L'eau et le feu.

« L'eau et le feu. »
Syliah & ...

Le froid mordant lui piquait la peau. De sa peau légèrement humide s'échappait une petite fumée peu opaque. Son souffle, brûlant, se transformait en une épaisse fumée blanche lorsqu'il entrait en contact avec l'air glacial de la taïga. Elle était le feu. Elle brûlait. Elle était sauvage, incontrôlable. Son regard glisse jusqu'au cours d'eau gelé, puis remonte vers le bois endormi. Une silhouette se découpe dans l'horizon. Alors Syliah reste immobile ; elle l'attend.

C'était bien Aaren qui marchait vers elle, ses muscles roulant sous sa peau dorée. Ses crins emmêlés et au volume dis-harmonieux s'élevait difficilement sous l'emprise du vent. Ses iris sombres fixent la jument vers qui il se dirige. Il est sur les terres du Nord. Il est chez lui.

Elle frissonne au contact du vent froid qui vient caresser son corps en sueur. Ses crins virevoltent au vent, cachant parfois sa vue. L'inconnu poursuit sa route, le pas décidé. De loin, elle l'observe. Ses muscles saillants roulent sous sa robe dorée. Ses crins de jais suivent difficilement le sens du vent. Il se rapproche de plus en plus. Elle sent son regard sombre sur elle. Et pourtant, elle ne bouge pas d'un centimètre. Qu'il vienne, elle l'attend.

Et c'est ce qu'il fit : s'approcher. Encore et toujours plus dangereusement, donnant l'angoissante impression qu'il n'allait pas s'arrêter. Comme si il allait passer sans même faire attention à la jument, puisque son propre regard parait vitreux tant il est figé. Et pourtant, il s'arrêta à une distance d'elle loin d'être raisonnable, loin de remplir les normes d'espace vital conventionnel. « Salut. » envoya-t-il avec un petit sourire mesquin.

Elle se tient droite, l'attendant. Ses oreilles se sont enfouies dans son épaisse crinière noire. Elle sait pertinemment les raisons de sa présence ici. « Ah, parce qu'il vous arrive d'être poli, de temps en temps ? » râle-t-elle en levant les yeux au ciel.

« C'est bien ambitieux d'essayer de parler de moi sans me connaître. » fit-il avec un fin sourire amusé. Il avait hâte de voir ce que celle-ci lui réservait. Visiblement, il allait s'en prendre plein la tronche mais cette idée ne lui déplaisait pas. Ça allait le mettre en jambes.

« Pas besoin de vous connaitre, vous êtes tous pareils. » réplique-t-elle en empruntant un air plus que suffisant. Ses prunelles vaironnes, ardentes, viennent s'accrocher dans les siennes, sombres et sans éclats. Elle n'a pas le physique d'une guerrière, c'est certain. Elle est davantage faite pour la vitesse que pour les combats. Pourtant, elle ne fuit pas. Elle ne prend pas cette option trop facile face à cette boule de muscles et de testostérone. Elle n'a pas peur. « Aller, petit chien-chien. Accomplis ton devoir, fait plaisir à ton maître ! » ricane-t-elle, un sourire narquois accroché au bord des lèvres.

Un rire à la fois moqueur et franc s'éleva de la bouche de l'entier quand elle parla. « Oh, tant de haine. » Il l'observait, conservant cette air moqueur et provocateur. Parce que Aaren n'était pas doté de sympathie. Il ne savait passer que par les nuances mesquines et cyniques de l'humour. Trop de fierté, trop d'ego peut-être. « Je n'suis pas un chien. Je suis un loup et j'n'ai pas de maître. » Mais était-elle certainement trop bête pour comprendre. Il s'attendait à de nouvelles punchlines, mais comme le naturel revenait vite au galop, il ne put s'empêcher de la mettre en garde. « Ceci dit, j'te déconseille de trop me chercher. Aujourd'hui j'suis plutôt d'bonne humeur. »

Elle meurt d'envie de rire à gorge déployée lorsqu'il répond, presque indigné, qu'il n'est pas un chien mais un loup et qu'il n'a pas de maître. Ça sonnait tellement faux... Et s'il croyait réellement en ses paroles, c'est qu'il était bien plus bête - voir naïf - qu'elle ne le pensait. « Un oméga alors. » commente-t-elle, insolente jusqu'au bout. Qu'il la roue de coups pour la faire taire. Elle savait que c'était ce qui l'attendait quoi qu'elle fasse ; qu'elle se comporte comme une proie ou bien comme une rebelle. « Alors comme ça, tu ne réponds pas aux ordres de Mukesh ? Aurais-tu plus de caractère qu'Alcantaraz ? » Elle le fixe. Ils sont si proches qu'elle peut apercevoir la fumée créée par son souffle effleurer le bout du nez du doré.

Elle commença à lui donner une furieuse envie de planter ses dents dans sa chaire lorsqu'elle évoqua une ressemblance avec Alcantaraz. Par n'importe quel moyen, il ne supportait pas qu'on puisse le comparer à ce lâche. Mais il conserva son calme. « Ni l'un, ni l'autre. » fit-il, son regard sombre demeurant accroché à celui de la noiraude. « C'est pas drôle, j'vois que t'attends que ça que j'te saute à la gorge. » Il recula d'un pas, l'air dépité, blasé, limite déçu. C'était lassant. Était-il si prévisible ? Son impulsivité ne jouait pas en sa faveur, mais il essayait d'y travailler, parce que ça pouvait compromettre ses plans. « C'est quoi ton nom ? »

Elle lève les yeux au ciel une énième fois. L'intelligence n'était visiblement pas le facteur prédominant dans le choix des parias. Ni la stratégie. Ils étaient tellement... prévisibles. On dirait des clones, ils se ressemblent tous. Des rats de laboratoire, voilà ce qu'ils étaient. « En quoi mon nom t'intéresserait-il ? » rétorque-t-elle, sceptique quant à sa demande. Et lorsqu'il recule, contrarié, elle s'avance. Elle aussi, elle peut mener la danse.

Il poussa un soupir, l'observant avec davantage de sérieux. « C'est moi ou t'as fais partie des anarchistes ? Nan parce que t'as autant de mordant et, par certains aspects, d'inconscience qu'eux. » Au final, on s'en foutait de son prénom. Aaren ne releva pas. Qu'elle ne donne pas son nom si elle le souhaitait, lui allait lui en trouver un, comme il l'avait déjà fais pour d'autre. Et ce sera certainement un nom qui lui ira mieux que le vrai.

Les anarchistes. Le sujet revenaient sans cesse sur eux, à croire qu'ils étaient le centre du monde. « Je n'appartiens à personne. » tonne Syliah. Elle n'était pas sortie d'une cage pour entrer dans une autre.

« Je vois. Une rebelle parmi les rebelles. » ricana-t-il en lui adressant un regard pétillant, pétillant d'une froide malice.

« Si tu le dis. » concède-t-elle, lasse de cette discussion sans intérêt. Elle n'était pas certaine d'entrer dans cette case, elle qui souhaitait juste zigzaguer entre les divers problèmes que portait le monde. Elle n'avait ni envie de prendre les armes, ni envie de s'opposer à qui que ce soit. Et on lui forçait la main. « Pourquoi s'attaquer aux habitants de ces terres ? Que représentent-elles pour vous, les parias ? » finit-elle par demander en glissant ses prunelles dans les siennes. Il devait bien y avoir une raison.