Tous les silences ne font pas le même bruit //W//

La banquise a toujours été l'un de ses endroits favori. Ici, elle s'y sent comme chez elle. Le silence, la solitude, le froid, la neige et tout le reste... Elle trouve ça tellement agréable. Un vrai petit coin de paradis. Un royaume rien que pour elle. Et même si elle aime la solitude et le silence, elle apprécie réellement qu'un individu - notamment de sexe masculin - vienne se perdre dans les terres glacées. D'ailleurs, l'arrivée du gris n'échappe absolument pas à la panthère qui vient aussitôt à sa rencontre en faisant bien attention à se mettre en valeur sans pour autant en faire de trop. Le but est de sembler parfaitement naturelle. Charmante mais naturelle. Une beauté sauvage et aussi brute et raffinée qu'un diamant sortant de la mine.
- Bonjour.

( Mouahah, tu n'avais qu'à choisir Myo! )

Enfoiré. C'est le premier mot qui lui vient en tête. C'est aussi le premier mot qui vient à la petite voix.
Pourtant, malgré cette attitude déplacée et dénuée de charme, Rosie décide d'insister. C'est pas grave, elle met son plan A de côté et met son plan B à exécution. Elle va simplement l'aborder d'une manière différente. Elle le rejoint rapidement, en quelques foulées de trot et se place devant lui pour lui faire barrage. Elle affiche un air complètement perdu. Un peu inquiet aussi, pour attirer sa sympathie. Même le pire des cons est capable d'empathie envers quelqu'un qui a perdu son chemin.
- Excusez moi, je suis perdue. Ça fait des heures que je marche dans le froid... J'espérais que vous pourriez m'aider, vous êtes la première personne que je croise en ces terres désertiques, lui explique-t-elle avant de reculer de quelques pas pour lui libérer le passage.

Il faut bien l'avouer, Rosie n'a pas souvent été confrontée aux échecs cuisants comme celui d'aujourd'hui. Il était bien rare qu'on ne se montre pas sympathique avec elle. C'est peut-être même l'unique fois qu'on lui manque autant que ça de respect. C'est donc tout naturellement que la colère fit son apparition, bien qu'elle fit en sorte de ne pas le montrer. Une part d'elle désire simplement le tuer de la manière la plus infâme qui soit. Pourtant, lorsqu'il reprend sa route, elle ne le suit pas. Elle reste immobile au beau milieu de la banquise. Ses pensées se déchirent et ses muscles se tendent. Elle est à deux doigts d'aller lui faire la peau lorsque, enfin, la petite voix s'éveille. Laisse tomber, susurre-t-elle. Alors Rosie ferme un instant les yeux, prend quelques minutes pour se calmer puis tourne les talons pour s'enfoncer au cœur de la banquise.

Si seulement il savait qu'elle connaissait pour ainsi dire parfaitement l'endroit, ça lui aurait éviter de tenter de la rejoindre pour rien. D'autant plus que maintenant, Rosie n'est plus vraiment encline à accepter l'aide du mâle. En temps normal, elle aurait sans doute sauté sur l'occasion et aurait reprit son plan là où il s'était arrêté comme si de rien n'était. Sauf que là, elle n'en a pas envie. Peut-être par orgueil et vanité, oui. D'ailleurs, elle ne manque pas de le lui faire savoir, en couchant ses oreilles contre sa nuque.
- Allez vous faire foutre, gronde-t-elle avec colère sans prendre la peine ni de s'arrêter ni de ralentir pour le laisser la rejoindre.

Les nouvelles paroles de l'étalon achèvent son envie de faire du mal. De lui faire du mal. Elle s'arrête brusquement, l'échine totalement hérissée. Son sang pulse avec force dans ses veines, mais cette fois ci, elle ne prend pas la peine de cacher sa colère, ni d'essayer de se calmer. Elle se retourne en pivotant sur ses postérieurs, dans une pirouette pleine d'élégance mais avec bien moins de douceur qu'à l'accoutumé.
- Alors premièrement, je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer. Et deuxièmement, vous n'aviez pas besoin de préciser une seconde fois que vous souhaitez ma mort, puisque la première fois je l'avais déjà parfaitement compris, réplique-t-elle, partagée entre la colère et l'exaspération.
Il l'a piquée et ça ne lui plait pas. Néanmoins, elle lui laisse une dernière chance de se rattraper en s'excusant au moins pour son manque de délicatesse. Car après tout, qu'il refuse de l'aider passe encore, mais qu'il souhaite son infortune, ça ne lui plaisait pas du tout. Même si dans le fond, elle ne risquait pas grand chose, seule sur la banquise.

Et malheureusement pour lui, Rosie était bien la dernière à accepter de s'aplatir devant un malheureux décidé à jouer au coq de basse-cour. Alors lorsqu'il se redresse pour la surplomber de toute sa hauteur, Rosie se met à rire. D'un rire franc et naturel. Un rire charmant, s'il n'avait pas été si moqueur.
- Est-ce que monsieur aurait un petit soucis de supériorité ? Réplique-t-elle à son tour, bien décidée à lui rendre la monnaie de sa pièce.
Ainsi, elle ignore sa question qui, de toutes manières, n'a aucun intérêt pour elle. De toutes façons, elle ne compte plus l'attirer dans ses filets par le biais de l'affection et tout autre chose agréable. Maintenant, la seule chose qui compte pour elle, c'est son envie de vengeance et de faire du mal. Et pour y parvenir, elle est prête à user de toutes sortes de stratagèmes. La machine est en marche.