She just ran away

Je m'avance jusqu'au lac sans me presser. J'ai laissé Azel dans le camp des Wiha. Je sais qu'elle y est en sécurité pendant mon absence même si je ne me fais pas trop d'idée concernant sa possible évasion. Les gosses ont un talent inouï pour s'évader dès lors que leurs parents ont le dos tourné. Moi, je lui laisse volontairement un peu de liberté. Je me souviens que toute petite, j'aimais déjà fausser compagnie à mes parents et que l'interdiction me donnait juste encore plus envie d'élaborer un plan pour pouvoir me faire la malle. Et puis de toutes façons, je n'étais pas à l'aise avec ce rôle de mère qui me collait un peu trop à la peau. J'avais simplement envie de m'évader un peu. De mettre toutes mes pensées sur off, juste l'espace d'un instant. Ne plus penser ni à Azel, ni à Draggan. Surtout pas à lui. C'était bien trop douloureux. J'avais simplement besoin de temps, pour l'oublier. Pour effacer de ma mémoire tous ces jolis souvenirs qui m'arrachaient un sourire et aussi pour effacer ceux qui au contraire m'arrachaient des larmes.

Mon regard se porte sur mon reflet. Je laisse un léger soupir m'échapper. Je suis incapable de retrouver cette jeune jument à la robe dorée qui souriait à la vie. La jeune jument que j'y vois, elle est triste et fatiguée. Peut-être un peu lassée aussi.
Une voix familière me sort brutalement de mes songes. Je redresse la tête et me retourne aussitôt. Mon regard se pose alors sur mon père qui s'avance rapidement. Je baisse les yeux vers le sol, je me sens tellement honteuse. Il m'embrasse la joue en arrivant près de moi et j'esquisse un faible sourire. C'est tout ce dont je suis capable. Je sens ma gorge se serrer lorsqu'il me dit qu'il faut qu'on parle d'Azel.
- Elle s'appelle Azel... Je réponds simplement.
La présenter me semblait être un bon début...

Je relève finalement la tête et glisse mes yeux bleus jusqu'aux siens. Je ne suis pas réellement surprise qu'il connaisse déjà le nom de sa petite fille. Sueño est quelqu'un d'intelligent et attentif. Ce n'est pas pour rien qu'il est le second de Jiyuu. Mon cœur se serre lorsque mon père reprend la parole. Je sens cette minuscule once de colère se réanimer en moi. Elle fait écho à la colère qui gagne l'ibérique. Nous ne sommes pourtant pas en colère pour la même raison. J'avance d'un pas pour coller mon poitrail contre le sien.
- Personne ne m'a forcé papa... Je réponds d'une petite voix, presque enfantine.
Les larmes me montent aux yeux et j'enfouis rapidement mes naseaux sous la crinière sombre de Sueño. C'est si rassurant de pouvoir me blottir contre lui, comme lorsque j'étais une enfant.
- Tout est de ma faute... J'ai fais une erreur... Une grosse erreur... Et maintenant je ne peux plus revenir en arrière, je souffle, les larmes menaçant de glisser hors de mes yeux.

Je reste blottie contre lui. Mon cœur se serre davantage lorsqu'il se met à insister pour connaître l'identité du père d'Azel. Je n'avais aucunement l'envie d'en parler... Je voulais simplement rester blottie contre lui et profiter de ce sentiment de sécurité que me procurait sa présence.
- C'est Draggan... Je finis malgré tout par avouer, un peu à contre-cœur.
Je me sentais déjà bien assez mal pour oser tenir tête à mon père. Et finalement, ça me faisait du bien d'en parler. Ça rendait les choses plus réelles. J'étais bien forcée de m'y confronter.
- Je n'ai jamais voulu en arriver là... Je sanglote.
Je me déteste d'avoir été si naïve et de ne pas m'être méfiée davantage. Ma situation, je ne la devais qu'à moi même. J'étais l'unique responsable de mon autodestruction. La descente jusqu'aux enfers s'avérait être bien plus rapide qu'elle n'y paraissait.
- Je l'aimais bien tu sais. Un peu trop. Je l'ai réalisé durant l'adolescence... J'ai voulu le fuir, je sentais que cette relation n'était pas saine. Je ne voulais pas lui faire de mal... Je lui explique en me reculant d'un pas. Et je ne pensais pas que c'était lui qui m'en ferait... Je soupire.
Sauf que c'était bien le cas. C'était bien lui qui m'avait brisé le cœur. Alors au final, qui avait joué avec qui ?
- Je n'ai pas su le fuir. J'ai cédé... Je ne pouvais plus résister. Il était si spécial pour moi papa... Je sais que c'est idiot mais je pensais qu'il n'y aurait pas de suite à cet acte que je considérais comme un acte d'amour... Je confie à mon père en me mordant la joue, atrocement gênée de lui exposer ainsi ma cupidité. Du coup, avec Aulia, on a rompu. Ce qui est normal... Ça m'a fait mal, ça lui a fait mal... Je voulais passer au dessus de tout ça. De toutes façons, je n'étais pas capable de continuer de l'aimer après m'être comportée comme ça. Et je ne pouvais pas me sortir Draggan de la tête. Et lui, il semblait carrément s'en foutre de moi. Après y'a eu la naissance de Azel... Il est arrivé après une jument grise. Il semble bien l'aimer... Il lui a même donné un petit surnom affectueux... Devant moi. Alors que je venais de... de donner naissance à sa fille. Il m'a demandé ce que je voulais. J'ai été franche, je lui ai dis que je voulais offrir à Azel ce que je n'avais pas eu dans mon enfance... Une famille soudée. Tu sais ce qu'il m'a répondu papa... ? La colère fait vibrer ma voix.
Ces mots sont restés encrés dans mes pensées. Je n'arrive plus à m'en défaire, c'est pire qu'une maladie incurable. Je prends une grande inspiration et me lance enfin ;
- Il m'a dit que notre histoire ne connaîtrait jamais de début tout comme elle ne connaîtrait jamais de fin.
Et j'essaie vraiment de ne pas laisser couler mes larmes... En vain.