Off limits

Le vent joue avec mes crins blonds. J'observe la lande en silence. Je suis persuadée d'avoir vu une chose bouger là-bas, derrière cette grosse roche de calcaire. Je m'efforce pourtant de rester à ma place ; cette-fois ci, je vais m'y prendre autrement. Je vais simplement attendre que ladite chose me trouve et non pas le contraire.

Surprise ! Je vois une petite tête grise émerger avec lenteur de derrière la roche. Je reste immobile à fixer l'individu fruit de ma traque ; Baïkan. Mon cœur rate un battement alors qu'une colère sourde gronde en moi. Comme par hasard, il apparaît quelques jours après mes "retrouvailles" avec Aulia. Je le fixe en silence. S'il est aussi courageux que sa compagne, ça risque de promettre. A croire que je mords les gens.

En effet, j'ai beaucoup changé depuis notre dernière entrevue ; mon corps d'adolescente à cédé sa place à un corps d'adulte. J'ai hérité des courbes féminines de ma mère. Je lui ressemble en tout point, la robe en moins. Lui aussi a beaucoup changé et il n'a plus rien de l'adolescent d'autrefois et ça me fait mal au cœur de me dire qu'on a grandit loin l'un de l'autre alors qu'on était les meilleurs amis du monde et ce depuis notre naissance.
- Tu te décides enfin à pointer le bout de ton museau, Baïkan ? Je gronde, contenant malgré tout ma colère.
Je ne prends même pas la peine de répondre à sa question. De toutes manières je ne voulais pas y répondre. Non, ça n'allait pas. Et ça faisait déjà quelques mois que ça n'allait pas, mais ça, ça n'effleurait personne, pas même mon propre père. Et c'était à des années lumière de ma mère qui avait lâchement fuit et m'avait abandonnée.

Je serre les dents. Je n'aime pas ses excuses, même si dans le fond, il avait peut-être ses raisons. PUTAIN, IL M'A ABANDONNÉE. Comme tant d'autres.
- Tu vas me dire que tu es parti directement, le jour même où Aulia est arrivée à la piscine ? Pourquoi tu l'as suivi ELLE ? Pourquoi Baïkan ? POURQUOI TU M'AS ABANDONNÉE ?! Je m'emporte, ne contenant plus ni ma colère ni mes larmes.
Pouvait-il seulement s'imaginer à quel point ces derniers mois avaient été difficiles pour moi ?

Le paysage devient rapidement trouble et Baïkan aussi n'est plus qu'une forme floue. Ses paroles ne font qu'augmenter ma colère et ma tristesse. Il nourrit le dégoût que j'éprouve pour lui, pour cette mauvaise journée à la piscine et pour la relation qu'autrefois nous avions. Et une phrase en particulier fait office de goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mon corps brûle.
- Qu'est-ce que ça veut dire ça "tu t'es tapé un autre mec" ?! Qu'est-ce que ça peut te foutre ce que je fais de mon corps ? Je grogne, folle de rage.
Et surtout, quel rapport avec sa disparition et le fait qu'il m'avait abandonnée ?

Il y a quelques mois de ça, je me serai sans doute jetée sur lui pour lui foutre la raclée qu'il méritait. Mais aujourd'hui, je n'en avais ni l'envie, ni la force. Il avait frappé fort et surtout au bon endroit. Et mon envie la plus forte n'était pas de me battre pour décharger ma colère mais plutôt de fuir cette confrontation. L'espace d'un instant, j'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes sabots et je vacille légèrement avant de me stabiliser de nouveau. Le monde devient sourd et le seul bruit qui me revient aux oreilles est celui de mon cœur qui bat à tout rompre.
- Tu as... sans doute... raison, je finis par lâcher d'une voix rauque et essoufflée.
Et je m'élance au galop pour quitter les lieux.

( Out  :ohgosh:  )