Les doigts blancs

La lionne l'observe, du haut d'un promontoire. Sa silhouette lui dit vaguement quelque chose mais sa mémoire trop sélective l'a sûrement écartée à un moment donné. Elle ne s'approche pas ni ne dénonce sa présence, attendant simplement qu'il lève la tête et la remarque.

Mais Löv n'est ni gênée ni ennuyée. Elle attend simplement, sans croire à quelque chose d'exceptionnel au bout de cette attente qui se fait longue. Elle le fixe sans vraiment le voir, pourtant elle est entièrement présente lorsqu'enfin, leurs regards se croisent. Elle entend sa voix et en est à présent persuadée, elle le connait. Mais de où ? Et quand ? Peut-être qu'elle était ivre, elle aussi. Face à son invitation camouflée, elle se déploie lourdement mais toujours gracieusement, atterrissant juste à côté de lui dans un fin nuage de poussière qui, peut-être, le gênera en s'accrochant à ses poils si bien lissés. À côté, elle a l'air négligée. Ses longs crins blancs sont emmêlés, son poil par endroits est terne ou absent, laissant apparaître quelques cicatrices, quelques écorchures, quelques faiblesses dans ses combats. Son oreille gauche est absente, elle aussi. Les parias. Elle ne ressemble pas à une princesse, n'en a jamais été une. Plutôt une guerrière féroce et bien entraînée. Plutôt, oui. Vous me rappelez quelqu'un mais je peine à savoir qui, fait-elle en allant droit au but, devant lui, droite.

En effet, ça l'aide à se souvenir puisqu'elle dresse les oreilles et affiche une moue amusée. Ah ! Ça me dit vaguement quelque chose, en effet Elle s'ébroue et se rapproche du mâle. Je crois que je ne vous aviez pas demandé votre nom.

En effet, le nom ne lui dit rien du tout Lövojka. Elle l'observe, un sourire amusé au bord des lèvres. Enchantée, si je peux me permettre de le dire maintenant.

Elle hoche la tête avec un fin sourire. Eh oui. Fidèle. Toi, tu as voyagé depuis notre... entrevue ?

Beaucoup, oui. Elle n'explique rien, ne s'exprime pas plus sur les nouvelles. Au fond, en effet, ils ne se connaissent pas. Et elle aime cette distance mesurée entre eux. Elle désigne son ventre arrondi. T'en fais pas, c'est pas le tien fait-elle pour plaisanter vu que, de toute façon, il s'est écoulé bien trop de temps depuis.

Mais elle esquisse un sourire simple. Merci, fait-elle en guise d'approbation. Elle secoue sa longue crinière blanche et emmêlée. Je me fais vieille, mes membres s'engourdissent plus rapidement si je reste immobile trop longtemps. Tu marches avec moi ?