de nos larmes naîtront nos armes

Il n'avait aucune idée depuis combien de temps il galopait ainsi, à en perdre le souffle, à en perdre la tête. Quelques heures déjà certainement, quelques jours peut être. La rage lui faisait certainement perdre la notion du temps.
Les nouvelles filaient, d'oreilles en oreilles, de bouche en bouche, parcourant des kilomètres, pour atterrir jusqu'à lui. Sa mère n'avait eut qu'à lui dire : Vas y, pour qu'il ne revienne chez lui, s'il pouvait vraiment appeler ces terres ainsi. Il avait ressenti le besoin de voir Isildure, mais il avait suffit de sa brève absente pour qu'une menace de mort plane au dessus de la tête de son fils.

Le grand étalon bicolore était posté en hauteur. Il observait le soleil décliner à l'horizon. Le crépuscule pointait le bout de son nez. Il trouvait étrange de ne pas avoir découvert ces terres plus tôt, mais n'était pas moins ravi de s'y trouver aujourd'hui. Le félin pense. A tout. A sa famille. A son clan. A Lov. Les choses ne se déroulent pas bien. Son entourage s'éloigne. Ses problèmes se rapprochent. Il plaint l'absence de Plum et de June. Celle d'Isildure aussi. Et par dessus tout, celle d'Hook et de ses sœurs. Ses piliers, ses repères disparaissent. Asmund prend une grande inspiration et ferme les yeux.

(je suis un gros caca d’inactivité en ce moment et je m’en excuse milles fois, je me mets un coup de pied aux fesses pour reprendre une activité correcte !)

Les terres sèches et ravagées des montagnes dévalent sous ses sabots sans qu’il n’y prête la moindre attention, sans qu’un souvenir nostalgique ne s’immisce dans son esprit en lui disant que peut être, ici pouvait être bel et bien son nouveau chez lui après tout. Rien d’autre n’avait d’importance que la colère qui ébouillantait l’ensemble de son être.

Une silhouette se dresse sur son chemin au loin. Une silhouette peu commune, et même si il en avait été autrement, il la reconnaîtrait entre mille. Parce que cette silhouette était une partie de lui même, une partie de son âme, de sa chair et de son sang.
Il ralentit en arrivant près d’Asmund, couvert de sueur sans doute jusqu’aux os. Son souffle est à la fois court et emballé, ses flancs et son poitrail se soulevant à de très courts et rapides intervalles. C’est quoi ce bordel As’ ? parvient il à exploser au bout d’un bref instant de silence, sans que sa colère ne soit dirigée envers son frère.

Comme par magie, Hooker apparaît dans le champ de vision du jaguar. Et même si Asmund est ravi de le voir, enfin, après tout ce temps, il est préoccupé. Son galop bruyant et empressé ne signale rien de bon. Il l'a apprit. Il allait le savoir à un moment ou un autre de toute façon. Mais le félin aurait préféré le lui annoncer lui-même. Désormais, Asmund se doute de la colère dans laquelle est plongé son aîné. Le raisonner ne risque pas d'être une tâche facile. Surtout lorsqu'on est soi-même contre cette décision. Mais l'appaloosa est peut-être le seul à pouvoir le calmer. Il va devoir se montrer convaincant.
Hooker rentre immédiatement dans le vif du sujet. L'absence de l'habituelle accolade fraternelle permet à Asmund de jauger le degrés de rage qui sommeille en son frère. Il va devoir choisir ses mots avec précaution, il sait à quel point le guerrier Shaan est impulsif. Personne ne posera la main sur lui. La décision d'Hekâ est claire, notre refus l'est également. Elle est alpha, nous sommes une famille. Il prend une grande inspiration, cherchant le regard de son aîné. Envers Hekâ, Asmund éprouve un respect sans limite. Une loyauté franche et prouvée. Mais cette sentence, il ne peut l'accepter. Il ne peut aller au delà de son bannissement. Nous décidons encore de ce que nous infligeons à notre propre sang.

Hook n'entend pas vraiment les réelles paroles d'Asmund, ou plutôt, il entend le sens caché de ce qu'elles veulent réellement tenter de lui dire. Personne de notre famille ne posera la main sur lui. Les autres, qu'est ce qu'ils peuvent bien avoir à faire du sort de X ? Mais malheureusement pour les Shaan, heureusement pour lui ?, plus de la moitié du groupe était composé de leur sang. Et s'il tentait un coup d'état ? La rage aveuglante qui l'habite le pousse à le faire, il n'a eut de cesse d'y penser depuis son départ d'auprès Isildure jusqu'à ici. Mais il y avait deux ombres à ce funeste tableau : Asmund et Hekâ. Il ne voulait pas contraindre son frère à devoir faire un choix. Et Hekâ était une adversaire redoutable. Il était déjà passé de très près de la mort en affrontant un colosse bien plus expérimenté que lui, mais aujourd'hui il avait encore plus à perdre qu'autrefois. Néanmoins, il ne pouvait pas juste dire ok, ça me va. Impossible. Même si aucun mal physique n'avait encore été fait à son fils, juste l'énonciation d'une menace de mort était assimilé comme un acte de trahison envers son sang.
Ses mâchoires restent closes, si fortement que ses dents en grincent par moment. Il fuit le regard d'Asmund car il sait qu'il lira en lui comme dans un livre stupidement ouvert, tout comme il sait qu'il tentera de le raisonner. Beaucoup on essayer à un moment de leur vie de le faire, et ce fut comme se heurter violemment aux flancs acérés d'une falaise. J'étais pas là putain ... finit-il par marmonner, sans pour autant desserrer ses dents fermement vérouillées. Au delà de l'amertume, la colère et la hargne, c'est aussi la culpabilité qui le conssumme.
L'appaloosa finit enfin par porter son regard sur As' et se demande comment il fait pour paraître toujours si calme, si controlé, alors que lui n'est qu'explosion. Parfois cela l'amuse, aujourd'hui cela le frustre. Il finit par soupirer. Et toi, qu'est ce que tu penses de tout ça ? Et Gaya ? Les autres ?

#ilsaitpasqueGayaestdead #bonchance

Effectivement, il est particulièrement agaçant de voir jusqu'à quelle limite Asmund peut garder ce calme olympien. Mais dans de nombreuses situations, cette passivité l'aura aidé. Bien qu'à cet instant précis, Hooker aimerait mille fois sentir l'indignation de son frère pour que leur rébellion soit commune, l'appaloosa se refuse à lui montrer ses véritables émotions. Non pas qu'il en ai honte, mais il juge que pour le bien-être de son aîné, il ne doit pas l'encourager à céder à sa colère. Dieu sait quelles folies il serait capable de faire. Hook' est courageux, peut-être parfois un peu trop. Il n'a peur de rien et c'est ce qui inquiète le guerrier Shaan. Il est intelligent et pense souvent, mais parfois trop tard. Peu étaient là. Seule Aulia a manifesté une véritable indignation. Victory aussi. D'ailleurs, Nyveèn l'a immédiatement attaquée et je t'avoue qu'une fois de plus, je me suis demandé ce qu'elle fichait au sein des Shaans. Toutes les merdes qui arrivent au clan semblent trouver source auprès de cette vermine. Elle m'a même menacé de me faire expulser du clan. Tu y crois toi ? Finalement, à mesure qu'il parle de l'araignée, il se rend compte que les mots parlent d'eux-mêmes. Alors qu'il garde une image posée, ses accusations sont révélatrices de son état d'esprit.
Il a la haine, lui aussi.
Contre elle.

Hooker assimile chaque informations que son frère lui dévoile, les stocks dans la noire tempête qui s’agite en lui. Il est fier d’entendre qu’Aulia s’est indignée, à contester, et pensera à remercier Victory s’il était amené à la recroiser.
Mais à mesure qu’il lui parle de Nyveèn, l’envie de retrouver sa tête sous ses sabots et de repeindre le sol de son sang se transforme en besoin vital et viscéral. Peu importe à quel point X a pu merder et ce qu’il lui a fait, elle semble le mériter, c’est une ennemie à notre sang. conclut le mâle, mâchoire serrée. Et tôt ou tard, elle paiera. (et encore ils savent pas pour Gaya rip).

Hooker reste un instant silencieux, ses yeux dans ceux de son frère, puis il redresse l’encolure. J’ai été voir Maman. lui annonce t’il précautionneusement. Non pas qu’il n’en avait pas le droit, c’était surtout pour la suite des révélations. Je ne suis jamais senti à ma place au sein des Shaans, ni dans cette jungle. J’étais perdu, j’avais besoin de la voir. Il ne se justifie pas, il lui explique, car il ne souhaite pas qu’il prenne ce qu’il s’apprêtait à lui dire comme une trahison. Et elle m’a aidé à me souvenir, à ma rappeler qui j’étais, qui nous sommes. Une certainement fierté pointe dans sa voix. Hook avait toujours été fier de leur famille et de leur unité, fier du sang qui coulait dans ses veines. Je quitte les Shaans, j’en informerai Hekâ et de toute manière je n’aurai pas pu rester après tout ça, j’aurai fini par faire de la merde. Et il ne voulait pas que ça en pâtisse sur les membres de sa famille, qui composait majoritairement le clan Shaan. Je ne te demande pas de choisir entre eux et moi. Tu es libre de tes décisions mon frère, et cela ne changera rien à l’amour que je te porte. Tu es une partie de moi, et cela ne changera jamais. Le lien qui les unissait était extrêmement fort, depuis toujours, mais c’était la première fois qu’il lui dévoilait avec des mots.

Asmund tend un peu plus l'oreille lorsque Hooker entame un nouveau sujet. Il ne peut pas réfuter que ça lui fait quelque chose au cœur d'entendre son frère parler ainsi, énoncer leur mère et ses dires. Elle lui manque terriblement. Il aimerait qu'elle soit auprès d'eux pour les conseiller, les guider, les encourager. Il sait qu'il peut vivre sans elle, mais que les choses se dérouleraient milles fois mieux en sa présence. La présence d'une mère, d'une reine, d'Isildure.
Mais à mesure que son aîné parle, l'appaloosa a l'impression d'étouffer. Il sait quel sera le fin mot de l'histoire avant même que Hooker ne l'annonce. Il quitte les Shaans. Et c'est là une révélation qui laisse Asmund sans voix pendant quelques secondes, quelques minutes. Des milliards de questions, d'hypothèses et de situations traversent l'esprit du guerrier. Serait-il prêt à rompre son sens de l'honneur et son dévouement à son amie d'enfance pour suivre sa famille ? La famille a, toute sa vie, primé. Sur absolument tout. Elle lui a apprit à être loyal. Et il l'a été, avec son clan et avec sa famille. Jusqu'à maintenant, les deux étaient liés et les choses étaient simples. Aujourd'hui, le départ de Hooker complique tout. Le jaguar reste immobile et muet.
Il finit par relever le regard vers son frère. Son cher frère. La prunelle de ses yeux. Son éternel pilier, plus présent encore que ne l'a été son propre père. Je comprends ta décision. Et aussi, je l'accepte. Je ne t'en voudrai jamais de suivre ton instinct et par dessus tout, ton cœur. Et même si j'ai de bonnes raisons, comme toi, de quitter les Shaans, j'en ai aussi de bonnes pour rester. Il sent son cœur se déchirer. Il a l'impression de trahir son frère. De trahir toute sa famille. Il ne sait même pas si ses filles le suivront. C'est ça, d'avoir une grande famille. Il faut penser à tout le monde. Même si l'être qui vous quitte est le plus important. Asmund a toujours été plus proche de son aîné que de Bryséis ou même de Gaya. Elles ont beau être des trésors d'une valeur inestimable aux yeux de l'étalon, il n'a jamais eu un lien aussi fort qu'avec son frère. J'ai besoin de réfléchir à tout ça. Ma décision n'est pas encore prise. Mais quel qu'elle soit, je ne veux pas que nous soyons éloignés ou même séparés. J'ai besoin que notre relation reste la même. Que tu sois éternellement mon frère.

Hooker ne quitte pas des yeux son frère, inquiet de ce qu'il pourrait y lire, mais ne pouvant se résoudre à se détacher d'eux, car il avait besoin de savoir l'entièreté des sentiments et des émotions que créeaient cette nouvelle chez Asmund. Il voulait voir et ressentir les bonnes comme les mauvaises choses que son frère aurait à lui livrer sans qu'il n'ait forcément besoin de parler. Et le picoté ne tarde pas à le laisser pénétrer en lui sans qu'encore un seul mot n'ait passé la barrière de ses lèvres. Hooker s'en veut de lui infliger ça, et il savait que cela serait le moment délicat à vivre avant de sauter le pas. Il ressenti le désarroi de son frère comme s'il s'agissait du sien, presque peut être au point d'insinuer le doute en lui. Presque. Car c'est trop tard, il est fermement décidé à aller jusqu'au bout. Il ne s'est jamais senti à sa place et avec tout ce merdier qui venait se poser là dessus, il était impossible pour lui de rester au sein des Shaans, d'être un Shaan.
Hook se rapproche un peu plus de lui, comme pour l'inciter à se confier, à ne rien craindre de son ainé. Pas de barrières entre eux, jamais, même s'il ne peut s'empêcher de craindre d'avoir fait une connerie, d'avoir peut être fragilisé ce lien si spécial entre eux. Mais les mots d'Asmund le rassure, le font soupirer discrètement de soulagement, fermant un instant les yeux avant de les rouvrir et de tomber directement dans ceux de son double. Je mentirai si je disais que je ne te veux pas à mes côtés. Mais je ne t'imposerai pas de faire un choix, je te ne demanderai pas de quitter Hekâ et les Shaans et de me suivre, où que j'aille et quoi que je fasse. Toi seul est décisionnaire de cela, et quoi qu'il advienne, ma vie sera toujours tienne. Hooker avance encore, réduisant à néant le peu de centimètres qui les séparaient, et venant poser son chanfrein à la verticale du sien. Tu es mon frère, rien et personne ne changera ça. Et plus que tout, moi aussi j'ai besoin que ça, ça ne change jamais. Il fait glisser son chanfrein afin d'enlacer son frère cette fois, puissament, avant de se reculer et le laisser un peu respirer. Son éternel sourire malicieux ornant ses lèvres. Je compte bien créer un nouveau chez nous, je ne suis pas fait pour rester dans mon coin, d'être un solitaire sans but. Si tu décides de rester chez les Shaans, tu seras toujours et en tout temps le bienvenue. Si tu décides de nous rejoindre, ça sera toi et moi comme ça aurait du l'être depuis longtemps. Son sourire s'est transformé en quelque chose de sincère, quelque chose de remplit d'émotions. Bon ok, peut être que là j'essaie de t'influencer un peu. lâche t-il en riant, mais il ne pouvait cacher le fait que cela serait la concrétisation de ce qui les unissait. Prends ton temps, réfléchis. Je vais rejoindre Phoenix et lui annoncer tout ça. Cela ne sera pas de tout repos... Puis j'irai voir Hekâ. Il frole les naseaux d'Asmund avant de lui sourire et de se diriger vers l'Antre des Guérisseurs. Ils se reverraient bien vite.

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