/ quiet is violent.

/ LÖVOJKA

Le calme est absolu. Le calme est assourdissant.
Elle déambule comme une ombre. La nuit est tombée, tout est sombre. Tout, même elle. Ses crins clairs ne peuvent plus éclaircir les ténèbres qui l'entourent. Qui l'appâtent, comme un vulgaire animal. Ce qu'elle est. Ce qu'ils sont tous.
Quelques flocons errent, entre ciel et terre, entre nuages et mer. Elle trouve ça étrange. Elle s'immobilise prés du rivage aux dents noires, sales, menaçantes.

Elle le sent se glisser contre son flanc. Comme toujours, elle ne peut repousser un frisson timide et pourtant chaleureux qui vient ébranler sa peau comme un micro séisme. Elle ne le regarde pas. Elle a envie de lui demander comment c'était, avec son père. De lui demander s'il ne lui a pas dit tout ce qu'il y a de détestable chez elle. De lui demander s'il l'aime toujours, au moins un peu. Elle, elle l'aime. D'une manière peut-être pas très correcte, pas très loyale, pas très juste, mais cet attachement est réel et inavouable. Elle voudrait lui demander comment il va, mais c'est sous la forme d'un Tu as l'air en forme, qu'elle le fait. Elle tourne enfin la tête, abandonnant la plage obscure pour retrouver la lumière. Celle qu'il porte en lui, peut-être sans le savoir. Celle à laquelle elle s'accroche tant, dans les ombres. Seule depuis longtemps maintenant, elle s'est contentée de se trouver quelques phares dans l'océan tumultueux où elle navigue en permanence. Et X en fait partie, bien qu'elle soit trop fière ou peut-être trop intimidée pour le lui avouer. Un phare qu'elle cherche quand elle se perd en mer. Un phare qu'elle imagine, quand elle est seule dans le noir et que les démons tourbillonnent autour d'elle comme des vautours prêts à dévorer leur proie. Elle est encore si jeune ; il lui semble avoir vécu un siècle déjà. Elle renforce le contact contre son flanc, déposant sa tête massive contre l'épaule du pie. Doucement, comme apaisée par sa simple présence, elle ferme les yeux. Elle a tant de questions qu'elle veut les faire patienter, en une longue file d'attente sur un carrelage blanc, préférant d'abord se prélasser sur les rivages de son odeur, de son corps, de son âme. Tu m'as manqué. 

(ta signature est d'une beauté ...  )

Cette cuirasse, Lov l'a acceptée. Jamais elle n'a tenté de la percer, au contraire, elle s'est contentée de la caresser, de la choyer, de la prendre comme une partie de lui. Ses barrières à elle aussi sont épaisses, forgées depuis sa naissance, endurcies par les épreuves qui n'ont pas cessé, comme pour lui, de pleuvoir comme des météorites. Seulement, son armure à elle est si ancienne qu'elle fait entièrement partie d'elle. On ne peut plus la détacher, pas même elle. Mais parfois, une faille se forme, et X est le seul à les créer avec autant de facilité. Le seul aussi, qu'elle laisse faire. Qu'elle laisse jeter un oeil au travers de la meurtrière étroite, pour tenter de l'apercevoir elle. Elle, la lionne, si forte, si endurcie et pourtant, si fragile. Il ne la repousse pas, elle ferme les yeux.
Elle les voit eux deux, dressés contre la tempête la plus violente et survivre, à chaque fois. Peut-être la seule chose que leur lignée maudite leur a donné de bien : la résistance. Ils se relèveront toujours. Elle le relèvera toujours, s'il vient à flancher. Son attachement pour X dépassement l'entendement, dépasse même la morale, mais Lövojka n'a que faire de la morale. Ils sont peut-être du même sang, X est plus que son fils. Quand il parle, elle tourne la tête vers lui, cherchant son regard, aussi noir que le sien. Que lui a-t-elle donné ? Un apprentissage rude, sévère, cruel. Si elle ne l'avait pas abandonné, serait.il ce qu'il est aujourd'hui ? Serait-il aussi fort ? Il te va bien, chuchote-t-elle, touchée par cet aveu, par ce secret qu'ils partagent à présent, comme s'il lui offrait un bout de lui. Ses crins blancs se mêlent aux siens, mélange de la neige et du feu. Elle tend l'encolure, laissant ses naseaux frôler sa peau, respirer pleinement cette odeur unique et vacillante, soufflant sur son encolure un air brûlant. Aussi brûlant que le froid qui les entoure. Mais ni glace ni feu ne peut les toucher ni les faire tomber. À eux deux, ils sont une insulte aux ténèbres devant lesquels ils se dressent, véritable muraille vivante, renforçant chacun leur armure par celle de l'autre. Je suis fière de toi. De celui qu'il est devenu, de ce qu'il est tout simplement. Si elle ne l'avait pas abandonné, peut-être aurait-elle pu veiller sur lui, le protéger de tout. Mais alors, elle n'aurait pas pu le rencontrer comme ils l'ont fait, se détachant de leurs statuts respectifs. Et cette rencontre, elle y tient plus qu'à tout. Ses naseaux remontent, avec une douceur et une lenteur presque timide, jusqu'au creux de sa nuque, où elle les enfouit sous ses crins ; comme sous son armure. Pour le toucher, lui, au moins une fois.

Elle sent une drôle d'émotion poindre en elle. Ce qu'elle ressent pour lui est strictement inavouable, elle le sait, mais au moins la conforte-t-il un peu avec ses mots. Elle sait que jamais elle ne pourra lui avouer ça, mais peut-être lui aussi trouve-t-il quelque chose de spécial quand ils sont ensemble. Elle balaie ses excuses d'un mouvement de tête. Elle ne lui en voulait pas et c'est toujours le cas. Pourrait-elle le blâmer d'avoir eu cette envie de fuir, quand elle l'a fait dans de pires situations ? Elle se retrouve en beaucoup de détails en lui, et ça l'effraie. Il ne doit pas lui ressembler, il ne doit pas avoir les mêmes troubles, les mêmes réactions impulsives, les mêmes peurs de s'accepter comme il est. Elle n'a jamais su le faire. Elle ne s'est jamais aimée, se confortant dans ce que les autres pensent d'elle, adoptant un comportement qui leur donnent raison, au fond. Mais les mots de son fils viennent balayer les quelques espoirs qu'elle pouvait avoir. Alors lui aussi. Lui aussi, est maudit comme elle l'est, comme ils le sont tous.

Elle soupire, et garde le silence un long moment en quête de contrôle et de calme. Elle doit lui expliquer. Il a le droit de savoir. Elle fait un pas de côté et son regard se perd sur un océan tumultueux, qui s'agite, se soulève et se replie. Dans chacune de ses vagues, elle observe les visages des fantômes. Des monstres, qu'elle devine juste là sous la surface. Tu n'es pas schizophrène. Elle commence doucement, ponctuant sa phrase d'un soupir vide. Elle aurait aimé le sauver. Lui dire que ça va passer. Mais ça ne passera pas. Ses yeux flottent toujours, s'imbibant de cette eau noire et dangereuse. Il parait que ça a commencé avec.. ton arrière grand-père. Il s'appelait Murphy. Lui aussi avait.. quelque chose en lui, une chose à qui il a même donné un nom. Et qui lui faisait faire... les pires choses. C'était un dominant exemplaire, parait-il et un jour il a.. il est devenu fou. Il a violé sa meilleure amie, s'en prenait à ses proches, s'excusant à chaque fois, clamant que ce n'était pas lui qui faisait ça. Au fil des ans, il se présentait sous le nom de Solheim. Le Roi Fou, comme on l'appelait. Un jour, son fils alors âgé de quelques mois seulement l'a poussé dans l'océan pour le délivrer. Solheim est mort, Murphy avec. Elle fait un court arrêt. Elle n'a pas connu cet étalon, mais délivre à X les histoires que son père lui a racontées. Elle ne ressent aucune émotion. Son corps tressaille, le vent est glacial. Mon père a souvent ressenti cette présence en lui. Ce qui lui a valu beaucoup de.. dérapages. D'abandonner ses enfants pour ne pas leur faire de mal. Et d'ailleurs, nous avons presque tous été créés par... folie. Enfin, quand il n'était pas lui-même. Tu sais, je.. mes parents étaient frères et soeurs. Elle ose un regard dans sa direction. Avouer qu'elle est une erreur de la nature, enfant d'un inceste, ça n'est pas chose facile pour elle. C'est resté sa plus grande honte, sans qu'elle n'y soit pour quelque chose pourtant. Nous l'avons tous en nous. Ils portent juste des noms différents. Démons. Bêtes sauvages. Passager noir. Tous, nous avons déjà perdu le contrôle. Peu de gens le comprennent. Parce que leurs adversaires ont toujours été solides et réels. Nous, nous nous battons contre une part de nous. Elle le fixe, sachant que c'est peut-être beaucoup d'un coup, mais comment lui expliquer autrement ? Tous ont été maudits. Héritage délabré. Red, Maddison, Aaren, Ghanan, et elle. Tous les enfants d'Oroszlàn - et donc, de Murphy - semblent avoir un trouble persistant. Et si elle a cru pouvoir y échapper, aujourd'hui face aux aveux de son fils, ça la rattrape. On n'y échappe pas. On peut seulement apprendre à vivre avec. J'aurais aimé ne pas te.. te donner ça.. Comme une erreur de sa part, une faute, elle sent les larmes lui poindre au coin des yeux. Non, pas ici, pas maintenant ! Pas devant lui ! Il doit la voir forte pour pouvoir s'appuyer sur elle, et non pas entrevoir tout ce qui la dévore de l'intérieur. Elle souffle fort, détourne le regard ; elle est gênée. Rien que d'en parler, elle les sent fourmiller dans sa tête. Mais elle a toujours su agir différemment avec eux que ses ancêtres. Je les accepte depuis toute petite. Ils ont été ma seule présence quand j'ai été abandonnée. Plus tard, j'ai appris que mon père et mon grand-père avant-lui se battaient inlassablement contre eux. Moi, j'en avais fait mes alliés. Ils me rendent plus forte lorsque j'en ai besoin. Plus forte, donc agressive. Hargneuse. Glaciale. Mais plus forte pourtant. Mais ils me trahissent parfois. J'ai toujours eu le sentiment qu'ils étaient plusieurs. Plus dociles peut-être, mais nombreux. Quand ils prennent le dessus, je n'existe plus. Comme toi, j'ai.. j'ai fait des choses que je.. Sa voix se brise, elle persévère. L'enfant que j'ai eu avant toi, Salem, je.. Quand il est né et que mes yeux se sont posés sur lui - qu'ils l'ont regardé - alors je me suis jetée sur lui. Je voulais le tuer. C'était si violent que je n'ai rien pu faire. C'était ma seule envie, mon seul but : mettre fin à ses jours. J'aurais réussi si Phoenix n'était pas intervenue. Elle l'a sauvé et recueilli, même s'il est mort peu de temps après d'une déformation intérieure. Elle baisse les yeux. Elle revoit ce corps blanc et laiteux, si fragile... C'est à partir de là qu'elle est devenue un monstre pour le monde extérieur. Et pour elle aussi. Elle relève les yeux vers X, elle aimerait le toucher, se rassurer mais elle a trop peur qu'il la rejette. Qu'il la déteste après ces aveux cruels. C'est eux qui m'ont forcée à fuir quand je te portais en moi. Eux aussi, qui m'ont fait t'abandonner à une mort certaine. Et sûrement eux.. qui t'ont pourtant fait survivre. Et eux, qui la poussent sans cesse vers lui, sur un chemin qu'elle n'a pas le droit d'emprunter. Elle ne croit ni au destin ni aux superstitions. Mais ces démons-là sont réels. Elle ose l'effleurer. Je ne peux pas t'aider à.. le vaincre. Mais je peux t'apprendre à survivre avec lui. Voilà un lien, encore un de plus, qui les unit à présent. Ce cavalier sombre qui les terrorise de l'intérieur. Elle aurait aimé qu'on lui explique tout ça, à elle aussi. Heureusement, elle avait Red pour lui en parler. Pour la soutenir. Il était son pilier et elle espère devenir celui de Xander. Peu importe le prix qu'il lui faudra payer. Elle le fixe toujours, d'un regard intense, sûrement trop. Je ne te jugerai jamais. 

Spoiler:

( ne t'excuse pas voyons, j'ai mis quasiment tout autant de temps  je vais essayer de faire plus court pour que ça soit plus facile  et ta réponse est lovlovlov  )

Il l'attire à lui.
Elle s'écrase contre son corps comme si elle n'était qu'une poupée de chiffon. Un pantin dont plus personne ne tire les fils pour le maintenir debout. Une enveloppe sans os et sans muscles, avec seulement un cerveau dégénéré qui cherche à l'amener à la folie. Elle se fond dans son corps et n'y bouge plus, trouvant dans son étreinte une alchimie à la fois réconfortante et honteuse. Parce qu'elle se sent bien là, contre lui, en lui, pour lui. Elle ne le devrait pas. Pas autant. Et pourtant.
Elle ferme les yeux, elle se perd, elle se noie dans la mer brûlante qu'il lui offre. Elle s'y noierait si elle le pouvait. Mais elle ne peut pas le laisser. Jamais. Elle voudrait le voir tout le temps, le toucher tout le temps, l'écouter, l'aider, le relever.
Pourtant, voilà que c'est lui qui soutient son corps usé, ses muscles brûlés, son esprit malade encore trop vif pourtant. Trop vivant. Cette rage de vivre ne l'a jamais quittée. Envers et contre tout, elle s'est toujours remise debout. Et c'est ça qu'elle veut transmettre à X. Il parle soudainement, elle essuie un frisson qu'il sera forcé de ressentir, vu leurs corps collés. Son fardeau ? Est-ce qu'il sait ? Dans sa tête, son esprit déboussolé lui fait croire qu'il sait. Qu'il a deviné. Qu'il voit bien que sa propre mère ressent pour lui des choses bien trop profondes. Bien trop taboues. Elle se raidit un peu, sans se décaler pourtant. Elle ferme les yeux, elle voudrait fuir cette phrase, ces pensées. Il va la flageller, la rabaisser.
Non. X ne ferait pas ça. 
En proie à son esprit désorganisé qui essaie avec brutalité de lui faire perdre pied, Lov se retrouve plongée dans un état un peu second. Dans cette lutte incessante qui régit ses jours et ses nuits. Elle le sent contre elle, elle entend même son coeur battre ; dans la brume malade, elle se raccroche à ça. Je ne peux pas.. souffle-t-elle d'une voix entourée, à peine audible. Non, elle ne peut pas lui dire. Personne ne pourrait comprendre ça. Sa voix s'élève de nouveau, c'est comme un pansement sur une plaie douloureuse. Ses lèvres se posent sur son front. Elle se sent enfant, handicapée, elle se sent faible, horriblement fragile, à la merci d'un rien qui pourrait la faire chuter. Dans sa volonté d'être forte pour son fils, elle se retrouve à cet instant dans un état de faiblesse qu'elle a rarement atteint. Parce que son âme est à nue, et que cela n'arrive jamais. Ensemble. Voilà le seul mot qu'elle ait retenu, un peu égoïstement peut-être. Elle redresse la tête et cherche son regard avec une détermination soudain violente. Comme un besoin pressant. Une obligation urgente. Comme si elle allait mourir bientôt. Ne me quitte jamais, X. Elle ne se détache pas de lui, elle n'en a pas envie, mais enfonce au plus loin possible ses yeux dans ceux de son fils. Je ne veux pas te perdre, pour rien au monde. J'ai besoin de toi, Xander. Et avouer une chose pareille, même avec Red, elle ne l'a jamais fait. Par fierté, par fragilité peut-être aussi. Mais au fond, elle a envie de lui dire. Je serai toujours là pour toi. En réalité, elle a tellement besoin qu'il soit toujours là pour elle.
Elle ne peut pas le protéger. Elle ne peut pas le garder pour elle.

( yeeees, trop cool, j'espère que vous êtes bien installés    )

Elle sent toute sa bonne volonté, tout son être entièrement voué à elle à cet instant. Il lui serait si facile de s'en saisir, de l'attraper au vol, de se l'approprier pour aujourd'hui et pour toujours. Pourtant quelque chose la retient ; une once de réalité, peut-être. Elle sent son coeur battre contre le sien, c'est irréel justement. Un fantasme étranger à toute conscience bien organisée ou, au moins, pas autant abîmée que la sienne. Devinera-t-il un jour ce qu'elle ressent ? Comment la jugera-t-il, ce jour-là ? Elle doit lui cacher, toujours. Au purgatoire des innocents, elle est au premier rang.
Elle ne dit plus rien, comme happée par la profondeur des iris de son fils. Elle se rapproche à ses prunelles comme à des cordes dans l'océan tumultueux dans lequel elle est plongée, dans lequel elle a tant de fois failli se noyer. Elle connait le goût de l'eau salée, elle connait le manque d'oxygène, elle connait la visite des abysses sombres et indécentes. Le pire, c'est sans doute même qu'elle aime tout ça. La lionne ne lui répond pas, on lui a ôté la parole. Ses mots réchauffent son coeur d'hiver, il est l'été dans l'unique saison qu'elle a toujours connu. Mais appréciera-t-elle la chaleur d'un soleil aussi brillant que lui ? Elle tressaille, leurs corps sont toujours fusionnés et leurs esprits, fusionnels. Elle ne veut pas s'écarter. As-tu besoin de moi, toi aussi ? Elle ne lui demande pas, elle n'ose pas. Le meilleur pour elle serait que ça ne soit pas le cas. Parce qu'elle ne sera jamais à la hauteur. Elle ferme les yeux, posant sa tête contre son encolure bariolée, effaçant contre son poil une larme timide mais grosse comme le monde tout entier. Comme suite à son invitation, elle se repose sur lui, déposant sur son dos et à ses pieds tous les démons qui, de jour comme de nuit, viennent la dévorer.