Soleil d'Automne //F//

Le soleil est à peine levé sur la prairie. Les premiers oiseaux sortent de leur nid pour aller humecter leurs plumes de la rosée du matin. Fiona se promène dans la pouponnière aux papillons. Elle marche, marche, et marche sans s'arrêter. Son ventre est rond comme un ballon, prêt à exploser. Ce matin, elle a été réveillé par de douloureuses contractions. Aujourd'hui, était un grand jour, c'était LE grand jour. Depuis le temps qu'elle l'attendait. Son ventre n'avait jamais été aussi gros, même lors de sa précédente grossesse. Son petit devait être très grand. Cela l'inquiétait un peu. Serait-elle capable de le mettre au monde seule ? La dernière fois Njörd était là, et Lyra aussi. Grâce à eux, elle avait trouvé la force de faire naître Aya. Aujourd'hui, elle ne pouvait compter que sur elle même. Sauf peut-être si une âme charitable passait dans le coin, mais l'arabe en doutait. Elle avait choisit ce lieu inoccupé justement pour sa tranquillité. Ici elle pourrait mettre son petit au monde sans craindre les prédateurs. Sa seule crainte : Que l'odeur de son sang ne les attire.

Fiona souffle, ses naseaux sont dilatés à leur maximum, en marchant, elle espère faire accélérer le travail. Ce n'est que plusieurs heures plus tard qu'une douleur lancinante la force à plier le genou. C'est le moment. La jument se couche avec toute la légèreté donc elle est capable. Elle pose sa tête au sol et souffle doucement. C'est parti. La jument inspire à fond pour se donner du courage. Que le travail commence.   

Aujourd'hui, quelque chose le tiraille, l'attire vers la lumière. Mais pourquoi donc ? Le néant a quelque chose de si apaisant, dans cet antre chaud et liquide… Il n'a absolument pas envie de partir, ses muscles frêles se contractent, s'agrippent contre les parois comme si la vie en dépendait. S'il s'accroche assez fort, peut-être restera-t-il là à tout jamais ?

Mais c'est plus fort que lui, bien plus fort. Cet appel, il ne peut y résister.

Les contractions s'intensifient, Fiona doit redoubler de patience pour supporter la douleur. Sa respiration s'accélère et ses naseaux sont dilatés à leur maximum. Elle ne se souvenait pas que l'attente était si longue. Le temps passent toujours plus lentement lorsqu'on est seul. Fiona serre les dents et encaisse en ne laissant échapper que quelques petits gémissements. Son poil est recouvert d'une pellicule de sueur. La jument pousse de toutes ses forces mais le travail n'avance pas. La futur mère s'épuise, et sa vision se trouble un peu. " Non.. je dois y arriver. " gémit elle. " Pour mon enfant. " Fiona ferme les yeux, se concentre, et pousse de toutes ses forces en hurlant de douleur. Elle devait avoir réveillé la moitié de la forêt, mais c'était le prix à payer pour faire naître son enfant.  

Cette envie s'intensifie, lui brûle l'échine, il n'a pas d'autres choix que de se laisser porter. Happé par le monde qui l'appelle, il gigote dans tous les sens, électrisé par une sensation étrange qui fait vibrer son corps entier. À mesure qu'il se détache du néant, il se sent irrésistiblement attiré par la lumière. Sa conscience se réveille. La sortie se dessine franchement devant lui, comme si le corps de sa mère avait terminé de prendre ses mesures et qu'il était temps d'atterrir sur Terre.

Il pousse, pousse contre les parois et pour la première fois, ressent l'envie irrépressible d'hennir, d'hurler au monde sa présence. Mais ses poumons gorgés d'eau le bloquent dans cette entreprise et sa gorge brûle d'un feu ardent. Le temps est compté.

La douleur est intense mais Fiona trouve quand même le courage de se redresser pour regarder où en est le travail. Le petit se présente par le siège, ce n'est pas optimal mais de toute façon elle devra faire avec. Le petit arrête enfin de s'agiter. Est ce qu'il la laissait enfin pousser tranquillement ou bien est-ce qu'il était en détresse ? Impossible de le savoir. Fiona doit redoubler d'effort, le temps est compté. La jeune mère doit lutter contre les vertiges, elle pousse autant qu'elle le peut à chaque contractions en priant pour que les sabots du petit ne déchirent pas tout sur son passage. Allez Fiona tu peux le faire, tu dois le faire. dit elle intérieurement pour garder courage. Le petit s'engage enfin dans le bassin, la fin est proche. Fiona n'a plus de forces, plus d'énergies, sa vision est trouble et ses oreilles bourdonnent (et là elle s'évanouie et Ash meure muahahahha ). La jument est au bord de l'évanouissement mais elle tient bon. Au bout d'une ultime contraction, l'arabe réussi enfin à faire naitre son petit. Le corps tremblant, les muscles ankylosés, elle réussi à trouver la force de se redresser pour détacher la poche des eaux et permettre à son petit de respirer. La brune puise dans ses dernières forces pour lécher frénétiquement son petit afin de stimuler sa respiration. "Allez mon petit, c'est à ton tour de te battre. Respires. Je t'en prie" implore t elle, en continuant de le lécher.  

La lumière est de plus en plus forte et il sait que la fin du travail approche, une fin qui embraye sur un début. Il est tiré vers l'extérieur à chaque nouvelle poussée, mais ne parvient toujours pas à respirer, prisonnier du liquide qui jusqu'ici, l'a maintenu en vie. Quelle ironie, quand on pense que d'ici quelques minutes, il pourrait le tuer tout aussi facilement.

Une dernière poussée le propulse pour de bon sur la terre ferme. Sa vue est un flou artistique en ombre et lumière, il ne discerne rien. Sa gorge brûle comme un brasier déchaîné et cette douleur lancinante lui pique les yeux. Il aimerait ouvrir la bouche, respirer, mais il est si faible… Le néant reprend place, comme dans le ventre de sa mère. N'est-ce pas plus simple ?

Mais non. Il sent quelque chose, une chose puissante et déterminée, lui secouer l'échine. Cette chose qui irradie de sa mère lui intime de se battre, de chercher à respirer. Elle coule dans ses veines, dans son corps entier, comme une cascade de vie et finalement, sa mâchoire s'actionne. Le voilà qui respire enfin, à pleins poumons.

Fiona continue de lécher frénétiquement son fils, l'attente est longue et interminable. Le coeur de Fiona bât la chamade. Elle commence à paniquer. " Allez... allez.. tu peux le faire. " Fiona sent les larmes lui monter aux yeux, la mise-bas avait été longue, si le petit ne survivais pas, elle se tiendrait responsable jusqu'à la fin de ses jours. Non. J'ai promis à Jake de lui offrir un petit en bonne santé. On ne peut pas échouer maintenant. Fiona continue de le stimuler, presque compulsivement. Alors qu'elle pense avoir perdu tout espoir, le corps du poulain sursaute, ses poumons se gonflent d'air, pour la première fois. La jeune mère ne peut retenir ses larmes plus longtemps. Elle embrasse son petit sur le front. Son fils. Car oui, c'est un garçon, Fiona l'avait toujours sût. A bout de force, la mère laisse retomber sa tête sur le sol, sa vision est trouble, elle a donné ses dernières forces pour son fils. Elle a besoin de se reposer, mais ce n'est pas le moment, elle doit le nettoyer, le réchauffer, et lui donner son premier lait. L'amour fait oublier à Fiona la fatigue. D'un geste doux, elle ramène son fils contre elle pour lui offrir la chaleur de son corps humide. Les premiers rayons de soleil viennent éclairer le ciel rosé. Un nouveau soleil est né ce matin.

Ses poumons se soulèvent à une vitesse frénétique et il avale de grandes bouffées d'air frais qui lui font un bien fou. Mais, très vite, la fraîcheur de la brise matinale le fait frémir, et il vient se lover contre le corps brûlant de sa mère, son nouveau cocon extérieur. Sa vision est toujours trouble, mais il commence à discerner des formes et des couleurs. Ses naseaux vrombissent comme le ronron d'un moteur à peine démarré. Il capte toutes sortes d'odeurs inconnues qui éveillent ses sens un à un et ses petites oreilles font le tourniquet, à la recherche de nouveaux sons. C'était donc cela, la vie ? Un maelstrom de couleurs, de mélodies et d'odeurs ?

La faim lui taraude l'estomac, qui hurle comme un ogre bourru. D'un geste maladroit, typique des nouveaux-nés, son instinct le pousse à tâter le ventre de sa mère. Assez promptement, il tombe nez à nez avec des mamelles rosies et turgides, qui semblent bien gorgées de lait. Timidement d'abord, puis plus franchement, il s'en empare et ronronne de délectation en sentant le liquide chaud s'écouler le long de sa gorge sèche, encore marquée par la brûlure de l'oxygène.

À la fin de son repas, sa vision s'affine encore. Il discerne le corps de sa mère, la délicatesse de ses traits, l'amour qui s'en dégage - et son visage se fend en un sourire. C'est un réflexe qu'il ne peut contenir, mais qui n'est pas franchement désagréable. Alors il sourit, de toutes ses dents, guettant une réaction… jusqu'à ce qu'un autre équidé pénètre dans son champ de vision. Son odeur est plus boisée, plus marquée et sa voix monte dans les graves. Il le regarde avec un mélange de fascination et d'incompréhension. Qui est-il ? Pour toute réponse, il lui sourit.

Fiona regarde son petit monstre dévorer ses mamelles avec appétit. Elle est tellement absorbée par son petit qu'elle ne remarque pas Jake arriver. Il reste à une distance éloignée, Fiona agite la tête de bas en haut pour l'inviter à s'approcher et découvrir son fils. La jument à le poils encore trempé de sueur et elle est toute décoiffée, malgré tout, on ne l'a jamais vu si resplendissante. Elle effleure l'encolure de son fils avec douceur et souffle un air chaud et réconfortant pour s'imprégner de son parfum. Elle reporte ensuite son attention sur le papa, qui semble lui aussi tout bouleversé. " Oui. Magnifique, c'est le mot. " Elle tend ses naseaux vers Jake et l'effleure avec affection. Son regard brille de reconnaissance. Merci de m'avoir offert un fils en pleine forme. " C'est un garçon. Comment voudrais-tu l'appeler ? " demande t elle en pointant ses oreilles vers le pie. Son petit se décide enfin à lâcher ses mamelles et regarde autour de lui avec ses grands yeux ensommeillés. Il lui offre le plus beau des cadeaux, son premier sourire. Fiona n'en peux plus. Son coeur fond d'amour. Elle embrasse son petit sur le front et laisse couler quelques larmes d'émotion.

Ses yeux curieux balayent les environs, de gauche à droite, s'imprégnant des formes et des couleurs. Ils font la navette entre le paysage et ses parents, qui le regardent avec des yeux pétillants et humides. Tiens, qu'est-ce donc que ces perles translucides qui leur tombent des yeux ? Il s'approche, renifle, et goutte du bout de la langue. Le goût salé le surprend. Il recule doucement et roule sa langue contre ses lèvres, déçu. Il s'attendait à quelque chose de plus acidulé, un peu comme le goût des rêves - ou tout du moins, le goût qu'IL donne aux rêves.

Lorsqu'il sent l'encolure de sa mère tout contre lui et les lèvres chaudes de son père lui frôler le front, il réprime un frisson de satisfaction. Il se sent aimé, protégé… et cette émotion fait voler une nuée de papillons au fond de son cœur. Il sourit de plus belle, en tendant l'oreille. Ash ? Répète-t-il, captant les paroles du pie. Dans la bouche de son père, ce son lui plaisait déjà. Dans la sienne, il lui plaît encore plus.

Fiona regarde son fils avec les yeux brillants de fierté. D'un geste affectueux, elle vient frotter sa tête contre l'encolure de Jake. Elle est fière de lui aussi. Fière qu'il soit venu aujourd'hui. " C'est un nom parfait. " complimente t elle. A vrai dire, elle était tellement émue qu'il aurait très bien pu l'appeler Chaussette ou Schtroumpf qu'elle aurait trouvé cela parfait aussi. D'ailleurs, le petit semble réagir à ce nom. Elle le félicite en venant lui lécher affectueusement le chanfrein. " Oui Ash. C'est ton nom mon chéri. " dit elle d'une voix douce. Maintenant que la grande arabe à repris un peu de forces, il est temps pour elle d'inciter son fils à se lever pour prendre son premier lait. Fiona se redresse sur ses pieds. Elle est un peu fébrile mais son coeur est gonflé de joie. D'un geste doux, elle donne des petits coups de museau sur sa croupe pour l'aider à se mettre debout. " Allez Ash, lève toi. " encourage t elle en souriant.