqu'à lui et frotta son encolure contre la sienne, formant ainsi une douce étreinte. À cette proximité, Tehya arrivait à comprendre la douleur de son père et, comme si elle lisait son esprit, elle le rassura. « Ça va papa, tu n'y es pour rien. Tu m'as tellement manqué. » La noire recule d'un pas et plonge son regard foncé dans celui de Njörd. Il est doux et paisible, même si on peut y voir un peu de regrets. « Je suis désolé de t'avoir blessé. » L'ébène fronce les sourcils, elle se sentait égoïste, mais ne regrettait pas d'être partie. Ce qu'elle regrettait c'était de ne pas l'avoir prévenue et de lui avoir laisser présager le pire.

Deux larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. Ce n'étaient pas des larmes de tristesse, mais plutôt le résultat de la foule d'émotions qui tourbillonnait en lui. La joie, le regret, l'impuissance et la désolation. L'ébène fit encore quelques pas vers elle avant de la serrer fort contre lui. Elle était bien grande, bien plus grande que la première fois où il l'avait enlacée ainsi. Malgré les circonstances de sa conception, l'étalon s'était grandement attaché à sa fille, son sang. Et maintenant qu'elle lui était revenue il ne voulait pas la revoir s'en aller.
Il déposa un baiser sur l'encolure de la jument qu'elle était devenue, ses larmes mouillant sa robe de jais au passage. Oui, il pleurait. Ça ne faisait pas très viril aux yeux de certains, mais cela prouvait qu'il avait un coeur et des sentiments. Et lorsqu'elle lui dit que ça allait qu'elle ne lui en voulait pas, ça le surprit qu'elle ait deviné ses pensées. Il était vrai qu'il avait eu avec elle une connexion particulière qu'il n'avait pas eue avec son fils. Comme une complicité père-fille aussi forte que le plus puissant des torrents, comme un lien que personne ne pouvait briser.
Mais il s'en voulait à lui, pas à elle. Alors lorsqu'elle lui prononça des excuses, il ne voulait rien entendre. Il secoua la tête. J'ai été un mauvais père... Si tu savais à quel point je m'en veux... souffla-t-il. Je suis désolé

L'ébène ferme les yeux. Si seulement il pouvait comprendre à quel point elle était heureuse qu'il soit dans sa vie. Jamais, jamais elle ne pourrait croire qu'il ne fut pas un bon père, même dans ses rêves les plus fous elle n'avait eu d'aussi bon paternel. « Je t'interdis de dire ça, tu es parfait. » C'était la vérité, ses défauts le rendait même encore plus parfait, c'était ce qui faisait de lui ce qu'il est et T ne voudrait jamais que ça change.

La jeune femme dépose un doux baiser sur le front de son cher père. « J'aurais dû t'expliquer, tout du moins te prévenir. Pour que tu saches que je n'étais pas en danger. » Ses yeux s'illumine alors. « Mais si tu savais... les aventures que j'ai vécu. » L'étincelle qui brillait dans ses yeux pourrait faire peur à Njörd, lui faire croire qu'elle recommencerait et partirait de nouveau.

Ses paroles lui remirent un peu de baume au coeur, parce qu'il se trouvait vraiment mauvais. Il avait l'impression d'avoir tout gâché, avec elle, avec son fils et avec Hélivia. Ils ne les avaient tous plus revus depuis longtemps et seule l'une d'entre eux lui revenait enfin. Il espérait seulement que les deux autres étaient sains et saufs et qu'il les reverrait bientôt eux aussi.
Le geste affectueux de sa fille le fit fermer les yeux pendant un bref moment tandis que ses tourments s'apaisaient. Ses joues étaient toujours humides, mais plus rien ne coulait de ses yeux brillants. Cependant, son coeur se resserre quand il voit la lueur étrange danser dans le regard de Tehya. Ne me refais plus ça, je t'en prie. Il fit une courte pause. Où étais-tu ? Et pourquoi tu es partie ? ... J'ai eu tellement peur, tu sais.

Tehya voulait le lui promettre, mais elle ne pouvais pas. Et elle avait horreur de mentir, en particulier au gens qu'elle tient dans son cœur. « Je ne sais pas. » Dit-elle franchement en appréhendant un peu la réaction de son paternel pour être franche. C'est pour cette raison qu'elle ne lui laissa pas le temps de répondre et qu'elle continua tout de suite. « Si je pars, alors tu seras prévenue et tu peux être certain que je ne serai en aucun danger. » Son regard s'illumine de nouveau. « Je ne sais pas si tu comprendra... Mais je savais que je devais partir. Vois-tu je me cherchais, je me suis demandé si je serais un jour capable de devenir une vraie bonne guérisseuse. » Elle marque une pause. « Mais cette aventure m'a beaucoup aider, elle a ouvert mon esprit et m'a redonner confiance en moi. J'ai rencontrer un chaman qui m'a beaucoup apprit. » Puis, sans même s'en rendre compte, T cherche une certaine forme d'approbation dans le regard de Njörd, après qu'elle petite fille ne voudrait pas rendre son papa fier d'elle.

Son regard prit alors une forme triste tandis qu'il fuyait celui de sa fille. Il ne voulait pas qu'elle parte de nouveau. Il voulait rattrapé le temps perdu, il voulait être là pour elle maintenant qu'elle était là. Il voulait la garder avec lui. Il ouvra le bouche, mais il fut coupé dans son élan lorsqu'elle reprit la parole. Si tu repars, je pars avec toi. dit-il avec tristesse. Puis ses yeux s'adoucirent, teinté d'une étoile brillante d'amour. Il s'en voulait de savoir qu'elle s'était sentie bien de partir. Avait-il fait quelque chose qui l'avait poussée à s'éloigner de lui ? J'aurais voulu te voir grandir. J'aurais voulu te voir apprendre et te voir évoluer. Il observa son visage. Elle était devenue grande, belle et forte. Il vint poser son front sur le sien. Je n'ai jamais douté de toi. Tu feras une excellente guérisseuse, je n'en doute pas... Il resta ainsi pendant quelques instants. Mais fais-moi plaisir et fais-toi discrète. Les temps sont durs ici et les parias n'hésiteront pas à éliminer l'espoir qu'il reste en t'empêchant d'exercer ton métier. Fais attention. lui conseilla-t-il.

Tehya sourit. À vrai dire, l'idée de partir avec son père la remplis de bonheur, même si elle savait qu'il préférerait qu'elle reste ici sur Galop Sauvage. Après tout il semblait aimer son coin de pays et ne pas vouloir le quitter. Elle mit ce bonheur de coté lorsque Njörd lui exprima son désir de la voir grandir et s'épanouir. L'ébène savait. Elle ressentait la peine de son père, mais comme toujours, elle voulait être honnête. « Je sais, mais je n'aurais pas évoluer ici. Mon destin était ailleurs, pour un certain temps... » Son destin lui dicterait-il de partir à nouveau un de ces jours? Peut-être, en fait pour être parfaitement honnête, même elle ne savait pas. Mais ce que lui dit son père ensuite la laisse perplexe. Elle fronce les sourcils. « les Parias? » Elle venait tout juste de revenir et il était donc le premier à lui parler de ces gens, mais avec le ton inquiet qu'il avait prit, Tehya savait que c'était de mauvais augure.

Un nouveau soupir s'échappa de ses naseaux cendrés. Il ne comprenait pas tout à fait ce qui l'avait poussée à partir, mais il comprenait la majorité de l'histoire. Après tout, ne lui était-ce pas arrivé, étant plus jeune ? Il espérait que rien ne l'empêcherait de rester ici, car il ne voulait pas la voir partir de nouveau. Il tenait trop à elle pour ça. Il hocha la tête. Ils sont venus, eux et leurs sbires, conquérir GS. Ils sont dangereux. Ils ont pris quelques territoires, tu les reconnaîtras à l'odeur. Mais s'il te plaît, ne cherche pas l'trouble (en bon québécois) et reste prudente. Nouveau soupir. Une guerre se prépare à cause d'eux. Mais chut, c'est un secret qu'il ne faut pas révéler aux Parias.

Tehya fit une moue dégoûtée. Elle avait une certaine intolérance envers ce genre de comportement. Mais s'il y avait effectivement guerre, la guérisseuse se dévouerait corps et âme pour aider et soigner les blessés. Elle tenterait de suivre les conseils de Njörd. Ne pas causer de vagues et se tenir tranquille pour ne pas attirer l'attention. Évidemment, elle les éviteraient le plus possible pour l'instant. « Bien sur, je serai prudente. Ont-ils déjà fait bien des victimes? » Parce qu'à connaitre leurs intentions, ils n'avaient sûrement pas été cléments envers les gsiens qu'ils avaient rencontrés.