So cold

J'ai attendu que la nuit tombe sur Luanera pour sortir du camp des Wiha. J'ai traversé la plage, la plaine et même la forêt à toute allure. Sans jamais me retourner. Le paysage défile et ne cesse de changer sous mes yeux. J'ignore où je vais. C'était comme si mon corps obéissait à quelqu'un d'autre. Je repasse au trot puis au pas. Des tombes se dressent devant moi, dans un alignement parfait. Le cimetière.

Oh, you can't hear me cry
See my dreams all die
From where you're standing
On your own.
It's so quiet here
And I feel so cold

Ma peau frisonne. Pourquoi cet endroit ? Est-ce que ma conscience voudrait me faire passer un message ? Je sens une boule se former dans mon estomac. Mon regard parcours rapidement les tombes, à la recherche de noms connus. Est-ce qu'un jour l'une de ces pierres portera le mien ? Je déglutis péniblement. Aucun nom ne retient mon attention. Pourtant je cherche. La peur me donne des crampes d'estomac. Est-ce que je vais trouver le nom de Leio, Arkane ou même Orion ? Je m'arrête devant une tombe vierge. La tristesse se mêle à la peur. Et lorsque je lève enfin les yeux, la surprise prend le pas sur tout le reste. Un étalon à la robe nacrée se tient quelques rangées plus loin. Les rayons argentés de la lune dansent sur son corps svelte. L'espace d'un instant, j'ai l'impression de rêver. Mes jambes se font lourdes, j'ai l'impression que je vais m'écrouler d'une seconde à l'autre. Plusieurs souvenirs s'invitent dans mon esprit et me font tourner la tête.
- Orion ? Je l'appelle, le cœur battant.
Est-ce vraiment lui ? J'aimerais tant y croire. Est-il revenu ? Pour moi ? Je saute par dessus les pierres funéraires pour réduire la distance entre nous. Il ne reste plus que deux ou trois rangées. Je me fige. J'ai peur de le voir disparaître, comme tant d'autres fois auparavant. Il avait longtemps hanté mes rêves, après sa disparition si brutale.

We were walking on moonlight
And you pulled me close
Split second and you disappeared
And then I was all alone

Je ne quitte pas une seule seconde la silhouette fantomatique du regard. Mon cœur bat à toute allure, perdu entre la joie immense et la crainte. Je m'attends à toutes les possibilités mais surtout à ce qu'il disparaisse comme il était apparu. Je ramène tout mon poids sur mon arrière-main pour franchir la seconde ligne de pierres tombales et je me fige dès que mes quatre sabots sont de nouveau en contact avec le sol. Il n'a pas encore disparu mais il ne m'a pas répondu non plus. Il n'a fait que de se tourner vers moi. Je reste sur mes gardes et m'efforce de ne pas me faire de faux espoirs. Dans mes rêves, ça se passait toujours ainsi. Il était là, si près et pourtant si loin. Et dès que j'étais assez proche pour le toucher, il se volatilisait comme par enchantement. J'hésite. Est-ce que je me franchis la dernière ligne qui nous sépare ? Ou est-ce que je me contente de cette proximité insuffisante ?
- Ne t'en vas pas cette fois je t'en prie, je souffle à voix basse, peut-être pas assez fort pour qu'il entende.
Je prends une grande inspiration, comme pour me donner du courage. Et enfin, je bondis par dessus les tombes pour me retrouver dans la même allée que lui. Va-t-il disparaître maintenant ?

Mon souffle se coupe quelques secondes lorsqu'il se met en marche pour effacer le peu de distance qu'il reste entre nous. Mon cœur bat la chamade. Il est incontrôlable. J'ai beau essayer de l'apaiser, rien ne marche. Plus l'étalon se rapproche et plus je me sens fébrile. Il va disparaître d'une minute à l'autre, j'en suis persuadée. A moins que ce ne soit qu'un rêve ? Encore l'un de ces stupides rêves bleu. Je reprends un peu mes esprits, lorsqu'il s'arrête enfin, son poitrail presque contre le mien. Mes iris bleus plongent dans les siens tout aussi translucides. Au fond de moi, je réalise que l'étalon n'est pas un fantôme et que je ne suis pas entrain de rêver. Je sais que ce n'est pas Orion. Et pourtant, pour une raison qui m'est parfaitement inconnue, je refuse de me faire à cette réalité. Alors je décide tout simplement de me blottir confortablement dans cette douce illusion qui m'apaise tant, en avançant d'un pas pour coller mon poitrail contre celui de l'étalon.

Je profite de notre proximité pour analyser son odeur. Elle est fortement boisée, comme s'il vivait dans la forêt. Les quelques crins qui se dressent sur son encolure aux muscles finement sculptés portent l'odeur si facilement reconnaissable de la mousse. Je n'ai plus tellement de doute sur son lieu de repos favori. Sauf si se rouler dans la mousse représente l'une de ses passions évidemment. Je sens ses naseaux parcourir ma joue. Je frissonne. Mes pensées tourbillonnent, s'emmêlent, s'entrechoquent en même temps que mes sentiments. Autour de moi, de nous, le paysage change. L'obscurité se profile lentement alors que les quatre murs qui nous enserrent se mettent à briller d'une faible lueur. Le souvenir de cet endroit est pour ainsi dire intact. J'en perds mon souffle. Je suis revenue des années en arrière. Les lèvres de l'akhal finissent par trouver les miennes et je me laisse faire, telle une poupée de chiffon, portée par la douce violence de mes souvenirs d'adolescence.

( Milles excuses, me revoilà! :catwoman: )

Le contact est rompu par l'akhal. Et dans son mouvement de recul, je sens un regret palpable. Curieusement, mettre une fin à ce baiser enflammé fut difficile tant pour lui que pour moi. La raison m'échappe totalement. Je suis focalisée sur les battements de mon cœur et sur cet insupportable bourdonnement qui me rend sourde. Je réalise tardivement qu'il est entrain de s'éloigner. Deux options s'offrent à moi et pour la première fois depuis notre rencontre, j'hésite. Est-ce que je dois laisser ce fantôme du passé repartir d'où il est venu ? Certainement. A quoi bon courir après les restes d'un passé décomposé ? Un long soupir m'échappe et une rafale de vent glaciale m'arrache un frisson. Je décide finalement de tourner les talons à mon tour pour rentrer chez moi. Chez les Wiha.

( Out! Ce fut un rp intense et plein d'émotion ma foi )