/ numéro deux

HORUS

Ils l'ont trouvé. Il en est certain. Il s'avance au plus près. Ils ne sont pas beaucoup dans le groupe, moins d'une dizaine. Mais à eux deux, ils sont une centaine. Et puis, les autres ne rentrent pas dans le contrat. Derrière un rocher, à l'abri du vent qui pourrait le trahir, il fixe de son oeil bleu l'individu. C'est bien lui, il n'y a aucun doute. Grand comme lui, sa robe de feu, sa mèche blanche dans les crins. Et le grand bol blanc qui lui mange le visage. Le voilà. Le tortureur de Kyra.
Il revient vers Azel en quelques minutes de marche et lui lance un sourire qu'elle saisira tout de suite comme une victoire. Comme une confirmation. Dès la nuit tombée. On le surprendra. Mais les autres ne doivent pas subir le même sort. Il n'a encore tué qu'une seule fois. Un meurtre d'essai, d'apprentissage, dont il a préféré tout ignorer de sa victime : une jument nommée Bailey. Sa mère lui a montré. Il s'est entraîné, sur les loups comme Azel, puis sur les ours. Les pumas dans les montagnes, même. Il a chassé, pour s'endurcir. Et puis, ensemble, ils sont plus forts que tout.

Leur voyage avait été plutôt silencieux, Azel ne pipait pas grands mots. Elle demeurait concentrée, dans ses pensées, interdite. Lorsque ce fameux soir arriva, la traque portait enfin ses fruits. Elle attendit tout de même le signal de Horus, car lui seul avait une description aussi précise de leur proie. Bien que se tromper de personne ne l'aurait pas empêchée de dormir, la grise acquiesça à ses paroles. « En attendant, observons. » souffla-t-elle calmement, échangeant un regard entendu avec son frère.
Ils patientèrent donc des heures durant, demeurant toujours à l'abri de toute trahison visuelle ou olfactive. Au fur et à mesure du temps, Azel se faisait une idée plutôt cohérente du personnage. Elle découvrit les liens qu'il entretenait avec les membres de ce groupe, et put même assister à des échanges affectifs de l'individu avec un autre. D'un certain point de vue, on aurait dit une famille. Une famille que la sienne s'apprêtait à briser.

Il hoche la tête, lui aussi peu bavard. Trop concentré. Dissout dans sa mission. Il observe lui aussi, notant mentalement les détails, les relations, les hypothèses. Sa première cible, il ne la connaissait pas, n'avait appris son nom qu'après l'avoir tuée. Cette fois, il veut que cela soit différent. Ils semblent unis, mais le seront-ils vraiment face à la menace qu'ils vont lancer sur eux comme un fléau ? Horus est sûr d'eux. Sûr de lui et sûr d'Azel. Ensemble, ils ne peuvent échouer à rien. Il y a quelques semaines, avec ma mère, j'ai tué une jument. Sa voix est neutre, dénuée de toutes émotions. Il l'annonce comme il parlerait du temps ou d'un souvenir d'enfance quelconque. Il ne jette même pas un coup d'oeil à Azel, ne craint pas son jugement. Elle n'en a jamais eu envers lui. Elle s'appelait Bailey. Personne ne le sait. Ils ont décidé de camoufler qu'il est l'auteur du meurtre. Parce qu'elle ne le méritait pas mais qu'il en avait besoin. Mais Azel, il ne veut rien lui cacher. Alors, elle saura tout, toujours.
Il s'ébroue. Le soleil décline. Il fait un signe de tête à sa soeur, complice. Il est temps de se mettre en route.

Seule l'oreille de la grisaille frémit lorsqu'il reprit la parole, pour signifier son attention. Elle lui jeta un bref regard, sans croiser le sien, avant de reporter ses iris sur leur cible. Un court instant distraite par cette information, elle ressentit une pointe d'amertume dans sa poitrine. Peut-être qu'elle aurait aimé être là. Peut-être qu'elle aurait aimé être sa seule complice. Seule témoin de ses pulsions sanguinaires.
Elle voit son signe de tête du coin de l’œil, et comme leur plan le prévoyait, elle prit la direction opposée à celle de son frère. Les prendre en embuscade, par surprise. Ses naseaux frémissaient en frôlant les épines des quelques buissons qu'elle contournait. Silencieuse, froide, elle progressait à couvert, se servant de cet instinct de prédation qu'elle avait développé depuis son enfance. Ne se laissant plus distraire par la moindre pensée inutile, Azel s'arrêta lorsqu'elle atteignit le point stratégique. Sa respiration était lente, mesurée, et elle demeura immobile durant quelques instants, se concentrant davantage.

Boum-boum... Boum-Boum... Boum-...

Elle envoya sa tête valser avec force contre le tronc d'un arbre, provoquant un craquement sourd dans le calme de la soirée. S'accompagna un cri de sa part, puissant, en détresse. L'une de ses arcades avait explosé sous l'impact, et du sang s'écoulait sur sa tempe et son chanfrein. Elle appela à l'aide, et capta ainsi leur attention. D'abord sceptiques, les équidés étrangers hésitèrent, avant de s'approcher. Elle se dévoila à demi, répétant son appel à l'aide, titubant. Convaincus, ils finirent par accourir, interloqués. Le piège se mettait en place.

(j'improvise un peu le plan, dis-moi si tu souhaites quelque chose de plus conventionnel c:)

(c'est parfait !)

Horus saisit bien la rancune qu'elle dégage. Il capte les émotions des autres plus facilement, ayant développé tous ses autres sens au détriment de sa vue défaillante. Mais il ne dit rien. Il aurait aimé lui dire que lui aussi aurait voulu qu'elle soit là, qu'elle le fasse avec lui, mais comment aurait-il pu proposer cela à sa mère ? Il craint qu'elle n'aurait refusé, jugeant l'opération trop risquée. Azel est pour elle une inconnue, ce qui changera lorsqu'ils rejoindront la Tribu ensemble. Elle pourra alors prouver à l'araignée qu'elle vaut tout autant que lui. Peut-elle acceptera-t-elle même de lui enseigner son art macabre, à elle aussi ?
Le plan est lancé. Azel est partie de son côté, elle fera distraction. Horus lui part à l'opposé, tapis dans les fourrés et camouflés par quelques dunes pleines de verdure. Il s'approche du camp lorsque tous accourent vers les cris de sa soeur. Il se sent connecté à elle, comme s'ils se parlaient par télépathie. Il devine ses gestes, ses mots, ses pensées, sans même la voir. Il laisse ses yeux parcourir un instant leur camp, sans s'y attarder. Il n'y a pas âme qui vive, ils sont tous allés vers la source d'Azel. Naïfs. Ou peut-être trop distraits pour imposer une garde supplémentaire à leur camp ?
Il marche dans leur dos. Horus est confiant, assuré, maître de lui-même. Sa respiration est étonnamment calme et mesurée, les battements de son coeur sont lents, contrôlés. Il n'a pas peur, ne doute pas de lui ni d'elle. Comme s'il avait fait ça toute sa vie.
Comme s'il s'apprêtait à le faire toute sa vie. Il arrive aussi silencieusement que la nuit qui tombe et les plonge toujours plus dans l'obscurité vers le dernier de la file qui s'est précipitée vers Azel. Au moment où celui-ci le sent et s'apprête à se retourner, Horus lui donne un brusque coup d'encolure à la base de la tête pour l'assommer. Celui-ci chute, sans connaissance mais en vie. Car c'est leur plan. N'éliminer que leur cible, mettre simplement hors d'état de nuire les autres. Bien sûr, si l'un d'eux vient à avoir le dessus sur eux... Il faudra modifier leur code. Les autres têtes pivotent vers la source du corps tombé à terre et leurs yeux, inquiets et furieux, se braquent sur Horus d'un seul mouvement. Deuxième diversion. Horus recule d'un pas, mimant l'effroi, l'hésitation, sans accorder un seul regard à Azel de l'autre côté de la muraille de corps. Il sait qu'elle est là.
Il sait qu'elle est prête.

Elle pouvait presque sentir son poul battre dans cette arcade qu'elle avait volontairement blessée. L'adrénaline commençait à monter, au fur et à mesure qu'elle voyait les étrangers s'approcher d'elle, plutôt intrigués et surpris. Il était vrai que leur plan n'incluait pas la mort de ceux qui n'étaient pas leur cible principale, ceci dit, il y a toujours des imprévus, n'est-ce pas ?

Tout se jouait à la seconde près. Horus ne bénéficiera pas d'autant de temps qu'elle, étant donné que les équidés s'étant retournés vers lui commençaient à l'injurier et à sérieusement se demander ce que c'était que ce bordel. Et c'était tout à leur honneur. Azel, entre temps, s'était redressée et ne jouait plus sa comédie. Bientôt, l'un d'eux se tournerait à nouveau vers elle pour la sonder à nouveau, et ils ne mettront pas davantage de temps à deviner la complicité de la fratrie. Alors elle plongea, au moment où celui en face d'elle reportait son regard sur elle. Sans pitié, impétueuse, elle mordit dans ses yeux, les lui crevant sans regrets. Il se mit à hurler, et hors d'état de nuire, tituba sur plusieurs mètres avant de s'écrouler. La grisaille cracha le sang qu'elle avait en bouche, un mélange du sien et de celui de l'inconnu. Ils étaient désormais à forces égales, deux contre deux, dont leur cible.

Cette dernière ne fit probablement pas le rapprochement entre son crime et la venue des deux équidés vengeurs. C'est pourquoi Azel sentit l'odeur de la peur, et devina l'affolement des deux derniers individus, bien que motivés par la rage à en découdre. La scène était macabre, sanglante, menaçante. Comme deux prédateurs, Horus d'un côté et Azel de l'autre s'apprêtaient à se jeter sur leurs proies pour les mettre en pièce. Il s'avéra que leur cible était la personne qui lui faisait face. La grise se fit tout d'abord surprendre par l'agilité du mâle, qui la percuta de plein fouet. Déstabilisée, elle sentit les coups et les morsures s'enchaîner au niveau de son avant-main. La jeune femelle ne faisait désormais plus attention à Horus et à sa situation, trop concentrée à encaisser les coups pour guetter une ouverture.

Le sang jaillissait, encore. Sa peau était entaillée par les sabots et les dents. L'un de ses yeux s'injecta de sang suite à un coup de genoux. Mais chose qu'elle s'était promis ; elle rendait toujours les coups. Elle parvint, après maintes souffrances, à attraper la jugulaire du mâle, qui se débattait férocement. Pour la vie. Pour vaincre la mort qui pendait à sa gorge. Là, enfin, après ces longues minutes, elle jeta un regard à Horus, pour connaître l'avancée de la situation, et savoir si elle devra l'achever seule ou avec son soutien.

Bien vite, il n'en resta que deux. Ce qu'Horus ignore encore, c'est qu'il s'agit des deux meilleurs guerriers de leur petit attroupement. Et ça, il va vite l'apprendre. Leur cible se concentre sur Azel, un instant il craint pour elle. Il se remémore le récit de Kyra. Puis ses craintes s'envolent et un sourire criminel s'affiche sur ses lèvres. Personne ne pourra jamais faire ça à Azel. Elle est plus impitoyable que n'importe quel bourreau.
Alors, il se concentre sur la silhouette qui fond justement sur lui. Il l'esquive une première fois avec agilité mais l'autre n'en démord pas et enchaîne les attaques. Toujours ratées grâce à la fluidité et à la concentration d'Horus mais il relève un instant les yeux. L'image d'Azel rouée de coups fait vite monter son sang à son cerveau. Distrait, il prend un premier coup puis un second, juste entre les deux yeux. Il sent une large entaille et le sang couler le long de son chanfrein jusque dans son oeil mort. Peu importe, il ne voit déjà pas grand chose avec ce dernier. Mais c'est là qu'il se reprend. Il s reconnecte et d'un violent coup de tête, éloigne celui qui s'acharne sur lui. Dans sa tête, il ne voit qu'Azel. Azel et l'autre qui n'en finit plus de la frapper. Azel et le sang sur sa robe. Et il dégénère.
Il enchaîne les coups avec brutalité mais précision, ne se donnant plus aucune limite. Ils avaient des règles mais celles-ci semblent maintenant superficielles. Il s'acharne avec violence sur l'individu qui avait le dessus quelques secondes auparavant encore. Jusqu'à-ce qu'il ne bouge plus, défiguré, la peau arrachée. Comme ce loup qu'il avait massacré avec Azel une fois. Le souffle court, Horus bondit sans attendre en direction de leur cible. Il lui mord sauvagement le jarret arrière et celui-ci s'écroule, sur trois pattes, chancelant. Il se place alors aux côtés de sa soeur, flancs contre flancs, leurs robes couvertes de sang - le leur et ceux des autres.

C'est là qu'Azel le tient à la gorge. Leur cible est partagée entre la peur et la colère, l'envie d'abandonner et celle de continuer à se battre jusqu'au bout. Il n'est pas stupide, il sait que la fin est proche. Mais avant ça, Horus veut qu'il sache pourquoi. Qu'il sache pour quelle raison et quels actes il paye aujourd'hui. Il se plante face à lui, le regardant droit dans les yeux. L'inconnu semble déstabilisé par son regard si particulier ou peut-être est-ce juste parce qu'il a mal à en crever. Pour ce que tu as fait à Kyra. Je devrai te violer pour que tu ressentes ce qu'elle a ressenti. Tu ne feras plus jamais de mal à quiconque.
Il tourne sa tête vers Azel puis hoche la tête. Elle peut l'achever elle, si elle le souhaite. Horus lui donne son accord, il a fait payer, c'est ce qui compte pour lui. Il a déjà hâte de rentrer retrouver cette petite pie traumatisée et lui dire que plus jamais elle n'aura à faire de cauchemars.

Elle tenait sa vie entre ses dents, et pouvait la rompre d'une seule morsure bien menée. Elle ne comprit pas trop pourquoi Horus tenait tellement à ce qu'il sache la raison de son châtiment. Le sang était vengé par le sang, telle était sa devise, tout simplement. Elle s'imagina un instant les horreurs qu'avait pu accomplir l'individu, qui ne remuait plus tellement, car le moindre mouvement lui coûterait la vie. Pendant la prise de parole du brun, le regard de la cible croisa celui d'Azel. A l'aube de la mort, elle y lu la peur, mais pas le regret. La terreur de se voir rattraper par ses cauchemars. Et cette terreur, Azel la recueillit comme un réceptacle, froide comme la glace.

La seconde suivante, tout était terminé. D'un coup sec, tranchant, la grise lui arracha la jugulaire. Sa bouche s'emplit du goût ferreux du sang, dont elle eut immédiatement l'envie de se dépêtrer. Son cœur battait rapidement, et son propre sang s'écoulait avec lenteur de ses plaies, par chance superficielles pour la plupart. Elle cracha au visage du cadavre son propre sang, tandis qu'une mare de sang se dessinait autour de son encolure, là où elle avait arraché, déchiqueté la peau. Avant que le sang ne parvienne à ses pieds, la grise recula. Elle s'orienta vers son frère, plaquant son visage contre le sien, comme auraient pu le faire deux félins, avant de s'en détacher. La sensation du sang qui commençait à sécher sur sa peau et ses crins était désagréable. Il était temps de se nettoyer.

il l'observe faire, avec une satisfaction non cachée. oui, il est fier d'elle. fier de voir qu'elle a ça aussi dans le sang. il a toujours pensé que c'était sa mère qui lui avait transmis ce désir de mort, peut-être finalement cela vient-il aussi de son père, qu'il partage avec azel. il accueille sa tête contre la sienne en fermant les yeux, sans se soucier d'avoir du sang sur lui. il ne se sent pas sale pour autant. il commence à tourner les talons. il est temps pour nous de rentrer. avant que les autres ne reprennent connaissance. pour lui, il était important que l'étalon sache de quoi il avait été jugé coupable. horus commence à marcher en sens inverse, dépassant l'endroit où ils s'étaient arrêtés pour surveiller la troupe peu avant. sur le chemin, une petite rivière fait l'affaire pour les nettoyer. le corps trempé, horus s'ébroue et rejoint la berge. il y a quelque chose dont je dois te parler. à propos de cette jument, que j'ai tuée avec ma mère.

Azel ne répondit pas. Ils n'avaient pas besoin de mots, pour se comprendre. Elle marchait calmement, d'abord un peu en avant comparé à son frère. Puis, elle l'attendit, marchant à sa hauteur, jusqu'à parvenir à cette rivière, qui semblait couler ici depuis toujours pour leur offrir le bain qu'ils s'apprêtaient à prendre. La grise se saisit d'une large tranche de mousse trouvée aux abords, et l'imprégna d'eau, avant de venir l'appliquer sur la peau du mâle. Elle ne se souciait pas de savoir si c'était glacé, elle n'y pensait même pas. « Mhh ? » marmonna-t-elle, ne pouvant articuler grand-chose tant qu'elle avait cette mousse en bouche. Elle nettoyait l'une des blessures du jeune mâle, elle-même dans un sale état. Le combat avait été rude, et elle était exténuée, trop exténuée pour parler. Mais elle pouvait écouter. L'une de ses oreilles orientée vers Horus, elle attendit qu'il ne reprenne la parole, continuant tout de même sa tâche.

horus se laisse faire, détendu, sa peau tressaillant seulement au passage de l'éponge imbibée d'eau froide. il fixe droit devant lui, son oeil malade naviguant entre plusieurs couches épaisses de brume. eh bien, cette jument, elle attendait un petit. avec nyveèn, nous avons décidé de le sauver, quand bien même j'avais tué sa mère. de l'adopter, de l'élever, pour qu'il puisse vivre parmi nous. c'est mon petit frère, du coup. il s'appelle narval. et c'est le tien aussi, si tu le souhaites. il tourne alors la tête vers elle et lui prend délicatement la mousse de la bouche, geste presque ambiguë mais horus n'y accorde aucune importance. il commence à son tour à panser et laver du sang les plaies de la grise.

Azel ne sut pas vraiment comment réagir, alors elle ne le fit pas du tout. Elle était loin d'être idiote, et comme il n'avait pas précisé qu'il l'avait tuée en couche, des scénarios glauques traversèrent ses pensées, agrémentées par son imagination fertile. Elle retint le prénom, Narval. Ceci dit, l'idée d'avoir une nouvelle personne dans sa famille ne faisait pas son chemin dans son esprit. Elle n'avait même jamais rencontré la mère de son frère, et peu lui importait, car elle peinerait peut-être davantage à contenir cette jalousie. Cette si faible faculté à contenir ses émotions, elle la tenait probablement de leur père à tous les deux. Pourtant, Horus n'avait pas l'air aussi atteint qu'elle, de ce côté là. Elle réprima parfaitement un petit frisson quand il lui prit la mousse, se laissant laver tranquillement. « S'il découvre la vérité, peut-être qu'il voudra vous tuer ? » s'enquit-elle simplement, observant un point vague un peu plus loin, sa mâchoire se crispant parfois quand il nettoyait une plaie plus profonde.

horus avait peut-être plus pris de sa mère, de sa force tranquille, de sa capacité extrême à analyser la situation sans laisser d'émotions déborder et gâcher un masque parfaitement monté. il la sent se crisper, passe plus délicatement l'éponge sur une plaie plus profonde, vive, et la maintient dessus pour arrêter le saignement. peut-être, oui. ou peut-être à ce moment-là nous considèrera-t-il comme sa réelle famille. il ignore totalement quelle serait la réaction de narval le jour où il apprendra la vérité. car horus ne se fait pas de films ; la vérité éclate toujours. peut-être même qu'il sera le premier à venir la lui confier. il n'est pas de mon sang pourtant... je le sens comme nous. j'aimerai qu'il vienne avec nous, si on refait d'autres expéditions de ce genre. qu'on lui apprenne. que tu lui apprennes ce que tu sais. il cherche son regard, pour quêter sa réaction.

Azel, à ce moment, parvenait plus ou moins à se détacher de ses douleurs physiques en écoutant les paroles de son frère. Le chemin du retour sera sûrement plus délicat qu'à l'allée ; ils étaient bien amochés. Elle se demanda un instant ce qu'il entendait par "comme nous", mais ne posa pas la question. Elle se faisait une idée. La grise ne fut pas très favorable à l'idée d'être trois une prochaine fois, préférant partager ces moments avec son unique frère. Elle poussa un léger soupir, mais concéda à faire un effort. « On verra, alors. Une fois. » Rares étaient les instants où elle accédait au désir de quelqu'un d'autre qu'elle-même. D'ordinaire profondément égoïste, Azel tenait son frère assez haut en estime pour lui accorder une faveur. Mais elle savait qu'elle n'était pas aussi accessible sentimentalement, et que ce frère dont il faisait mention ne le sera jamais à ses yeux.

Une fois leurs plaies nettoyées, la grise se redressa, sentant ses os ankylosés craquer. Les courbatures seront probablement bien présentes durant de nombreux jours. Mais c'était le prix à payer. Bien moindre face au prix que leur victime avait du payer. « Tu as beaucoup de donzelles à venger ? » lança-t-elle d'un ton plus taquin, moins froide. L'ombre d'un sourire s'était glissé sur ses lèvres, tandis qu'elle sortait de la rivière fraîche.

horus saisit son soupir et en pousse un aussi, pour lui montrer qu'il a compris, ressenti ce qu'elle ressent. il ne lui demande tout de même pas d'être amoureuse de lui, juste de lui apprendre ce qu'elle sait. d'en faire un apprenti, si elle ne peut s'en faire un frère. mais bon, peu importe. il décide de ne pas s'attarder, il n'a pas envie de s'énerver. oui oui, il s'énerve parfois
il laisse un sourire amusé et mesquin étirer ses lèvres aussi. hmm... non, je ne crois pas, fait-il en faisant mine de réfléchir longuement. il sort lui aussi de l'eau. en plus, c'était même pas une conquête. elle était tellement traumatisée, je n'aurais pas osé la toucher. mais toi, parle-moi un peu de tes amants, je ne sais même pas si tu en as il la bouscule doucement, avec taquinerie.