• Violet ou pas ? | Yume

Je pénétrai, au trot, dans le secteur du Piton Magenta. Au loin se dessinait l'immense montagne de feu dans la brume hivernale qui peinait à tomber en cette fin de matinée. Je m'arrêtais un instant pour l'observer, si majestueux dans son écrin vaporeux. Mes flancs se soulevaient à un rythme régulier, légèrement accélérés. J'étais venus de l'Antre de Guérisseurs d'un bon pas, je désirais me reposer quelques brefs instants. Mon souffle chaud s'échappait en épaisses volutes de mes naseaux qui se dilataient sensiblement à chaque expiration.

Mes yeux parcouraient l'étendue sauvage qui s'étirait devant moi. Il n'y avait que peu de fleurs à cette saison, les rares spécimens encore debout attiraient l'oeil semblables à de petits éclates colorés dans un tableau ternis. Je me demandai ce que j'arriverai à trouver comme plante alors que l'hiver avait fait table rase de la plupart de la flore sur l'ensemble de Lunaera. En m'ébrouant vivement, prête à me consacrer à mes recherches, je prêtai intérêt à un effluve qui se détachait du reste. Je tendis l'encolure et inspirai les notes fauves qui composaient la signature olfactive d'un individu mâle. Il ne devait pas être loin de moi, je me demandais qui il était. Je pris le temps de réajuster la sacoche qui pendait sur mon épaule avant de reprendre la marche et d'enfin apercevoir la silhouette rousse de l'inconnu. Je le saluai d'un hennissement chaleureux, mon chemin m'amenant près de lui.      

Je m'étais arrêtée à la hauteur du jeune étalon. A première vue, nous avions sensiblement le même âge, j'étais contente de voir que d'autres chevaux de ma générations parcouraient Lunaera.

Je lui offris un sourire qui devint des plus rayonnant lorsque mes yeux tombèrent sur sa besace, semblable à la mienne. "Hé ! La récolte a été bonne !" M'écriai-je en constatant le léger embonpoint qui arrondissait sa sacoche. J'étais rassurée ; l'hiver n'avait donc pas tout emporté sur son passage.

Etait-il guérisseur ? Ou apprenti peut-être ? Quel chance il avait, j'aimerais que l'on m'enseigne la médecine. Pour ma part, je m'étais simplement donnée pour mission de regarnir les réserves communes qu'utilisaient les guérisseurs dans leur antre, rien de bien officiel mais je faisais en sorte qu'ils aient toujours tout ce dont ils avaient besoin.

"Je n'ai pas eu autant de chance." J'illustrai mes propos en attrapant le rabat de mon sac pour le soulever et ainsi dévoiler mes maigres trouvailles. J'y avais déposé, au gré de ma route, quelques tiges de prêle des champs et un brin de lavande qui nous gratifia immédiatement de sa puissante odeur. Je refermai ma besace en soupirant, déçue par ma cueillette. Un brise fraîche souffla vers nous, elle fit frémir les herbes hautes ainsi que la pointe de mes crins. Il fallait se servir du vent dans nos recherches, c'était un allié insoupçonné. J'inspirai profondément, m'imprégnant au passage d'air vivifiant teinté de l'odeur de la terre encore humide de rosée. Ce qui m'intéressa fut l'effluve que je parvins à isoler des autres ; il y avait de l'absinthe qui devait pousser non loin de là. "Tu sens ?"

Petit à petit, cessant de faire onduler la prairie, la brise s'évanouit en emportant avec lui les indices odorants que j'y avais décelé. Je fronçai le nez, le temps m'avait manqué pour analyser précisément l'emplacement des fleurs d'absinthe qui manquaient cruellement sur les étals de la réserve. J'avais tout de même l'espoir de ne pas rentrer bredouille, en continuant notre route, nous tomberions peut-être sur quelque chose d'intéressant. "On fait un bout de chemin ensemble ?" Proposai-je à l'étalon roux, cela ne donnera l'occasion de faire de plus amples connaissances.