Le doigt en l'air

B A I L E Y

La jument déambule le long de la rivière depuis quelques instants déjà, la gorge sèche, la bouche pateuse. Elle ne parvient pas à détacher son regard de cette eau, mais rien que sa couleur hurlait au monde entier sa toxicité, et ne parlons pas de l'odeur. Désemparée, elle continue sa remontée jusqu'à apercevoir une forme noire et massive un peu plus loin. Un craquement de branche sur laquelle elle marche et voilà qu'elle se retourne. Bryséis ! Bee s'élance pour franchir rapidement les derniers mètres qui les sépare et elle enlace vigoureusement son amie qu'elle n'avait pas revu depuis la bataille.

Elle aurait envie de pleurer tant se retrouver auprès d'elle était une bouffée d'oxygène dans l'étau étouffant dans lequel elle se trouvait actuellement. Elle voudrait la contredire, mais elle l'avait toujours appelé ainsi, Bee la plus forte. Elle n'était plus trop rien du tout en ce moment, le coeur lourd, de bien des façons et de bien des choses. Bailey avait besoin de tout oublié, tout, tout le monde. Juste être avec sa meilleure amie.
Comme à son habitude, Bry lui arrache quelques éclats rires. Des éclats un peu rauques, un peu maladroits aussi. Mais des éclats qui font du bien. Depuis quand n'avait-elle pas rit ? Niqué des mères ? répète t-elle, incertaine, avant de rire de nouveau. Lorsqu'elle se calme, elle prend le temps de lui répondre, y réfléchissant tout de même. Elle avait l'impression que c'était il y a 100 ans alors que quelques jours à peine s'étaient déroulés depuis tout ça. Je me suis battue contre Shree, puis contre Mukesh. Elle marque une pause. Les mots restent un peu coincée dans sa gorge, mais elle doit lui dire. Je ... euh .. Bry... C'est moi qui ait eut l'idée de l'éboulement ... Elle avait honte, elle avait des remords. Des gens étaient morts, d'autres blessés, et cela avait engendré une partie des cataclysmes.

Elle avait oublié ? Comment ? Mais cela finit par frapper Bailey. Bry avait-elle été blessé par l'éboulement ? Avait-elle des pertes de mémoire à cause d'elle ? Pourtant elle n'a pas l'air de lui en vouloir, au contraire, elle semble impressionnée, la félicite même. Mais cela ne fait que l’embarrasser d'avantage, en venant à fuir le regard de son amie en basculant ses oreilles d'un air penaud. Je ne sais pas si c'est bien Bry' ... Regarde tout ce que ça a engendré... Même toi tu as été blessé ! Je ne voulais pas tout ça ...

Bizarrement, au lieu de l'accabler d'avantage, elle arrive une fois encore à la faire rire. Un rire qui devient incontrôlable, nerveux. Un fou rire la prend, au point de l'en faire pleurer. Et lorsqu'enfin elle parvient à se calmer, à s'arrêter, elle fond en larme, incapable de lui répondre. Ascenseur émotionnel.

Bee lui est reconnaissante, profondément, bien qu'elle garde le silence. Elle se laisse entrainer par son amie, faisant volontiers quelques pas avec elle, bien qu'elle ait la drôle de sensation que ses jambes ne répondent pas vraiment à un désir de son cerveau, qu'elles se mettent à marcher machinalement, tel un robot. La dernière réplique de Bry lui arrache un sourire, avant de se moucher dans la feuille qu'elle lui tend, la jetant ensuite un peu plus loin. Je peux pas rêver mieux comme garde du corps. réplique t-elle en lui donnant un petit coup d'épaule complice. Ils sont tous entrain de former des groupes pour survivre, tu en as rejoins un toi ?

Il était vrai que Bryséis et ses frères étaient très liés. Elle faillit demander : et ton père ? Mais les relations avec ce dernier et Hooker étaient compliquées si elle se souvenait bien ? Encore des histoires de familles, décidément, ce n'était jamais de tout repos. Elle tourne la tête vers Bryséis, lui souriant doucement, faisant de son maximum pour paraitre enthousiaste malgré tout ce qui l'accablait. Car oui, elle serait vraiment heureuse d'être auprès d'elle. Mais elle pensa aussi à R, qu'elle n'avait pas vu depuis la guerre. Et puis ... Boa. Son coeur se serre. Ainsi que Picasso, que devenait-il ? Avait-il seulement survécu ? Son regard se perd un instant sur le visage de son amie avant qu'elle ne se reconnecte à l'instant présent. J'adorerai ! confie t-elle. Je pensais aussi à R. Boa aussi, peut être, s'il veut bien... Juste eux, comme avant, peut être que cela serait plus simple. Mais attention petite princesse, tu n'es toi même plus vraiment toute seule.

R les espionnait, en bonne commère qu'elle était. ¬¬
Et puis elle se décida à se montrer. « Salut ! » Elle espérait que Bee ne lui en voulait plus pour tout ce qu'il s'était passé autrefois. C'était pour ça qu'elle se montrait plus détendue avec elles.