Aube & crépuscule

Fiona se promène dans la clairière à la recherche de feuilles de thym. Elle est assez discrète ces dernières semaines car son travail de guérisseuse lui prends le plus clair de son temps. Elle ne se rappelle même pas de la dernière fois qu'elle avait vu sa fille. Arpentant les sentiers de pierre, elle ramasse de ci de là les herbes sauvages. Elle remarque du coin de l'oeil une jeune yearling qui semble s'être un peu éloigné du troupeau. Son instinct maternel lui dicte de garder un oeil dessus. Les terres ne sont pas sûres depuis quelques temps. Trop de disparitions inquiétantes.  

Narcisse avait cherché toute la nuit une proie qui ferait l’affaire. Flanqué de son fils, ils avaient repéré plusieurs chevaux mais aucun n’était propice à être capturé en toute discrétion. Le grand bai commençait à désespérer et surtout.. à perdre patience. Alors qu’il s’apprête à rebrousser chemin, le vent lui apporte deux odeurs bien distinctes. Deux femelles. Un fin rictus étire ses lèvres tandis qu’il fait signe à Orage de le suivre.

Fiona continue de ramasser ses plantes machinalement. Le parfum puissant du thym masque toutes les autres effluves. Cependant, une curieuse impression d'être observée s'immisce en elle. Elle joue des girouettes avec ses oreilles tout en faisant semblant d'être la plus naturelle possible. La jeune yearling l'interpelle, elle lui réponds d'un hennissement vif et se rapproche d'elle à pas lent. Une centaines de mètres les séparent. Oreilles de biais, une certaine angoisse lui serre les entrailles. Elle jette des coups d'oeils inquiets autour d'elle, encolure légèrement arquée.  

Le grand brun apprécie la réactivité de son fils. Il avance lentement, se faufilant telle une ombre dans le paysage.
« Vois-tu… Les chefs ne sont pour toujours les plus important… » Il jette un coup d’œil à Orage. Sa respiration ralentit et ses pas se font sourds pour ne faire qu’un avec la nature. Ses yeux scrutent une silhouette de la même couleur que lui qu’il ne lâche pas du regard.
« Qui soigne les chefs de clan quand ceux-ci sont blessés ? » Lui demande-t-il en lui donnant directement la réponse. Il désigne la femelle baie du bout des naseaux.

Fiona s'approche et décide d'accélérer la cadence, quelque chose ne tourne pas rond, elle le sait. Elle s'arrête devant la jeune demoiselle qui ressemble énormément à sa propre fille : Aya. " Bonjour, je suis Fiona, la guérisseuse. " Pas le temps pour de plus amples présentations. La voix de l'arabe est tendue, presque nerveuse. Ce qui ne lui ressemble pas, elle est d'un naturel très doux et calme d'habitude. " Le soleil se couche, il vaudrait mieux rejoindre les Orosymal. " Elle tourne le regard vers les collines, à la recherche d'une silhouette inquiétante, mais le soleil couchant l'éblouie. Elle plisse le regard et réussi à discerner deux ombres dans le crépuscule. Trop tard...

Ils allaient devoir faire preuve de vivacité, de précision et de rapidité lors de cette mission. Lors de leur tour de garde, Narcisse n’avait pas oublié de briefer son fils sur la manière dont ils allaient s’y prendre une fois la proie repérée. Le grand mâle acquiesce lentement et un sourire de fierté, bien qu’éphémère, se glisse sur ses lèvres. Profitant du fait que les deux proies se soient rapprochées, Narcisse bondit vers l’avant. Il s’élance au galop vers la guérisseuse, les oreilles plaquées contre son crâne. Une fois arrivé à leur hauteur, il se faufile rapidement entre les deux femelles, les séparant. Ses yeux perçants se plantent, presque instantanément, dans ceux de la baie dans un silence.. glacial.

Fiona fixe les ombres dans la nuit, elle ronfle des naseaux. A peine à t elle le temps de se tourner vers Esquisse que les deux silhouettes fondent sur elle. Si elle avait été seule, l'arabe aurait pris la fuite, et elle les aurait sans doute semé avec aisance. Mais aujourd'hui elle n'était pas seule, et hors de question de laisser la petite à leur merci. La jeune yearling semblait pétrifiée de peur. Lorsque un grand bai se place entre elles pour les séparer, Fiona pousse un hennissement déchirant et le bouscule pour tenter de le contourner. Comme une mère enragée qui tente de retrouver son petit. " Qui êtes vous ? " grogne t elle, le regard noir. Ses oreilles sont enfouis sous ses crins noirs. Ses muscles sont bandés, prête à riposter.

Tout se passe très vite. Trop vite pour les deux femelles qui ne peuvent que constater ce qui leur arrive. Narcisse est plus que friand de ces petits plans qui inclue l’effet de surprise. Celui-là même qui a traversé leurs deux regards. Le bai ancre ses sabots sur le sol et ne lâche pas la femelle des yeux. Il ne bouge pas d’un pouce même lorsque celle-ci se heurte à lui en essayant de rejoindre la petite. Maintenant que le décor est planté, ils vont pouvoir discuter.
« La question n’est pas de savoir qui nous sommes mais ce que ne voulons… » Susurre-t-il. Il redresse son encolure, surplombant la femelle baie de toute sa hauteur. Après un bref coup d’œil vers son fils qui tient fermement l’enfant, il reprend.
« Voilà le topo : suis-nous sans poser de question et il ne sera fait aucun mal à la petite. » Il est bien inutile de tourner autour du pot. Clair, net et précis, tout ce qui plait au grand brun.