liberté [S]

Réveillée avec les premières lueurs du jour, Myosotis errait du côté des dunes dorées depuis l'aube. Elle tournait un peu en rond, ne sachant pas quoi faire. Elle songeait à tout ce qu'il venait de se passer récemment dans sa vie. Son retour ici, sa rencontre avec Esquisse, son changement de clan, ses retrouvailles avec Njörd...
Elle s'aventure jusqu'au bord de mer et observe l'île qui se dessine au loin. Elle est intriguée mais ne compte pas s'en approcher. Avec la chance qu'elle avait, il lui arriverait une tuile. Un hennissement lointain la tire de ses rêveries et ses oreilles tourbillonnent dans tous les sens pour tenter de localiser la provenance de ce dernier. Plein sud, non ?

L'immensité du territoire ne l'aide pas vraiment à localiser efficacement l'équidé qui hennit à plein poumon. Le bruit s'essouffle rapidement, balayé par le vent et la grande distance les séparant. Son regard clair parcourt les environs et elle se met à marcher. Est-ce qu'elle n'hallucine pas, par hasard ?

Son nom glisse jusqu'à ses oreilles et elle s'arrête aussitôt. Cette voix... Elle la reconnaîtrait entre milles. Son regard parcourt rapidement les environs jusqu'à tomber sur la silhouette efflanquée de l'ibérique isabelle. Au début, elle pense qu'il n'est que le fruit de son imagination. Elle réalise que ce n'est pas le cas lorsqu'elle remarque à quel point il est abîmé. Dans ses rêves, elle se l'imaginait toujours comme au premier jour. Odieusement séduisant.
Myosotis reste plantée à sa place, incapable de quoi que ce soit. Même les mots restent bloqués dans sa gorge.

Il s'approche et ses muscles se tendent instantanément. Elle se met à trembler légèrement sans pouvoir s'en empêcher. S'il est gagné par la colère, la dorée est quant à elle gagnée par la peur.
- Je... Commence Myosotis, la gorge serrée.
Elle ne se sent absolument pas prête à lui faire face et si ses jambes auraient été en état de fonctionner, elle se serait sans doute enfuie. Mais puisque ce n'était pas le cas sur le moment présent, elle était bien forcée de l'affronter.

Au fond d'elle, elle sait très bien qu'il ne veut pas lui faire peur. Et elle ne peut s'empêcher de le craindre pour une raison qui lui échappe totalement. Elle aimerait parler mais les mots restent bloqués dans sa gorge. Son poitrail rencontre le sien et son encolure enserre la sienne. Elle ne s'y attendait pas à ce geste et elle est partagée entre un sentiment de bien être et un sentiment de panique. Tendue, elle n'ose plus bouger.

Son regard plonge dans le sien et elle ne peut réprimander un frisson face au regard à moitié mort de l'isabelle. Son cœur se serre et ses tripes se tordent. Il n'a rien à voir avec le Sueño qu'elle a quitté, il y a quelques mois de ça.
- Je suis revenue pour Absinthe, avoue-t-elle finalement en détournant son regard du sien.
Elle ne sait pas ce qu'elle peut rajouter d'autre. Oui, elle était partie. Et oui, elle regrettait son choix. Alors, oui, elle était revenue. Mais elle ne s'attendait absolument pas à vivre ce genre de scène.

Elle ne peut s'empêcher d'avoir mal en entendant ses paroles. Bien-sûr qu'il sait qu'elle n'est pas revenue pour lui, puisqu'elle a quitté les terres à cause de lui. Parce qu'elle ne pouvait pas cohabiter avec son amour déchu. Parce qu'elle était faible. Et il n'avait, de toute évidence, rien fait pour la retenir. Sans doute parce qu'il jugeait que c'était la meilleure chose à faire sur l'instant, lui aussi. Aurait-il seulement pu la retenir ?
Pour Myosotis, ce n'était plus tellement une question qu'elle se posait. Pour elle, il n'avait pas confondu amour et amitié. Elle l'avait simplement rencontré lorsqu'il n'allait pas bien et elle avait, en quelques sortes, été son médicament. Son pansement plutôt, et une fois la plaie guérie, il avait retiré le pansement. Elle avait fini par accepter le fait qu'il l'eue aimée par compassion. Simplement parce qu'elle était entrée dans sa vie et s'y était imposée lorsqu'il n'avait plus toute sa tête et que son cœur était bien mal en point.
Apprendre que Bailey était morte lui fit l'effet d'un coup de massue. Pourquoi est-ce qu'il lui disait ça ? Voulait-il qu'elle partage sa peine, qu'elle pleure avec lui la disparition de la jolie baie ?
- Je... Je suis désolée Sueño... Elle ne méritait pas cette fin... Dit-elle, la gorge serrée et le regard humide.