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Njörd s'était trouvé un endroit plus secret, plus isolé dans le camp et en avait fait son petit coin à lui. Il y dormait depuis quelques temps pour se reposer de son rhume. Mais là, il était bel et bien debout, grignotant la maigre végétation de sa petite tanière. Au moins, il avait la tranquillité qui lui fallait pour se remettre.

Oui, il était toujours un peu malade, mais il se sentait mieux et avait plus d'énergie que quelques jours plus tôt. Et puis, Tehya lui avait confirmé qu'il avait passé la période de contagion. Avec ça derrière lui, c'était génial. Surtout que les plantes préventives données à tous les membres du clan avaient bien fait effet. Myosotis et leur fils étaient tirés d'affaire. Je suis là, Myosotis. Viens. dit-il, de bonne humeur juste à l'entente de sa voix.

Lorsque le rideau de lierres à l'entrée frémit et qu'il vit sa compagne se faufiler entre la végétation pour venir le rejoindre, son sourire s'agrandit davantage. À chaque fois, c'était la même chose. Son coeur bondissait dans sa poitrine et il avait le souffle coupé pendant une petite seconde, juste à voir son joli visage aux traits fins. Et la petite attention de son épouse ne passa pas inaperçue. Tu sais, d'autres auraient pu en avoir plus besoin que moi. dit-il alors en l'accueillant contre lui. Il n'était plus contagieux et se sentait mieux, bien que fatigué et bien que ses poumons avaient la santé fragile. Mais t'es un amour d'avoir pensé à moi. ajouta finalement le noiraud. Njörd enfouit délicatement ses naseaux dans la crinière caramel de sa bien-aimée. Comment va ma reine ? Il déposa deux ou trois baisers dans son cou, par amour profond et sincère.

L'ébène soupira légèrement. Ils lui faisaient tous la leçon, pourtant il pouvait être si têtu lorsqu'il s'y mettait. Mais Lov avait réussi à le convaincre de se soigner, c'était pour ça qu'il allait mieux d'ailleurs. À cette pensée, il sentit sa gorge se serrer. Non, il ne fallait pas qu'il craque devant elle. Il se concentra sur ses paroles. Il émit même un petit rire, quant à leur fils. Elle n'avait pas tort, Filao débordait d'énergie. Mais il était assez obéissant, du moins avec lui. Même s'il avait la fâcheuse habitude de s'égarer. Njörd s'efforça de garder le sourire, même lorsqu'elle lui demanda comment il allait. Il détourna le regard, ses lèvres virant plutôt à la grimace. Son ventre se nouait encore et il lui sembla sentir son nez lui picoter, ce qui n'était pas très bon signe. Il s'approcha d'un pas pour venir l'enlacer et enfouir son visage dans les crins de sa belle, cachant ses yeux qui s'embuaient. Je suis désolé. Je... Il ne sut quoi dire pour se justifier. Rien ne lui vint à l'esprit, à part la vérité, bien que ça lui arrachait le coeur de le dire. Parce qu'au même moment, il sentit une seule et unique larme couler sur sa joue et venir s'écraser sur la robe dorée de Myosotis. J'ai vu Lov mourir il y a deux jours. Elle a mis au monde des jumeaux, mais elle ne s'en est pas sortie. Sa voix tremblait sans qu'il ne puisse rien faire. Ça ne servait à rien de se bercer d'illusion, d'essayer de faire croire aux autres que tout allait bien alors qu'il avait perdu quelqu'un d'aussi cher. Mais encore pire, il réalisait qu'il aurait pu la perdre elle aussi, lorsqu'elle avait mis au monde Balsamine et Edelweiss. S'il fallait que je te perde toi aussi, je ne sais pas ce que je ferais, je ne serais pas capable de le supporter. Déjà c'est si difficile pour elle, j'ose pas imaginer ce que ce serait...

Il se laissa réconforter par sa compagne, ayant cruellement besoin de sa tendresse et de sa douceur pour panser son coeur meurtri par la perte de sa grande amie. Et il se rendait compte que s'éloigner d'elle pour essayer de gérer seul sa peine n'était pas la bonne solution. Il avait besoin d'elle plus que jamais dans ce genre de situation. Il parvint difficilement à lui sourire à travers ses larmes lorsqu'elle les lui essuie, ayant toujours cette désagréable impression d'avoir un trou béant dans sa poitrine. Rien que de s'imaginer de la perdre, c'était épouvantablement insupportable. Elle lui promettait de ne pas le laisser. Mais Lov aussi lui avait fait cette promesse. Et bien qu'il savait qu'elle était toujours là, que son âme vagabondait autour d'eux en permanence, il ne pouvait pas se permettre d'accepter cette simple présence de la part de Myosotis. Il avait besoin d'elle avec lui. Il avait besoin de son amour, de son contact. Il était hors de question de faire une croix sur elle. Tu ne peux pas me laisser, t'as pas le droit... t'as pas le droit... dit-il en revenant contre elle. Pendant un instant, il s'imagina que la solution était peut-être de ne plus avoir d'enfant. Ce serait un mal pour un bien, il éliminerait un risque de perdre son âme soeur. Mais en même temps... Il savait combien ça pourrait la rendre malheureuse. Quel dilemme... Pour l'instant, il balaya cette pensée de sa tête. Ils auront un autre moment pour y réfléchir et prendre une décision. Mais il avait besoin de faire son deuil en premier, ou il risquait de faire n'importe quoi. Et plus que tout, il avait besoin de passer du temps de qualité avec elle.

Il s'accrochait à elle comme si elle était la seule chose qui l'empêchait de s'effondrer. Car en effet, elle était la seule à pouvoir lui garder la tête en dehors de l'eau. Il avait perdu un vrai pilier et, bien qu'elle était toujours autour d'eux tous, elle lui manquait déjà terriblement. Mais Myosotis surpassait tout, et ça ne faisait que lui faire davantage peur. Peur de la perdre.
Njörd resta silencieux quelques minutes, collé à son corps chaud, et finit par enfin se détendre et se calmer. La tête toujours enfouie sous ses crins, ses naseaux caressèrent son encolure en guise de remerciement pour son soutien. Il se recula lentement et légèrement, plongeant son regard dans ses prunelles émeraude. Doucement, il vint lui voler un baiser, un baiser d'amour, mais un baiser de douleur aussi.

Lentement, Njörd se remit doucement à sourire. Il caressa doucement le visage de sa dorée du bout de ses naseaux, tendre et affectueux. Il n'y avait bien qu'elle pour lui remonter le moral et lui changer les idées quand il se sentait comme ça. En fait, je l'ai amené au lac thermal pour qu'il ne prenne pas froid. Je l'avais amené là-bas pour qu'il puisse prendre un bain, il venait de jouer dans la boue. Mais j'en ai profité pour lui apprendre à nager, pour qu'il puisse se débrouiller un peu.