▴ bewitched poison

X A N D E R

Le jeune entier déambule le long d'un ruisseau dont son regard ne parvient pas à se détacher. L'eau emprunte des couleurs aux nuances étranges, clairement pas naturelles, du moins de tout ce qu'il avait pu voir avant. Mais il ne se fiait pas toujours à ce qu'il pouvait voir, ne s'y fiait pas encore totalement du moins. Ses yeux étaient encore des apprentis de ce monde, mais pas ses autres sens. L'eau dégageait une odeur pestilentielle et pourtant, cela ne faisait pas disparaitre cette sensation de sécheresse dans sa gorge et sa bouche. Depuis combien de temps n'avait-il pas pu boire ?

Il ne sursaute pas et n'essaie pas non plus de faire volte face pour ne pas se laisser approcher par derrière. Il écoute. Il est attentif à tout, tout le temps, très rares sont les moments où on peut le surprendre. L'odeur de la jument parvient à se glisser un chemin parmi les autres odeurs, bien moins douces que son parfum délicat mais affirmé. Il la reconnait avant même de l'apercevoir. Il ne connait pas l'Usine en question, il n'avait pas eut le temps de visiter l'ensemble des territoires qui semblaient avoir disparu en bonne partie, ou bien avoir été ravagés, mais quoi qu'il en soit, oui, cette eau n'était pas bonne à la consommation. Sais tu s'il reste de l'eau encore potable dans le coin ? Cette fois il pivote son visage massif vers elle. Son regard se heurte au sien, implacable et regorgeant d'une détermination qui le fit sourire. C'est ce qui lui avait plu, ce jour là dans la crypte. Cette prestance, ce roc qu'elle semblait être. Mais aujourd'hui le roc était légèrement fissuré, quelques plaies zébrant sa peau dorée, ce qui lui fait perdre son sourire. Tu as pu te faire soigner ?

X la fixe. Il arrive à trouver dans ses yeux pourtant intransigeants, une petite once de cette curiosité qu'il avait su éveiller en elle à la crypte. Mais elle n'est que légère, sur la pente descendante. Elle se montre venimeuse. Il n'aime pas ça, tourner autour du pot, les mots et les ressentis cachés. Alors il avance vers elle, l'entier lui fait pleinement face. Il la surplombe d'une bonne tête, mais ça l'amuse étrangement de se dire qu'elle pourrait lui mettre la dérouiller de sa vie quand même. Il est proche mais pas trop, respectant une certaine distance, mais il n'est pas assez loin pour ne pas sentir la fin de vie de son souffle venant effleurer sa peau. Amertume ? Rancoeur ? La nuance entre les deux est plutôt subtile. Quoi qu'il en soit, tu m'en veux pour quelque chose. Alors dis le. Sa voix n'est pas accusatrice, elle est calme et posée, curieuse même. Qu'avait-il pu faire pour la froisser ?

Il apprécie qu'elle délie sa langue sur ce qui l'avait offusqué. Il avait déjà pu observer des personnes se renfermer brusquement sur eux même et s'enfoncer dans la colère lorsqu'ils étaient mis face au problème. Dans un premier temps il est intrigué. Elle continue de s'avérer surprenante, se dévoilant quelque part où il ne l'y attendait pas, bien qu'à la fois, cela colle à l'image qu'il avait d'elle. Il avait laissé trainer ses oreilles, il avait entendu les gens parler de cette bataille pour leur liberté, pas pour le meurtre et le sang. Il se retient de sourire, craignant que cela soit mal interprété. Il n'avait pas vraiment envie qu'elle répande son sang à lui. Cependant elle ne savait pas, elle ignorait complètement qui il était, ce qu'il pouvait être. Qu'est ce qu'il pouvait bien lui dire ? J'ai eut une de ces putains de saloperies de crises en voyant ma soeur en danger et fallait que je tue quelqu'un pour me calmer, c'était lui ou l'un d'entre vous. Elle va lui rire au nez, elle n'y croira même pas. Il se sent se refermer, faire ce qu'il déteste et ce qu'il n'avait pas voulu qu'elle fasse avec lui. Alors il se fait violence pour rebondir sur ses propos. Nous ? Les autres parlent pourtant d'avoir versé du sang pour leur liberté, pas pour le meurtre en soit. Donc c'est plutôt je t'ai volé son assassinat ? Je ne m'excuserai pas de l'avoir tué. finit-il par trancher, son regard ne se dérobant à aucuns instants du sien. Mais je m'excuse si je t'ai causé du tord. Il n'en avait pas l'intention, et de toute manière intention ou pas, cela n'aurait rien changé, il n'avait pas su garder le contrôle. Ce n'était pas vraiment moi. confie t-il à demi mots. Peut être qu'il ne devrait pas, se confier à elle. Après tout, il ignore même son nom.

Il avait vu le corps qu'il avait malmené comme un chien enragé et dont il avait eut du mal à se débarrasser du sang ayant maculé sa peau... Et peut être que ce qui le dérangeait le plus dans cette histoire c'était qu'il n'éprouvait aucuns remords contrairement à d'habitude et que de se remémorer cette vision d'horreur ne lui procurait aucunes sensations d'effroi, plutôt une douce satisfaction.
Face à son sourire, il se permet enfin d'en faire autant. Il est léger et bref, un brin de malice s'y faufile avant qu'il ne meurt. Il avance un peu son visage vers le sien, ses naseaux flirtant légèrement avec la peau délicat de son nez. Ils se sont laissés berner par leurs propres mensonges, sans doute déranger par l'idée que l'appel du sang avait été plus séduisant que la simple lutte pour la liberté. Mais il faut savoir composer avec ce que l'on est vraiment. souffle t-il à l'orée de son visage. Elle, elle assumait et composait pleinement avec ce qu'elle était, et il aimait ça. Il se recule de nouveau, ses yeux courent doucement sur ce visage qu'il avait aimé explorer. Les yeux de la dorée le perce, le transperce, sans que cela ne le dérange. Il se délectait aussi de ce regard, tout aussi puissant qu'elle. Il penche légèrement la tête sur le côté. Je ne dévoile pas tout mon jeu dès la première partie.

Leurs malices se rencontrent une nouvelle fois, se heurtent l’une à l’autre sans se battre. Au contraire, elles dansent.
X entrouvre légèrement la bouche, un rictus mystérieux aux lèvres. Ses yeux quittent un instant ceux captivants de la dorée, courant une poignée de seconde sur le lit de la rivière, avant de revenir s’installer confortablement dans les siens. Apprendre ton nom.

Mais son odeur, il en déjà tout imprégné, son corps tout entier l'avait assimilé. Seulement des nuances plus entêtantes, sucrées, gourmandes, se mêlent à son parfum musqué. Ses naseaux frémissent légèrement, d'une sensibilité rare. Il était jeune mais pas né de la dernière pluie, il savait ce que cela signifiait. Il avait toujours prêté attention à s'isoler en ces périodes troublantes, mais étrangement, en cet instant, il ne voudrait se trouver nul part ailleurs. Il n'y avait pas que son visage qu'il voulait découvrir comme il l'avait fait dans la crypte, c'était son corps tout entier.
Hekâ. Il ne l'oublierait pas, il oublie rarement, voir jamais. Souvenir gravé. X. Il sait que cela peut paraitre étrange. Mais c'était le plus approprié, elle finirait par l'apprendre.
Audacieux, il colle son chanfrein dans un contact bien plus prononcé et appuyé contre ses naseaux. Ses yeux trouvent les yeux, une touche de défi mais aussi d'envie s'y glissant subtilement. Essaie. Elle comprendrait.

(merde pour ton bac !)

Elle ne lui laisse pas le temps de répondre que déjà elle part à l’assaut de son visage, mais un assaut délicat et subtile. Le contact de ses naseaux lui arrache un léger frisson, électrise sa peau sensible et réceptive. Joue t-il avec le feu ? Se pourrait-il qu’il vrille en se laissant aller ? Comment réagirait la partie sombre de son être ? Il ferme les yeux, se concentre pour faire taire ses interrogations et juste profiter de cet instant. Il avait beau laisser croire que c’était un exercice qu’il pratiquait souvent, enfin oui c’était certes le cas, mais lorsque les rôles étaient inversés. On ne l’avait encore jamais découvert ainsi. Ses lèvres prennent le relai de ses naseaux, et son souffle se modifie, plus rauque. X, comme un inconnu. confirme t’il dans un murmure tandis qu’elle continue sa progression. Il ne dévoilait que rarement, jamais, son nom entier. Car il était effectivement un inconnu, pour lui même, et pour les autres. Même lorsqu’on pensait le connaître, il y avait encore tant de choses à découvrir, dont même lui n’avait pas les réponses.
L’exploration prend fin. Il aurait aimé que ça continue. Il rouvre doucement les yeux, cherchant ceux flamboyant d’Hekâ. As tu découvert des choses ? C’était là la même question qu’elle lui avait posé.