still löving you

Pour une fois, Azara est sage. A l'extérieur, son visage semble froid et fermé. En réalité, elle lutte pour ne pas exploser en sanglot. Elle se colle fort à Aszio pour ne pas flancher. Elle veut être une guerrière. Elle veut être comme sa mère aurait voulu qu'elle soit. Forte. Comme elle. Azara ne l'a pas connue. Elle n'aura jamais eu la moindre caresse venant de sa défunte mère. Pas un mot doux, pas un regard. Pas un souffle. As et Az avaient immédiatement été écartés afin de tenter, une ultime fois, de porter secours à Lövojka. Mais ça n'avait pas suffit.

Aujourd'hui, Azara peut admirer le corps inerte de sa mère. Même si la vie l'a quittée, elle la trouve magnifique. D'une rare beauté et d'une sublime élégance. Elle semble si paisible. Si heureuse. C'est à peine si on ne voyait pas un sourire orner délicatement ses lèvres. La petite ferme les yeux quand elle les sent s'humidifier à la vue d'Asmund. Pour papa aussi, ça a du être difficile. Elle intensifie son étreinte sur son frère.

Njörd

L'étalon noir était venu, ayant eu vent de ce dernier au revoir à son amie. Personne ne l'avait invité, mais il savait qu'il devait y être, qu'il y avait sa place, parmi les ombres des monticules de glaces. Il ne cherchait pas à se mêler à personne, ne cherchant pas à déranger qui que ce soit. Et malgré lui, son regard ne quittait pas le corps de Lov, qui semblait presque dormir. Dormir, oui, mais pour toujours. Il serra sa mâchoire et ses naseaux se pincèrent en sentant la tristesse lui percer à nouveau le coeur.
Mais elle était toujours là, pas vrai ?
Dans le vent, dans les rivières, dans tout.
Elle l'avait promis.



Aulia

La rouanne n'avait pas été là pour faire ses adieux à Lov. Son modèle. Sa "tante". Elles s'étaient bien entendues, toutes les deux. Et pourtant, elle n'avait pas été là pour lui dire au revoir de vive voix. Égoïstement, elle ne le regrettait pas, de pas avoir été. Elle savait qu'elle aurait eu du mal à le supporter. Qu'avec tout le bazar qu'il s'était passé juste avant sa mort, elle n'aurait pas été capable de contenir sa tristesse et sa frustration. Finalement, c'était mieux ainsi. Ça n'aurait pas été beau si elle avait explosé là-bas.
Ici, Aulia se sentait mieux, apaisée même. Elle se souvenait que la lionne l'avait amenée ici, pour regarder les étoiles et les aurores boréales. Pour discuter aussi, de tout et de rien. Et c'est avec ce souvenir qu'elle posa son regard sur le corps de la défunte, un sourire triste aux lèvres. Merci. Merci pour tout. a-t-elle pensé. Elle avait failli le souffler à voix haute, mais s'était retenue. Elle savait qu'elle n'avait pas besoin de parler pour que l'âme de la Nordique l'entende.


Phoenix

Putain il fait froid. pesta-t-elle à voix basse à quiconque voudra l'entendre, le poil hérissé et toute frissonnante. À vrai dire, l'alezane s'y était rendue un peu à contre-coeur. Pas par irrespect pour la défunte, pas parce qu'elle ne voulait pas être là pour ses proches. Mais bien parce que dès qu'elle la vit, étendue dans la neige, elle se buta une nouvelle fois à son échec cuisant. Un échec qui n'aurait pas du se produire. Mais bien vite, elle se mit à observer les gens présents, les gens endeuillés. Les jumeaux, Asmund, X, tout le monde en fait. Et c'était ça, le pire. De se dire que si elle avait pu la sauver, ils ne seraient tous pas aussi tristes. Elle se sentait tellement impuissante, tellement... mal. Et même si elle avait essayé, même si elle avait fait ce qu'elle avait pu, ça la faisait juste tellement chier de l'avoir perdue.
Elle réalisait à quel point elle avait perdu autant de temps à la détester. À la détester pour ce qu'elle avait fait à Salem, à la jalouser parce qu'elle avait pu avoir Hooker avant elle - aussi immature que cela puisse paraître - à la détester parce qu'elle avait abandonné l'enfant. C'était à l'aube de leur bonne entente, de leur paix, de leur alliance et peut-être d'une potentielle amitié qu'elle était morte, la vie lui filant entre les sabots sans qu'elle n'ait pu l'en empêcher.
Et elle la détestait encore plus pour ça.

H O O K E R

L'étalon appaloosa un peu en retrait d'Asmund et ses enfants, proches du corps de Lov, mais en avant du reste des personnes présentes. Il laissait de l'espace et de l'intimité à son frère pour ses adieux à celle qu'il aimait, mais il restait assez près pour le soutenir autant moralement que physiquement si il en avait besoin. Mais As' était un roc difficilement fissurable qui gardait tout pour lui, bien loin des explosions récurrentes et intempestives d'Hooker. Aujourd'hui il aurait aimé le voir exploser, qu'il déverse sa peine pour éviter qu'elle ne le ravage de l'intérieur et n'inflige plus de dégâts encore. Il aimerait abattre ce barrage qu'il a érigé tout autour de son cœur et de son âme. C'est un travail que seul le jaguar peut accomplir.
Il quitte difficilement son frère des yeux pour observer le corps sans vie de Lov. Elle avait la carrure et le courage pour survivre à tout, mais visiblement pas au bonheur et à l'amour. Il soupire.
Il entend Phoenix râler, ce qui lui fait tourner une oreille vers elle, puis pivoter son visage dans sa direction. Il est partagé entre un sourire amusé et un regard accusateur, il se contente juste de déposer ses yeux dans les siens. Il sait que c'est dur pour elle aussi. Elle va de l'avant mais s'est-elle réellement pardonné de n'avoir pu la sauver ? Personne ne lui en veut, personne ne l'accuse, mais elle, il est persuadé qu'elle continue de le faire.

X A N D E R

X ne parvient pas à détacher son regard du corps inerte de sa mère. Il a conscience que ce n'est pas une vision idyllique pour son fils, pour ses frère et sœur non plus. Mais eux aussi ont le droit de lui faire leurs adieux, aussi difficile cela soit-il. Ses yeux sont inondés de larmes qui pourtant ne se décident pas à se déverser sur ses joues. Il se retient, il se contient, pour Thyl, pour elle. Il aimerait être fort pour elle, au moins une dernière fois, lui rendre cet hommage qu'elle mérite tant. Il se demande encore comment il va faire sans elle, alors qu'il avait vécu longtemps sans qu'elle ne soit présente dans sa vie. Aujourd'hui cela semblait si irréaliste et insurmontable.
Il arque l'encolure et embrasse son fils entre les deux oreilles, à la naissance de son toupet, avant de lover son visage contre lui d'Enja. Pour s'apaiser, pour se rassurer. Pour se dire que ça allait aller, pour s'en persuader du mieux qu'il pouvait.

B O R E A L E

Pensaient-ils réellement qu'elle ne viendrait pas ? C'était sa mère, sa meilleure amie. Elle les voit mais eux ne peuvent la voir, masquée par un bloc de banquise mais pouvant apercevoir quelques individus mais surtout le corps de sa mère aux pieds d'Asmund. La colère a pris toute la place dans son cœur et son âme. Mais au moins, ils faisaient quelque chose de bien en rendant sa mère au Nord. Jamais elle ne les remercierait, mais elle resterait cachée là le temps de la cérémonie et repartirai sans esclandres. Pour aujourd'hui. Pour leurs ultimes adieux à Lövojka.

time, it needs time to win back your love again. i will be there, i will be there. love, only love, can bring back your love someday. i will be there, i will be there
i'm still löving you

Le silence couvre la banquise avec une délicatesse étouffée. On entend la neige craquer doucement sous les sabots, une brise siffler à peine aux oreilles, le choc lointain de la glace qui se brise et se percute sur l'océan.

Le cœur lourd, l'étalon se tient près du corps de sa belle. Le soleil du Nord rayonne et de sa lumière, éclaire les crins ivoires de Lövojka. Elle est le puits de pureté où s'est noyé son amour. Où il restera, pour l'éternité. Il l'a haïe, trahie, détruite. Mais ils se sont reconstruits ensemble. Ils se sont apprivoisés. Jamais il n'aimera davantage. Jamais il ne sera plus anéanti qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, le roc est fendu. La pierre s'est fissurée jusqu'à la racine. La douleur est infernale. 

C'est comme un milliard de coups de couteaux dans la poitrine, c'est comme si votre cœur heurtait un rasoir à chaque battement. Comme s'il était prêt à exploser, gonflé d'amour et de désespoir. Chaque minute de vie sans elle est une déchirure, un souffle que l'on souhaiterait éviter. Une respiration que l'on aimerait couper. Définitivement. Car la vie perd son sens, sans Elle.

Il a du mal à la quitter des yeux. Il ne veut pas la laisser partir. Il ne veut pas quitter ce corps qu'il a tant aimé et désiré. Il ne veut pas le rendre. Pas pour toujours, pas comme ça. Il enfouit son visage dans l'épaisse crinière de Lövojka, humant une ultime fois son parfum réconfortant et cachant ainsi les larmes qui s'immiscent dans ses yeux sombres.

Il finit par se redresser et parcoure l'assemblée de son regard nouvellement sec. Beaucoup sont présents. Beaucoup l'ont aimée et l'aimeront éternellement. Il comprend. Il conçoit l'admiration que certains peuvent avoir, le respect et la passion qu'ils peuvent éprouver. Elle aura marqué les esprits à jamais. Elle aura marqué sa vie.

« Lövojka a toujours appartenu au Nord. Ou était-ce le Nord qui lui appartenait ? » Un triste sourire orne ses lèvres noires. Il sait que tous pensent la même chose. Il ne sait pas par où commencer. Parce qu'il ne veut pas finir. Il a la gorge nouée. Même si sa voix se veut grave et assurée, on y perçoit un immense chagrin. « Elle aura marqué nos vies pour toujours. Je suis sûr d'une chose. Ce soir, elle sera l'étoile qui brillera le plus. Là-haut et dans nos cœurs. » Il passe en revue tous les visages face à lui et s'arrête sur celui de son frère. Là, il puise la force de continuer, de ne pas flancher. « Aujourd'hui et pour toujours, elle sera libre. Les flots de l'océan la porteront vers un royaume digne d'elle. Ce n'est pas un adieu. Elle ne nous quitte pas. Elle sera là. Pour toujours. » Il incline son museau vers sa poitrine. Ces quelques mots, il les adresse notamment à Aszio et Azara, bien trop jeunes pour connaître un tel drame. Pour subir une telle souffrance. Il embrasse le regard de Bryséis et y trouve encore un peu de force pour ajouter. « A Gaya et à Lövojka. »

Il dépose un ultime baiser sur les lèvres de sa sublime. Il laisse quelques instants à ceux voulant faire leurs adieux à la jument, les regarde faire, silencieux, plongé dans ses pensées. Une fois cela fait, Asmund fait glisser le corps de Lövojka sur le radeau de glace ; navire de liberté. Au moment de le léguer à l'océan, il a une minute d'hésitation où il se mord les lèvres. Adieu, amour de ma vie. Je t'aimerai pour l'éternité.

Les secondes s'écoulent et le radeau s'éloigne. Asmund le regarde et serre Aszio et Azara contre lui. « Pour toujours. »