/ northern lights.

Elle en est là, une fois de plus.
La peau tendue, les muscles saillants, le ventre gonflé. Prête à exploser.
Une fois de plus.
Mais quelque chose a changé, cette fois. Elle en était pleinement consciente. Non pas qu'elle ait été abusée les autres fois, non, jamais. Cette fois, elle le savait. Elle voulait cet enfant. Et personne ne le lui enlèvera. Ni la mort, ni la peur, ni le père. Celui-ci sera à elle. Pour elle. Elle ne l'a pas choisi par hasard. Peut être aurait-elle dû plus y réfléchir mais elle était là, coincée volontaire, prisonnière consentante. 

Un long râle s'échappe de ses lèvres noires. La lionne se laisse tomber lentement sur le flanc. Ce moment, elle le connait déjà. Quatrième fois. Ultime ? Elle a une pensée éphémère pour son premier enfant. Salem. Maudit avant même d'être né. Dire qu'elle avait cru qu'il était le fils d'Akan... Elle n'a pas le temps de penser aux suivants, une contraction douloureuse lui tord la bouche. La mise-bas s'annonce difficile, elle le sent. Comme une nouvelle épreuve, comme une punition. Mais Lövojka est décidée. Elle est prête. Peu importe si elle est enfermée. Son enfant survivra. Parce que son sang est trop sauvage et fort pour faiblir. Naissance en prison.
Comme pour s'évader, elle concentre ses pensées sur un visage, un nom, une odeur. Un être qu'elle imagine à ses côtés à cet instant. Elle s'en sent tout de suite plus apaisée. Le visage de X flotte dans son subconscient, elle sourit même, anesthésiée par le travail qui va commencer. Dans le couloir sombre, des pas résonnent. Savent-ils tous ce qu'il s'est passé entre elle et l'un des leurs ? Le leur a-t-il dit ? La protègera-t-il, elle et leur enfant ? Se dressera-t-il contre les siens ? Elle efface les questions. Est-ce lui qui approche ? Peut-être. Elle sourit, posant sa tête sur le sol humide et sale des cachots.

Elle sent sa progéniture comme attirée par la vie, par cette liberté tant attendue. Alors, la lionne inspire à fond et accepte de la laisser partir. Elle accepte de rencontrer cet être, pour la première fois, dans les règles de l'art. Elle oublie les pas dans le couloir, se concentre sur son travail et ferme les yeux. Mais une douleur écrasante lui broie alors le poitrail. Sa respiration se coupe brutalement. Elle hoquète, et peu à peu, la panique s'insinue dans ses veines comme une dose de poison. Il y a quelque chose qui cloche. Quelque chose qui coince. Le petit. Ses yeux d'un noir absolu s'ouvrent sur la pénombre du cachot. Elle est là, seule, livrée à elle-même dans cette prison où elle a accepté de s'enfermer, pourtant. Faiblement, elle rassemble les quelques forces qu'il lui reste et pousse un râle rauque, espérant alerter Météore.

Elle sent quelqu'un entrer dans sa cellule, elle ne parvient pas à relever la tête. Affaiblie, paniquée de l'intérieur, paralysée. Et si, alors qu'elle veut tant de cet enfant, ce putain de karma le lui enlève brusquement ? L'idée la tétanise. Elle ne peut pas le perdre ! Rien ne le lui prendra, sûrement pas la mort, l'inconnue qu'elle craint sans doute le moins. Un souffle chaud sur son crâne lui indique qu'il s'agit bien là du père de l'enfant et elle se permet un soupir de soulagement. Elle ne pourrait pas décrire ce qu'il y a entre eux. Entre désir, attachement et provocation, elle ne peut pourtant pas nier qu'elle s'est attachée à l'étalon au visage étoilé. Sinon, elle ne lui aurait pas fait un enfant, en même temps.
(...) Il lui semble qu'elle s'est déconnectée. La douleur, sûrement. La fatigue, aussi. Lov ne saurait dire si le travail a duré dix minutes ou dix heures. Elle est vidée, lessivée et sa robe sombre luit d'une importante couche de sueur moussante. Pourtant, aux mots de l'étalon, elle parvient à se redresser, se rendant compte qu'il lui a prémâché le travail en finissant le boulot. Pour le remercier, elle adresse à Météore un long regard reconnaissant. Il comprendra. Il commence à la connaître.
La lionne se concentre ensuite sur la petite chose dorée qui s'agite contre son flanc. Elle ne regarde même pas le sang qu'elle a perdu en trop grand nombre, au sol, et attire l'enfant contre elle pour l'éloigner de ça. Car ça ne compte plus. Pour la première fois de sa vie, Lov rencontre un de ces enfants d'une façon habituelle. Pour la première fois, elle n'abandonne pas son enfant, on ne le lui arrache pas non plus. Et il a fallu en avoir quatre pour que cela arrive. Une petite fille, oui. Elle cherche son regard, sans sourire. Elle est émue, presque intimidée, pourtant elle murmure, sans même s'en rendre compte tant cela lui parait évident : Boréale... Parce que les aurores boréales sont les plus beaux trésors de son Royaume, parce que cet enfant est enfin le sien, parce qu'elle sera un fauve du Nord, elle aussi. Elle a accepté de venir sur l'île, de s'enfermer ici, elle peut bien décider du nom de la petite, non ?

(je me permets de répondre directement pour que ça avance plus vite, j'espère que ça dérange pas )

La bulle semble intacte. Comme si leur moment était protégé du monde extérieur, du temps, des conséquences. Ils n'en avaient pas parlé ; elle n'avait pas voulu y penser. Peut-être aurait-elle dû. Elle n'entend même pas l'ombre approcher, omnibulée à détailler les émotions qui traversent le regard de sa fille. Un regard marquant, comme toujours quand il s'agit de ses enfants. Mais le sien a quelque chose d'encore plus saisissant. Non pas parce que ses yeux sont vairons. Mais parce que chaque prunelle semble refléter personnellement Météore et elle. Son oeil d'un noir absolu, elle a l'impression de se fixer dans un miroir. Elle tressaille, éloigne ces pensées et, de toute façon, n'a pas le temps de plus les entendre. La silhouette se dresse au-dessus d'elle et de sa fille. Elle croise le regard du Chef de la Tribu. Elle l'a déjà aperçu lors de son arrivée sur l'Île, mais il n'est jamais venu la voir. Aucun intérêt, sans doute. Nulle raison de venir saluer les prisonniers. Mais maintenant qu'il y a un enjeu, elle a donc le privilège de rencontrer le fameux Roc. Elle relève faiblement la tête, encore essoufflée. Sérieusement, c'est vraiment le moment ? Elle vient de survivre à une épreuve intense, elle vient de donner la vie, a failli la perdre ou la faire perdre à cet enfant, est-ce que cela nécessitait une intervention aussi prématurée ? Sa voix est calme et elle apprécie son ton à la fois rassurant et respectueux. Il n'est ni agressif ni supérieur. Elle l'écoute avec calme - ou juste fatigue ? - sans l'interrompre. Mais déjà, les mots du dominant lui hérissent l'échine.
Ne pourra-t-elle donc jamais avoir le choix ? Se préoccupe-t-il de savoir ce que cela fait que d'être parent ? A-t-il un enfant, lui aussi ? Son titre noble de chef lui a sûrement épargné le fait qu'on choisisse pour lui. Forcément. Sans montrer aucun signe d'agressivité, Lövojka accumule colère et frustration sans jamais les montrer. Son regard obscur est braqué sur lui sans ciller, mais à aucun moment elle ne laisse filtrer une émotion négative. Juste du respect, du recul et beaucoup de patience.

Quand il a fini, la lionne se lève dans un bond lent et délicat. Son corps massif se délie, elle s'élève, les membres inférieurs encore couverts d'un sang brunâtre qui commence à peine à sécher. Debout, elle est de la même taille que Roc, dont elle supporte le regard sans ciller. On ne lui marchera plus dessus. On ne décidera plus pour elle. Jamais. Loin d'être une simple promesse, c'est une détermination sans faille qui l'anime. Malgré le calme dont elle fait preuve, elle inspire à cet instant-là un certain respect, une prestance qu'elle tient de ses ancêtres. Elle écarte d'un mouvement de tête ses crins emmêlés et malgré la fatigue du moment passé, elle s'avance d'un pas vers lui, couvrant sa fille entre ses sabots. Elle lui fait face, dignement, sans agressivité pourtant. Je vous remercie pour votre confiance, mais vais me permettre quelques modifications. Cette enfant est autant l'une des vôtres qu'elle ne l'est pas. Sa voix est toujours aussi grave et vibrante, aucun signe de l'état de stress qu'elle a pu vivre peu avant ni même des efforts qu'elle fait pour se contenir. Ses démons lui crieraient de se jeter à sa gorge. Mais par respect peut-être, elle ne le fait pas. Son regard ténébreux se pose un instant sur Météore avant de se reporter sur celui de son chef. Elle est d'un calme féroce. Son père est des vôtres ; je ne le suis pas. Plutôt que d'imposer votre loi, je pense que nous devrions réfléchir à un accord commun. Je ne suis pas un vulgaire sujet que vous avez employé, je suis la mère de l'enfant dont vous parlez comme d'un objet. Ma voix compte autant que celle de son père - ou que la vôtre, si la sienne ne compte pas. Je ne serai jamais l'une des vôtres, et vous le savez. Vous ne me ferez jamais réellement confiance, craindrez toujours une trahison et cela serait légitime. Je suis une étrangère à cette famille que vous protégez d'une bien noble façon. Elle est respectueuse, choisit ses mots avec soin, et ceux-ci sont sincères. Un instant, elle détourne le regard. Elle fixe sa fille. Leur fille. Boréale ne devrait pas être séparée de moi. C'est moi qui vais la nourrir, avant même de parler d'éducation. Je vous demande donc une requête exceptionnelle sûrement. Peut-être déplacée mais, au vu des circonstances, je pense que l'exception est de mise. Vous avez une famille ici, j'en ai une à l'extérieur. J'ai accepté de quitter les miens pour que l'enfant naisse ici, pour que Météore puisse prendre le temps de vous annoncer la nouvelle, j'ai joué le rôle d'une insignifiante détenue en acceptant parfois coups et injures pour ne pas faillir à cette comédie. Je pense avoir mes droits, aujourd'hui. Je suis la conseillère du clan du Nord ; une famille qui m'attend, comme la vôtre ici a besoin de votre présence. C'est là-bas que Boréale va grandir. Je demande donc une permission unique de connaître l'accès à votre île. Je l'y emmènerait souvent, pour qu'elle puisse voir son père et, surtout, apprendre vos coutumes et votre histoire. Qu'elle puisse vous considérer comme une famille, tout en connaissant l'autre à laquelle elle appartient aussi, que vous le souhaitiez ou non. Météore sera également le bienvenu sur nos terres pour voir sa fille, les membres en seront avertis, tout comme les vôtres le seront de ma présence puisque vous leur interdirez d'attenter à ma vie ou à celle de Boréale. À l'âge adulte, elle sera alors libre de choisir son lieu de vie principal. Mais vous devez accepter qu'elle est une demi-sang, que sa mère est une étrangère à qui vous devez faire confiance si vous souhaitez la voir grandir comme une des vôtres. Evidemment, me faire confiance sera difficile mais vous n'avez pas le choix. Divulguer cet endroit ne me sera d'aucune aide et ne servirait qu'à courir à ma perte, je n'ai aucune raison de le faire. Peut-être qu'un jour, vous me considèrerez comme une des vôtres et me proposerez de nouveau ce rite de passage. Aujourd'hui, je suis une Nordique, et cette petite l'est aussi à moitié. Tout le long, sa voix est restée calme, respectueuse mais assurée. Elle trouve que c'est le meilleur choix possible à faire dans cette situation nouvelle et première pour eux et, au moins, ils y trouveraient chacun ce qu'ils cherchent.

(idem, je réponds de nouveau pour faire avancer )

Elle pose ses yeux sombres sur Météore. Au fond d'elle, elle est contente qu'il participe à la demande d'accord. Elle lui en aurait voulu qu'il reste simple spectateur. Et puis, cela signifie aussi qu'il tient un minimum à l'enfant... et à elle ? Elle ose l'espérer. Un attachement simple lui suffirait, de toute façon. C'est toujours mieux. Ils ont quand même fait un enfant ensemble. Une merveille, plutôt. Elle hoche la tête, comprenant parfaitement ses choix et son positionnement. Il plaide sa cause face à Roc, ça la touche, mais elle ne le dit pas. Pas maintenant, pas ici, pas en public. La lionne reste silencieuse quelques secondes, essayant de s'imaginer cette situation. Il me faut connaître aussi le chemin menant à l'île. S'il m'est révélé et que votre peuple est au courant de ma venue régulière, alors Boréale grandira ici jusqu'à l'adolescence. Mais il me faut retourner de temps à autre sur le reste des terres, rassurer les miens, et préparer aussi l'arrivée de la petite lorsqu'elle sera yearling. Je serai la plupart du temps ici, comme tu le souhaites, Météore, mais il vous faut comprendre que je doive faire quelques aller et retour chez moi. Elle se rapproche de l'étalon de qui elle s'est liée et, au fil des mois, attachée un peu malgré elle. Elle le fixe, frôle ses flancs des siens, encore sali du sang de la mise bas. Elle se place à ses côtés pour lui montrer qu'ils sont une équipe, qu'elle est avec lui (eux) et qu'elle ne se mettra pas en travers de ses décisions... si tant est qu'il respecte aussi les siennes. Ne t'en fais pas. Si quelqu'un la touche, même si c'est l'un des miens, c'est moi qui le tuerai. Son sourire a quelque chose d'effrayant, d'intense par sa détermination et ses mots tranchants résonnent un moment contre les parois des cachots. Elle reporte son attention sur la petite, puis sur Roc, attendant son approbation pour retourner s'occuper de sa fille, qui a besoin d'elle. Après tout, il lui semble que c'est là le meilleur accord qu'ils puissent trouver malgré toutes les concessions que cela lui demande. Elle espère justement qu'ils verront les efforts que cela l'oblige à faire et qu'ils accepteront pour saluer sa condescendance et pour le bien de cet enfant demi-sang. Qui sait, elle commence de plus en plus à saisir ce qui unit les membres de cette Tribu. Elle qui n'a jamais connu ni famille ni clan, peut-être les rejoindra-t-elle en même temps que sa fille, si tel est son choix.

(je pense que c'est le mieux qu'on puisse faire, j'ai surtout demandé cette condition pour lov pour pas que ça me bloque encore des semaines à ne pouvoir la jouer que sur l'île )

Elle l'écoute, craignant encore une fois qu'ils ne trouvent aucun terrain d'entente. Crispée sans le montrer extérieurement, elle fixe le dominant qui, enfin, reprend la parole. Sa voix grave ne peut qu'imposer le respect et elle comprend que ce soit lui, leur chef. Cela semble logique, évident. Elle peine à saisir cette cohésion de groupe, elle qui est trop longtemps restée à l'écart de tout clan, de toute famille quelle qu'elle soit. Mais elle admire cette valeur qu'elle ne connait pas. Pour la première fois, elle aimerait la connaître. Faire partie d'un groupe, représenter quelque chose, avoir de la valeur, avoir un entourage à protéger. Qui sait... peut-être qu'un jour.. Elle n'a pas oublié la proposition de Roc. Son invitation à rejoindre la Tribu, et il ne devrait pas s'offusquer de son refus. Ils sont encore des étrangers, pour elle. Mais elle veut essayer de les connaître, puisque sa fille partage leur sang. Elle hoche la tête, le soulagement transparait dans ses yeux sombres comme quelques lucioles dans la nuit noire. Merci, Roc. Merci pour ta patience et ta considération à mon égard et à celle de notre fille. J'accepte ce compromis et t'en remercie. Je ne viendrai ici que les yeux bandés. Elle a la furieuse envie de lui témoigner plus encore sa reconnaissance mais elle se retient. Par politesse, peut-être. Pudeur aussi. Pour la première fois de sa vie, elle va pouvoir rentrer chez elle... avec son enfant. Le bonheur est à son comble pour la lionne et comme le dominant semble avoir rendu son verdict et se préparer à les laisser, elle devine que Météore ne pourra qu'accepter cet accord tacite entre les deux. Aux dernières paroles du chef, elle relève la tête vers lui et déclare, sérieuse et affirmée : Il en sera de même pour moi, Roc. Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour nous. Des concessions, elle est prête à en faire par dizaine s'il le faut. Tant qu'elle peut vivre avec son enfant.

Elle laisse Roc s'en aller et se rapproche de Boréale et Météore. Elle adresse un regard attendri à l'enfant ; elle semble s'être endormie, apaisée comme elle aussi par cette finalité. Elle colle ses flancs à ceux du père de son enfant, fixant son visage bariolé. Tu nous escorteras ? Elle l'espère, et cela s'entend dans sa voix. J'espère que tu seras souvent avec nous. Elle en a besoin, et moi aussi. Les miens ne te toucheront pas, je le leur ordonnerai dès mon arrivée. Mais au-delà de nos terres, je ne peux pas garantir ta sécurité. Je n'ai aucun pouvoir sur les autres clans, et les Shaan... Elle soupire, détourne le regard. Il te faudra t'en méfier. C'est le clan de Hêka, celle qui a corrompu votre Championne. Mais en tant que nouveau Champion, je ne m'en fais pas vraiment pour toi. Elle lui adresse un sourire complice. Météore est bien plus fort qu'elle. Par contre, si quiconque touche à Boréale... Il signera son arrêt de mort. Et ce, peu importe qui cela peu être. Elle n'en démordra pas là-dessus. À présent, elle a une mission. Comme un but, dans cette allée noire qu'était son existence. C'est ton premier enfant ? demande-t-elle, le ton adoucit, l'oeil presque... tendre ?

Elle hoche lentement la tête. Lorsque tu me ramèneras, je les convoquerai immédiatement pour leur en parler, promet-elle simplement. Elle se laisse bercer par son contact, avant de reposer ses yeux sombres sur leur fille. Elle ne donne aucune suite à sa réponse ; comment lui dire que Boréale est la quatrième pour elle ? Et, surtout, lui avouer qu'elle est la première qu'elle va élever près d'elle ? Elle est belle, souffle-t-elle, attendrie comme on l'a rarement vue.