hear me calling your name // N

Le vent doux soufflait à travers les branches du saule, le bruissement causé enterrant le chant des oiseaux. L'ébène s'était rendu tôt ce matin à l'arbre sacré, pour venir chercher conseil, entendre la voix de ses proches défunts lui murmurer quelques mots de réconfort, pour lui redonner espoir un peu. Et ce fut sans grande surprise qu'il lui sembla sentir l'odeur de Lov flotter dans les airs. Elle avait beau ne plus être en vie, elle était toujours là.

B O R E A L E

Elle s'est faufilée, aussi silencieuse et furtive que ses talents d'espionne le lui permettent. Elle ne vient pas épier les Nilaak, elle a prévenu son père qu'elle ne livrerait rien à leur sujet et qu'elle ne s'en prendrait pas à eux. Ils avaient veillé sur elle, ils n'étaient pas ses ennemis. Et aujourd'hui, si elle s'infiltrait ainsi au sein du camp, ce n'était pas délibérément de manière sournoise. Allie avait juste besoin de rejoindre l'Arbre aux Âmes. Car sa propre âme semblait perdue, dérivant vers de sombre dessein sans qu'elle n'y puisse quelque chose. Sans qu'elle ne veuille y faire quelque chose.
Alors que l'aube se lève à peine, Boréale n'est pas vraiment surprise de voir Njörd aux pieds de l'immense arbre tandis qu'elle dévoile sa présence. Lui demandera t-il de partir ?

Pendant quelques temps, alors que sa grande amie avait quitté les siens, il lui avait permis de venir au camp même si elle n'était officiellement plus une membre des Nilaaks. Mais officieusement, elle avait toujours fait partie de la famille quand même. Alors lorsque ses prunelles se posèrent sur Boréale, il lui sourit doucement. S'il l'avait fait pour Lov, il pouvait bien lui accorder l'accès au camp à elle aussi. Parce qu'après tout, elle aussi, elle faisait partie de la famille.
Il ne se mit à marcher vers elle que lorsque le parfum de la géante brune s'effaça de l'air ambiant, comme si elle voulait les laisser seuls, pour qu'ils puissent parler. Parce que c'était inévitable, après ce qu'il s'était passé. Salut Allie. lui souffla-t-il. Il l'observa doucement en silence, l'oeil tendre. Tu as beaucoup grandi. Tu es rendue une belle jeune fille. Tout pour éviter le sujet principal de conversation, dira-t-on.

Lorsqu'il se dirige vers elle avec son éternel sourire bienveillant et rassurant, elle ne peut s'empêcher de se sentir soulagé. Elle entreprend alors de faire à son tour quelques pas vers lui, et une fois à sa hauteur, elle ne se prive pas pour l'enlacer. Elle n'est plus la petite pouliche d'antan, mais peut être qu'une part d'elle cherche le réconfort de celui qui avait veillé sur elle. Elle sourit à son compliment et desserre son étreinte pour pouvoir plonger ses yeux particuliers dans les siens. Oui j'ai grandi, et tu n'es donc plus obligé de prendre des pincettes. souffle t-elle avec un petit sourire. Elle ne voulait pas être insolente, encore moins insultante, mais elle n'aimait pas tourner autour du pot. Ils étaient tout les deux ici pour la même raison, elle le savait. Je te remercie d'avoir été là pour Maman. C'était important pour elle, de pouvoir te dire aurevoir.

À son étreinte, Njörd la serra un peu plus contre lui, avec force et puissance tant il en avait besoin. Il avait toujours aussi mal suite à la perte de Lov, il n'osait pas imaginer comment elle se sentait. Et une partie de lui avait besoin de garder contact avec Boréale aussi, malgré le départ de sa mère, la personne qui avait initialement fait le lien entre eux. Il lui offrit simplement un petit sourire, teinté de fierté de la voir comme ça. Mais dès qu'elle plongea dans le vrai sujet, son regard vagabonda ailleurs, à travers les branches du saule. C'était important pour moi aussi. On voyait très clairement l'émotion dans son visage, mais il ne voulait pas flancher devant elle. Elle avait besoin de lui après ce qu'il s'était passé. Tu sais, je serai toujours là, si tu as besoin de moi. Surtout en ce moment.

Le regard du mâle noir se dérobe sitôt qu'ils abordent le sujet. Boréale fronce légèrement les sourcils puis suit à son tour le chemin qu'on emprunté les yeux du dominant, ses pupilles dépareillés se perdant dans les branchages fins mais nombreux de l'arbre sacré. Merci... murmure t-elle. Mais elle ne lui dira rien des tourments qui l'assaillent, de la rage qui l'habite. Parce qu'elle ne souhaitait pas le mêler à tout ça. Toi aussi, tu sais. Je suis là pour toi. Elle pouvait être forte pour lui lorsqu'il serait trop fatigué pour l'être. Je ne pensais pas la perdre si ... Tôt. confie t-elle.

Et il n'était pas surprenant que l'étalon ne lui dise pas non plus toute l'étendue des émotions qui le gagnaient en pensant au décès de sa chère amie. Un profond sentiment d'injustice, mêlé à de l'impuissance et une tristesse ravageuse. Une vraie montagne russe qu'il n'avait pas envie de lui imposer, elle qui devait déjà tant souffrir. Mais à quelque part, ils savaient tous les deux ce que l'autre ressentait. Parce que ce genre de chose, ça se voyait dans un regard fuyant et à travers une voix légèrement tremblante. Moi non plus. C'était si... inattendu. souffla-t-il, en sentant déjà l'étau de sa gorge se resserrer davantage, pour le faire souffrir toujours un peu plus. Il riva son regard plein de compassion et de chagrin partagé dans celui de la jeune pie. J'ose croire qu'elle est toujours là, comme elle nous l'a promis avant de rendre son dernier souffle. J'ai besoin de la sentir avec nous.

Un souffle chaud lui parcourt l'échine tandis que les mots de Njord se mouraient dans le froid ambiant. L’hiver s'était installé sur Luanera, mais le froid ne serait jamais aussi saisissant qu'à la banquise, où elle rejoignait presque chaque nuit sa mère. Mais ce souffle, il était semblable à celui que Lov faisait danser sur son dos lorsque son petit corps fragile n'était pas encore assez fort pour encaisser le froid mordant du nord. La lionne ne l'avait jamais surprotégé, elle lui avait toujours donné ce qu'il fallait quand il le fallait, et Allie avait toujours été reconnaissante de cela, cela l'avait forgé et lui avait permis d'être celle qu'elle était aujourd'hui.

Après un instant silencieux, ses yeux s'étend égaré une nouvelle fois dans les branchages, elle s’interroge. Pourquoi cela n'a jamais été plus que de l’amitié entre vous ? Peut être est ce indiscret, mais elle estime avoir le droit de savoir tout ce qui concernait sa mère.

Njörd se laissa bercer par la petite brise chaude, presque réconforté. Il le sait, il la sent. C'est elle. Comme si elle les avait suivis, comme si elle était venue confirmer ce qu'il avançait. Et juste ça, c'était suffisant pour lui réchauffer un peu plus le coeur. L'étalon reposa ses yeux sombres sur la jeune dorée, un petit sourire aux lèvres. Il avait gardé le silence par respect, pour laisser la jeunette encaisser, mais semblait-il que c'était elle qui briserait la glace. Il fronça des sourcils, un peu surpris par cette question qu'il n'avait pas vue venir du tout. Il haussa un épaule, cherchant ses mots, cherchant ses explications. Parce que ce n'était pas fait pour être plus que ça entre nous. Il n'a jamais vraiment été question de plus entre nous. Nos vies personnelles étaient dans des chemins différents et ça nous a permis d'être très proches en amitié. Et puis, je l'ai connue quand elle était enfant, moi je sortais de l'adolescence. Elle a été comme une petite soeur pour moi. Une amitié des plus solides, ça c'était certain. Il ne regrettait rien, car il n'avait jamais rien souhaité de plus que l'amitié qu'ils avaient construit et ça avait été le plus beau cadeau que Lov lui ait un jour fait.

Elle le surprend, le choque peut être, mais ne s'en excuse pas. Elle attend une réponse sincère. En attendant qu'il y réfléchisse, Allie avance jusqu'au tronc de l'arbre. Les feuilles caressent son dos au passage, guidées par une brise de vent légère. La pie lève le regard vers le sommet de l'arbre qu'on ne parvient partout pas à distinguer à travers l'épais feuillage.
En silence, elle écoute le récit de Njörd et soupire. Elle aurait aimé que cela se passe différemment entre eux. Peut être n'aurait-elle jamais vu le jour, mais peut être sa mère serait-elle encore en vie. L'esprit qui divague vers des centaines de possibilités, elle laisse échapper un : J'aurais aimé avoir un petit frère ou une petite sœur. Telle une confidence, un secret inavoué.

Ses yeux se baladèrent sur les branches recouvertes de feuilles, qui danser doucement sous le souffle du vent. Le calme l'envahissait toujours à chaque fois qu'il venait ici, comme si la sagesse des esprits venait lui apporter la paix dont il avait besoin pour apaiser ses tourments. Mais lorsqu'il entendit la confidence de la tachetée, ses prunelles vinrent se poser sur elle. Il prit une grande inspiration. Tu ne vas sans doute pas aimer ce que je vais te dire, Allie, je t'avertis. Il s'approcha légèrement d'elle, faisant un ou deux pas dans sa direction. Il n'avait pas particulièrement envie de s'obstiner avec elle, car il savait combien elle pouvait être têtue. Mais il fallait qu'elle ouvre les yeux... et son coeur. Tu as eu une soeur et un frère, même si tu les tiens responsables de ce qui es arrivé. Mais ils ont perdu leur mère, eux aussi et les détester n'arrangera rien, ni pour toi et ni pour eux. Il lui tendit un petit sourire compréhensif. Sans que vous ne le sachiez, tu as besoin d'eux et ils ont besoin de toi. Vous êtes une famille. Une famille un peu particulière oui, mais je pense que ta mère aurait souhaité que vous restiez unis. Il n'essayait pas de lui prouver qu'Asmund et les jumeaux n'avaient pas tués la lionne, du moins, pas pour l'instant. Il y arriverait, un pas à la fois.