permutations

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Voilà une semaine que le peuple venant de Galop Sauvage a levé les voiles. Plus il marche, et plus ce qui l'entoure perd la trace de la destruction. Son clan reprend petit à petit des forces, et parvient même à oublier un peu les maux du coeur et de l'esprit, et Hekâ s'en réjouit. Les jours passent et elle voit des inconnus se greffer à leur harde de voyageurs en quête d'un nouveau pays où vivre.

Le petit être en elle s'est enfin réveillé, s'agitant dans tous les sens que son abri de chair le lui permet, soulevant les entrailles de la Shaan. Le crépuscule l'accueille, mais ne l'accompagnera probablement pas dans cette épreuve floue d'incertitudes. Une mort, deux morts, aucune ? Hekâ ne peut pas mourir. Elle ne s'imagine plus morte : ce qui a fait partie de son passé ne peut infiltrer son avenir. Le futur est sans cesse nouveau, hors des chemins déjà franchis ... Son esprit divague. Elle doit se concentrer pour se laisser guider par les contractions de plus en plus féroces qui agitent son corps devenu famélique. Elle a la chance d'avoir atteint un petit bosquet où elle sera invisible et au calme. Mais elle sait que ceux de son clan sauront où la trouver. Elle serre les dents et s'allonge, pose la tête sur la mousse. Hekâ travaille sur son souffle, essaie de transposer la douleur en quelque chose de plus supportable.

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je prends

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/NYVEÈN
Elle l'a suivie, en lui laissant de l'avance. Pas pour qu'elle puisse s'installer et avoir un peu d'intimité, simplement qu'elle prenait ses distances. Après quelques minutes, elle s'avance dans le petit cocon fraîchement trouvé et s'allonge à ses côtés, neutre.

Ceresia
La disparition d'Hekâ n'est pas surprenante ; la jeune sait ce qui attend son amie. La blonde retrouve d'ailleurs, sans difficulté, sa cachette. Elle s'y dirige et s'approchant d'elle, silencieusement, lui dépose un baiser sur le front. Courage, pense-t-elle. Elle ne l'envie pas. Aucunement. Son regard jonche l'horizon, Nyveèn est là aussi. Ceresia se contente de lui adresser un regard doux, tout en restant muette. Ses perles bleues redescendent sur le corps contrit. Quelle idée d'avoir un gosse. Elle ne s'y voit pas, elle ne se sent pas la force d'avoir un gosse à élever. Elle n'imaginait même pas Hekâ maman. Ceresia se recule, laissant la future mère faire son travail et se met en charge de faire les cent pas. Tout inconnu au clan sera cordialement dégagé.

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Bien vite, les feuilles vibrent pour laisser entrer Nyveèn au visage impassible. Sous le coup de la douleur et de sa position de faiblesse, la Shaan retrousse les babines pour laisser découvrir ses dents, et la transperce de son intense regard ambré. Son alter ego n'a pas le droit d'être en colère ! Elles s'appartiennent mutuellement, mais elle ne peut pas lui imposer sa chasteté, surtout quand elle ne veut même pas lui faire goûter son corps. Elle faillit lui siffler quelques mots cinglants entre ses dents, mais se ravise quand l'akhal vient se coucher à côté d'elle. S'en suit un instant très calme, presque religieux, où Hekâ remarque les rayons impitoyables du soleil braqués sur elle. Mais elle n'a pas la force de bouger. Elle ferme les yeux, laisse son corps se contracter de plus en plus douloureusement.

Une ombre survole ses paupières, et des lèvres bienveillantes viennent se poser sur son front. La future mère ouvre aussitôt les yeux, pour croiser le regard de Ceresia qui s'éloigne pour monter la garde. Son visage s'adoucit, mais une nouvelle contraction, exceptionnellement douloureuse, la fait se tordre. Elle retient quelques râles, parce que la chaleur aui lui frappe la tête la rend mièvre et brûle son corps.

La dernière contraction est la bonne, lui faisant oublier cet autre mal qui la guette. L'effort lui coupe la respiration, et malgré ses efforts pour rester silencieuse, le cri déchirant qui s'échappe de sa gorge ne peut être contenu. Tout son corps se crispe affreusement et expulse la création sublime de ses amours avec Xander. Mais elle ne peut pas exécuter son rôle et le libérer de sa poche. Sa tête tombe au sol, et elle jure qu'elle a l'impression de prendre feu. Elle a cessé de transpirer, et elle demeure inerte, le regard vitreux et fixe. Elle voudrait se relever et partir loin d'ici, tant ce qui l'entoure l'opresse. Elle se sent menacée, tout d'un coup, elle est persuadée que Nyv et Ceresia lui veulent du mal. Elle essaie de parler, de menacer, mais rien de clair ne sort de sa bouche, la somnolence et son infâme mal de tête l'empchent d'être réellement consciente. De l'eau. Si seulement quelqu'un pouvait comprendre ce qu'elle veut dire. Eau et ombre.

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Ceresia arrive, lui dépose un baiser sur le front puis repart. Si Nyveèn se garde de porter ses lèvres aux siennes et profite de son front, ce n'est pas pour le laisser aux autres, pour en faire quelque chose de banal, là où tout le monde va et vient. Des secousses, des vibrations, transpercent de plus en plus fort la jument dorée, Nyveèn n'y est pas insensibles ni réceptive. Mais la suite des événements l'inquiète. Elle voit le bébé encore entourée de son enveloppe première, elle appelle Ceresia, viens pour le poulain d'un ton neutre, calme, pour ne pas amplifier la panique qui grandit dans son alter-ego. Le gosse, elle pourrait s'en foutre, elle pourrait le tuer, elle en a tant envie. Mais la priorité c'était - et sera toujours - Hekâ. Alors elle approche son visage du sien, essaie de comprendre les mots sans en apprendre davantage; elle ne perd pas de temps et capte les signaux du corps de l'isabelle. Elle transpirait abondamment, elle devra attendre pour l'eau, elle ne peut lui en emmener, elle ira se désaltérer seule après. Elle regarde autour d'elle, les arbres ne l'abrite pas correctement, les trous des feuilles sont trop nombreux. Elle décide de casser une branche, celle-ci retombe presque sur son alter-ego mais lui procure de l'ombre. Nyveèn reste debout, près du corps fiévreux, pour faire de l'ombre aux parties exposées encore au soleil.

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A S M U N D

Alors qu'il continue de progresser à l'écart du groupe, le grand étalon perçoit de sanglantes effluves, et d'autres légèrement familières. Il s'approche prudemment, presque trop silencieux, trop délicat. Les yeux captivant du léopard glissent d'abord le long de la dorsale de Ceresia, dans les yeux de Nyveèn jusqu'à ceux de Hekâ. Pour finir sur un sac visqueux situé à l'arrière de la jument-mère. Venant d'arriver et n'ayant pas entendu l'appel de Nyveèn, il décide d'agir sur l'instant. Le fauve passe devant les deux formes encore au sol et s'empresse de lécher l'enfant pour le libérer de son fin manteau humide.

A D A M

La puanteur. Le dégoût. C'est tout ce qu'il éprouve à l'instant même où ses mouvements deviennent plus élargis. Mais il n'est pas encore libre. Ses paupières encore collées l'une à l'autre ne lui permettent pas de voir la maudite chose qui le retient encore prisonnier. Il s'impatiente. Pourtant, il reste tout à fait immobile. A quoi bon user de ses forces? Ce n'est pas lui qui fera le sale boulot. Bientôt, la lumière qui filtre à travers le bouclier qui recouvre ses yeux se fait plus intense. Plus éblouissante. Plus désagréable. Il n'a pas envie de voir ce qui le dérange tant alors il reste là, le visage recourbé vers le sol pour s'en protéger et les yeux clos. Ses minuscules flancs se soulevant à vitesse régulière sont le seul signe que son cœur bat bel et bien.

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Hekâ se sent partir ailleurs, dans sa propre douleur. Les voix et les mouvements autour deviennent lointains, ouatés, jusqu'à disparaître. Encore un peu, et elle oublie sa place, son rôle, la situation. Des images fugaces mais fulgurantes frappent son esprit - allégories hallucinatoires de sa douleur. Des choses multiples qui gonflent, gonflent, qui changent de couleur, de forme et de texture, pour au final exploser subitement, faisant tressaillir son corps. Elle ne parvient pas à distinguer précisément ce que c'est, car ça n'existe pas en vrai. En vrai. Un éclair de lucidité la frappe, et elle se souvient qu'elle existe ailleurs. Qu'elle vient de mettre bas et que le soleil lui a donné une insolation, amplifiée par sa faiblesse. Elle vient de donner naissance à un enfant. Elle doit s'en occuper, ou bien il mourra, et Hekâ ne peut l'accepter. Elle ne ressent plus le feu du soleil, mais une douce ombre qui apaise sa tête et ses yeux. Elle doit se redresser, faire ce qu'un mère doit faire. Alors qu'elle déploie d'intenses efforts faisant siffler et crier sa tête et ses oreilles, elle atteint son enfant sans vraiment voir. Dans son élan, elle se prend une tête, celle d'Asmund, mais ne cherche pas franchement à savoir pourquoi sa tête est là. Elle empoigne le plus doucement possible le petit être pour le tirer près d'elle, et commence à le lécher énergiquement, inspirant son odeur - encore sanglante - et l'imprégnant de la sienne. Hekâ finit par se concentrer sur sa vue, et ses yeux dorés glissent donc sur Asmund, qu'elle n'a pas vu arriver, Nyveèn qui la protège du soleil, et Ceresia qui s'affaire autour. Et enfin, elle distingue clairement son fils, d'un bai profond, encore humide, qui s'éclaircit à certains endroits. Elle glisse sa tête contre la sienne, énorme et massive par rapport à lui. La jeune mère ne sait pas vraiment quoi dire ou faire par rapport à ce qu"il vient de se passer : jamais elle n'avait été aussi faible et malade, au point de ne pas pouvoir s'occuper d'elle-même.

X A N D E R

Il n’en a pas perdu un seul instant. Dès lors qu’il a vu Hekâ s’éloigner du reste du groupe et se faire suivre en silence par ses loyaux acolytes, il avait fait de même, mais était resté tapis dans l’ombre. L’akhal avait pris place derrière la future mère, en espèce de soutien moral se disait il. Une seconde jument était arrivée et avait veillé sur les deux au sol. A plusieurs reprises il faillit venir lui aussi se placer aux côtés de son amante, mais il y avait déjà de la présence autour d’elle et ne voulait pas l’accabler d’avantage dans ce moment difficile. Il prit sur lui, serra la mâchoire. Son pouls s’accéléra mais enfin, le petit être qu’abritaient jalousement ses flancs finit par pointer le bout de son nez et son corps enveloppé tomba indélicatement au sol. Sans trop qu’il ne comprenne pourquoi, une vague de fierté l’envahit, mais elle est vite remplacée par l’anxiété en ne voyant pas Hekâ réagir. L’ébène se releva et lui procura de l’ombre, le corps d’or de l’andalouse luisant au soleil. Un étalon tacheté arriva et s’occupa de délivrer l’enfant, son enfant. Que c’était étrange. Il s’éloigne.

Quelques instants plus tard, cinq minutes à peine, il réapparaît avec une poche d’eau prise dans les vivres du groupe. Ses yeux dansent sur chacun des visages présents, avant de venir se glisser sur celui de la mère qui s’occupait de son petit. X vint déposer l’eau à côté d’eux. Hekâ et lui ne s’appartenaient pas, ils étaient libres de tout, mais dès le premier instant un lien s’était tissé entre eux, inexpliqué et inexplicable. Un mélange de curiosité, de gourmandise, de découverte, de force. Il n’embrasse pas la jument, mais fait glisser ses naseaux de sa tempe jusqu’à la commissure de ses lèvres. Elle saurait. Ses yeux bleutés se heurtent au petit corps humide de son fils, leur fils. Tout comme Hekâ, il reste muet. Ce n’est pas la vue qu’il perd en cet instant, c’est le langage. Mais seulement, les mots sont ils réellement nécessaire ?

La naissance semble compliquée pour Hêka. A l'affût du moindre geste suspicieux, de la moindre forme évasive, Ceresia arrive aussitôt l'appel de Nyvéen terminé. Elle n'a pas besoin de demander ce pourquoi on l'a appelé ; elle comprend rapidement que Hêka a besoin de leur aide. Jusqu'au bout, ils seront unis, ils formeront une équipe, un clan, une famille. A la suite de la grande brune, la blonde détache à son tour une branche aux feuillages multiples. Se déboîtant la nuque à chaque à coup, elle tente péniblement d'amener un peu de fraîcheur à la jeune mère. Ses dents se serrent contre le bois qui s'use au fur et à mesure des va et vient. Elle continuera jusqu'à ce que Hêka aille mieux, ou se sente mieux. Un étalon qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam -héhé. arrive dans leur enceinte ; instinctivement elle baisse les oreilles à sa vue et se radoucit en le voyant porter une poche d'eau à son amie. Ceresia finit par stopper son lancinant manège qui lui donne le tournis. Elle observe le nouvel être qui fera certainement partie des Shaan. Un mini Shaan. Pourtant, elle ne trouve pas ça attendrissant ; du moins, pas pour l'instant, pas en cette période de voyage laborieux. "Il faut qu'il se mette debout." Ses mots sont simples mais cache une forme d'autorité et s'accompagne d'un mouvement du nez en direction du petit être. Bientôt, elle laissera sa famille pour retourner faire une ronde autour de leur cachette. Mieux vaudrait-il éviter de se coltiner des prédateurs.

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L'onyx surveille ce qu'il se passe, tout ce monde qui s'agite, une fourmilière où chacun a son rôle. C'était ironique comme situation, la voilà qui faisait de l'ombre à Hekâ au sens propre, elle qui était si souvent dans celle de la dorée. Tout se déroule dans un semblant de normalité, peu aimable avec la jeune mère cependant. Le petit est assez beau, massif, mais elle se préoccupe davantage de l'état de son alter ego. Dans cette agitation, un élément perturbateur fait son apparition. L'étalon qu'elle a connu il y a peu s'avance, avec une offrande, et prend contact avec Hekâ. Nyveèn tressaille, elle va le tuer. Ses oreilles plaquées contre sa nuque, sa tête reptilienne et ses courbes fines lui donnent l'air d'une dragonne enragée. Elle ne dit rien, mais elle ne quitte pas des yeux l'étalon de feu et de glace. Elle essaie de lui faire comprendre un message, par le biais de ses yeux de cendre chaude, en regard arctique.